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Centrafrique : le risque de génocide craint par Laurent Fabius est surestimé mais la situation très grave
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Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a jugé la situation en Centrafrique "proche du génocide". Si le terme est excessif, les exactions commises dans ce territoire nécessitent toutefois une importante intervention de la communauté internationale.

Alain Antil

Alain Antil

Alain Antil est chercheur et responsable du programme Afrique subsaharienne à l’IFRI.

Il enseigne à l’Institut d’Etudes Politiques de Lille et à l'Institut Supérieur Technique Outre-Mer (ISTOM).

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Atlantico : Laurent Fabius a déclaré que la Centrafrique est "au bord du génocide". Est-ce crédible ? 

Alain Antil : Le pays s’enfonce depuis des mois dans une spirale infernale où exactions contre les civils, pillages systématiques de villages, désorganisation complète des services de l’État incapable aujourd’hui d’offrir des service de santé par exemple. La Seleka, terme qui signifie « coalition » en sango (la langue nationale), est un regroupement de partis et de leurs ailes militaires, c’est un mouvement peu cohérent en réalité composé de bandes armées très autonomes. Si ce mouvement est centrafricain, il comporte également des mercenaires étrangers, notamment soudanais et tchadiens.

Si le terme pré-génocidaire semble inadéquat car il n’y a pas un mouvement puissamment organisé et centralisé ayant la volonté de détruire une partie de la population, nous sommes néanmoins certainement déjà entré dans une catastrophe humanitaire, avec de nombreux morts.

Est-ce également un signe que la France s'apprête à intervenir ? Que pourrait-elle concrètement faire ?

La France a déjà un contingent de quelques centaines d’hommes qui sécurisent l’aéroport de Bangui et les ressortissants français et européens présents dans la capitale. Paris compte envoyer au moins 1000 hommes supplémentaires pour vraisemblablement sécuriser la capitale et sa proximité immédiate.

La situation critique en Centrafrique dure depuis le renversement de François Bozizé en mars dernier. Pourquoi l'intervention tarde-t-elle ? Qu'est-ce qui a changé récemment poussant les autorités françaises à communiquer sur une possible intervention ? 

La France est sur un autre front africain très compliqué, le Mali, et François Hollande ne souhaite pas multiplier les interventions militaires. Cependant, la dégradation constante de la situation impose à la communauté internationale d'intervenir. De plus, les affrontements prennent de plus en plus une tonalité confessionnelle, ce qui est très inquiétant. Pour l’instant, seule la Fomac (Force multinationale des États de l'Afrique centrale) et la France se sont portés au secours du pays. Compte tenu du nombre de soldats engagés, même renforcés par les 1000 soldats français et les casques bleus annoncés par Ban Ki Moon au début de la semaine, les ambitions seront évidemment limitées dans un pays plus grand que la France.

Quels sont les intérêts qui poussent la France à occuper, comme au Mali, une position de premier plan dans une éventuelle intervention en Centrafrique ?

Certains évoquent comme à chaque fois de puissants intérêt miniers où la volonté de barrer la route aux intérêts chinois, en réalité, nous sommes face à une situation récurrente en Afrique francophone où la France intervient une nouvelle fois dans un pays qui en réalité n’intéresse pas la communauté internationale. Les Américains n’interviendront pas, les Européens seront une fois de plus aux abonnés absents, l’Afrique du Sud a tenté de sauver le régime Bozizé et a perdu des hommes, seuls les pays voisins et l’ex-colonisateur sont présents.  

Après une intervention au Mali en début d'année, comment le gouvernement peut-il préparer l'opinion publique française à une nouvelle action militaire dans cette région du monde ?

Il ne s’agit pas du même type d’intervention qu’au Mali. Il y aura certainement des accrochages avec divers groupes mais certainement pas de batailles d’envergures. L’engagement français sera moins coûteux et surtout moins dangereux pour les soldats français. De plus, il y aura vraisemblablement un consensus entre le PS et l’UMP pour cet engagement, qui ne sera donc pas très clivant pour la vie politique française.  

Si action il y a, ce ne sera pas "aussi massif et durable" que le Mali a annoncé le ministre des Affaires étrangères. Dans un pays plus grand que la France, frontaliers de six autres États, où se mêlent luttes pour le pouvoir et combats religieux, est-il possible de ne pas s'enliser ?

Ce sera une opération de maintien de la paix plutôt qu’une guerre, mais il faudra un soutien beaucoup plus important de la communauté internationale, nous sommes dans un territoire où il n’y a plus d’Etat, où il n’y a plus d’armée nationale. Ce territoire est devenu un carrefour de bandes armées, de coupeurs de routes, qui terrorisent les populations. Il y a un risque de très forte dégradation de la situation alimentaire. Enfin, le terrible mouvement armé millénariste ougandais, la Lord Resistance Army (LRA) a trouvé refuge à l’Est de la RCA. Le processus de sortie de crise sera très long.

Propos recueillis par Damien Durand

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