Où étiez-vous quand… ? L’Histoire des 50 dernières années par ses moments chocs : la mort de Kennedy et les années 1960<!-- --> | Atlantico.fr
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JFK a été assassiné le 22 novembre 1963.
JFK a été assassiné le 22 novembre 1963.
©Reuters

1963-2013

La décennie 1960 a vu l'histoire du monde prendre plusieurs tournants majeurs, notamment dans notre pays. Retour sur les événements qui ont marqué une vraie rupture dans ce premier épisode de notre série "Les moments chocs de l'histoire".

A l'occasion du cinquantième anniversaire de l'assassinat du 35è président des Etats-Unis John Fitzgerald Kennedy, le sociologue Michel Maffesoli revient sur son sentiment et son souvenir de cette date qui a marqué la décennie des années soixante dans le monde entier.

Michel Maffesoli : Un événement mondialement médiatisé, un drame en temps réel, une des premières fois que le rite piaculaire (pleurer ensemble) s’exerce en même temps sur toute la planète. Sa mort dramatique clôt la courte carrière politique de ce président, qui inaugure vraiment la mise en scène de la vie privée dans l’espace public, l’utilisation de son physique et de sa famille comme arguments de pouvoir. Signant ainsi le début du déclin du politique.

Philippe Moreau Defarges, ancien diplomate et chercheur à l'Institut Français des Relations Internationales a choisi quatre dates, quatre événements de cette décennie qui selon lui ont marqué une vraie rupture dans l'Histoire du monde et de la France. Jean-François Kahn et Michel Maffesoli nous racontent comment ils ont vécu ces moments clés

1962 : la crise des missiles de Cuba

Philippe Moreau Defarges : C’est une date très importante dans l’histoire mondiale car elle correspond à une prise de conscience des dangers de l’utilisation de l’arme nucléaire. C’est un événement qui a marqué le monde entier. Cela a surtout concerné les États-Unis et l’URSS bien sûr, mais même en France est apparue à ce moment-là la vraie peur d’un dérapage de la question nucléaire.

Jean-François Kahn : J’étais à ce moment journaliste au service de politique étrangère de Paris-Presse. Je me souviens que cela  été un moment émotionnel car c’était la dernière fois où l’idée qu’il pouvait y avoir une guerre mondiale avec l’utilisation de bombes nucléaires apparaissait comme crédible. Cela reste cependant un événement ponctuel, plus qu’historique, car comme cela ne s’est finalement pas fait, on ne peut pas dire que cela a modifié le cours de l’Histoire.

Michel Maffesoli : Notre génération a largement occulté la réalité de la menace communiste, au profit même d’une certaine révérence pour le régime soviétique. Il faut dire qu’en France nombre d’intellectuels ont fait montre de peu de discernement et n’ont dénoncé que très tardivement ce régime totalitaire.

1968 : l’offensive du Têt

Philippe Moreau Defarges : Cet événement majeur de la guerre du Vietnam a confirmé définitivement que la supériorité technique et économique n’est pas un argument suffisant pour gagner une guerre. La détermination d’un peuple apparaît comme l’élément clef dans le cadre d’un conflit. La France a d’ailleurs, à son échelle, expérimenté une telle situation avec la guerre d’Algérie, ou, même si cela est plus ancien, la défaite de Dien Bien Phu. Le conflit au Vietnam est également un des derniers événements marquant d’un phénomène qui a marqué la décennie 1960 : la décolonisation.

Jean-François Kahn : J’ai pu assister à cet événement puisque j’étais à ce moment-là dans la ville de Hué, où je couvrais la guerre pour l’Express. Choisir l’offensive du Têt comme fait majeur se défend tout à fait, en le considérant comme le premier signe d’une vulnérabilité de la puissance américaine. D’ailleurs, cette offensive du Têt a été militairement un échec. Mais le fait que, pendant plusieurs semaines, le Vietnam puisse s’emparer de l’ambassade américaine, ou de la ville de Hué où je me trouvais, c’est le symbole fort que la puissance des États-Unis devenait vulnérable. 

Michel Maffesoli : Le soutien du « peuple vietnamien » contre « l’impérialisme américain » constituait un passage obligé de la contestation étudiante avant les évènements de 1968. A l’image des étudiants américains, les étudiants français s’impliquaient pour la première fois dans un conflit autre que national. Sans toujours pressentir les implications d’une victoire du communisme. En effet, au-delà du passage obligé de la défense du petit peuple vietnamien contre le géant américain, certains n’avaient pas hésité à soutenir l’un des évènements les plus barbares de l’histoire contemporaine, la révolution culturelle chinoise. Ou bien se tromperaient plus tard cruellement en se réjouissant de la victoire des Khmers rouges au Cambodge. (N’oublions pas qu’un philosophe célébré par les médias actuellement, Alain Badiou, écrivait en 1979 dans le Monde, « Kampuchea vaincra »).

Mai 1968

Philippe Moreau Defarges : Cet événement marque le déclin, si ce n’est la fin, de deux structures qui étaient à l’époque des piliers de l’organisation sociale : le Parti communiste et l’Église. Cette année, c’est même la plupart des partis communistes qui ont été ébranlés. En France en tout cas, c’est une certaine idée qui meure : celle de l’ordre et de la hiérarchie. C’est un moment qui marque la fin de De Gaulle et, plus généralement, d’une certaine France. C’est un moment qui marquera également l’envol de la prise de conscience écologique et le triomphe de la société de consommation dans une France qui se paie une révolution non sanglante, que je qualifierais de « révolution d’enfants gâtés ».

Jean-François Kahn : Je l’ai là aussi vécu de très près car je couvrais Mai 68, là aussi pour l’Express, depuis le premier jour. Clairement, je ne connais pas d’événement où il y a une telle dichotomie entre la réalité de l’événement lui-même, et la façon « mythologique » dont on le raconte après-coup. Ce qui est intéressant, c’est que c’est un événement universel, car il y a aussi un « mai 68 » aux États-Unis,  à l’université de Berkeley, mais aussi à Mexico, en Italie… Il y a là une mondialisation d’un malaise de la jeunesse par rapport à une évolution de la société qui, avec du recul était peut être même assez positive ! Et ce sont des générations entières qui en ont pris conscience au même moment et qui ont réagi. C’est ça le plus important.  

Michel Maffesoli : On a parlé à propos de Mai 68 de « révolution », de contestation politique, de volonté de renverser le pouvoir, de prise de conscience par la jeunesse de son importance. Il me semble cependant que 68 inaugure plutôt un vrai changement de paradigme : l’événement prend sens non plus par sa finalité, mais au présent. Le monde appartient aux manifestants, parce qu’ils sont ensemble dans la rue, qu’ils occupent l’université, que leur projet est de faire de leur vie (sur le moment) une œuvre d’art.

Politiquement, Mai 68 a plutôt été influencé par les courants anarchistes, situationnistes, ultra-gauchistes que par le léninisme et le trotskysme des gauchistes. Il s’inscrit ainsi dans la grande lignée inaugurée par le romantisme, puis par le surréalisme deux périodes de l’histoire où dominent l’affect, les émotions, un vision poétique du monde. C’est le début « d’homo eroticus ».

1969 : l’homme marche sur la Lune

Philippe Moreau Defarges : L’homme réalise là un de ses vieux rêves. En effet, en pouvant voir la Terre de la Lune, il en réalise la fragilité et la petitesse. Cependant, malgré l’importance de l’évènement, l’homme n’a pas fait grand-chose d’une telle avancée, et la Lune reste aujourd’hui un astre mort, la faute à la nécessité de moyens considérables pour donner une suite à cette avancée.

Jean-François Kahn : Les gens ont pratiquement oublié le programme de l’exploration de la Lune, alors que c’est pourtant quelque chose de considérable. Je crois qu’il y a plus de gens qui se souviennent du Spoutnik que du premier homme sur la Lune.

Michel Maffesoli : Cet événement inaugure la fin du « géocentrisme ». Ensuite, les astrophysiciens nous apprendront qu’il existe des plurivers (et non un univers), voire que l’univers que nous voyons n’est qu’une sorte d’immense reflet du réel, un univers chiffonné (Luminet).

Mais l’homme qui marche sur la Lune, c’est également une nouvelle version du mythe, celui de Jules Verne ou d’Hergé, et quand on apprend que les Américains avaient préparé un « faux alunissage » au cas où le vrai aurait raté, on se prend à penser que cet événement est peut être un premier indice de l’importance que prendra le virtuel ou l’enrichissement du réel par l’irréel, le Fake.

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