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Sécheresse : pourquoi 
Météo France n'en parle pas ?
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A l'eau ?

L'année 2011 sera-t-elle une année de sécheresse et de canicule ? Eric Mas, directeur technique de Météo Consult, premier bureau européen d'études météorologiques privé, analyse ce qui va se passer dans les mois à venir.

Eric Mas

Eric Mas

Eric Mas est directeur technique de Météo consult. Il est également un des fondateurs de cette entreprise. 

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Atlantico : Pourquoi Météo France, qui est une institution publique, ne parle pas de la sécheresse que vous annoncez, comme d'autres organismes de météo en Europe ?

Eric Mas : C’est plutôt un déficit de communication, comme on parle d’un déficit pluviométrique en météo. Ils sont probablement mal à l’aise, puisque notre grande institution de météo nationale ne domine pas tous les sujets. Il faut bien distinguer ici le déficit pluviométrique qui est purement météorologique du problème des nappes phréatiques.

Pour le déficit pluviométrique, on va comparer ce qui est tombé dans les pluviomètres ce mois-ci par rapport à ce qu’on attend sur une année normale. Puis on va regarder le déficit, que l’on va cumuler mois après mois. Cette année le déficit est vraiment manifeste.

Puis vient le déficit agricole ou sécheresse agricole, c’est-à-dire que l’arrosage naturel qui n’est pas suffisant. Les agriculteurs doivent se tourner vers un arrosage artificiel et l’irrigation. Pour cela  ils doivent puiser dans les nappes phréatiques, ce qui conduit à une sécheresse phréatique. Mais ce n’est plus du domaine de la météo, mais du BRGM (Bureau de recherche géologique et minière), qui mesure la quantité d’eau présente dans les nappes. Actuellement nous savons qu’il y a un déficit phréatique. Les deux tiers des nappes affichent un niveau inférieur à la normale, selon le BRGM. Mais on ne sait pas exactement de combien il est inférieur, cela dépend beaucoup des bassins, il semblerait par exemple que le bassin parisien soit fortement touché.

Le retard est-il rattrapable ?

Pour ce qui est de la météo, la donne peut encore changée. On peut faire référence à deux années où le mois d’avril fut particulièrement sec, mais où les suites ont été différentes. L’année 2003, dont tout le monde se souvient, est qui a dégénéré en canicule. Ou encore l’année 2007 où un déficit pluviométrique fut planifié, puis finalement les derniers mois du printemps et de l’été, furent particulièrement maussades. C’est également l’année des inondations en Angleterre. Londres était sous des quantités d’eau considérables.

En 2011, la sécheresse pluviométrique est très importante. On la constate depuis le début de l’année, il a légèrement plu en janvier dans le nord de la France, mais très peu dans le reste du pays. Le pourtour méditerranéen sera quant à lui très peu affecté par ce déficit. Partout ailleurs, les quatre premiers mois de l’année nous permettent de constater qu’il y a un véritable déficit pluviométrique. Les sols sont très secs, les nappes phréatiques commencent à réagir à ce déficit. De surcroît, certaines nappes réagissent d’autant plus que les sécheresses sont la conséquence de plusieurs années de déficit pluviométrique.

Pour ce qui est  du domaine pluviométrique, on a tendance à basculer petit à petit vers des pluies de plus en plus orageuses. Le problème, c'est que ce ne sont pas des pluies utiles, elles ont tendance à ruisseler rapidement. Elles ne remplissent donc pas les nappes phréatiques, et vont simplement faire du bien à l’herbe ou à la culture de surface qu'elle frappe.

Rien ne rattrape les pluies d’hiver et d’automne qui vont directement remplir les nappes phréatiques, alors que les pluies du printemps vont servir l’agriculture d’une façon très ponctuelle. Elles vont être directement réinjectées dans l’atmosphère par le phénomène d’évapotranspiration des plantes. 

L’année 2011 va-t-elle être une année de sécheresse et de canicule majeure ?

Non, pas nécessairement. Il y a de fortes chances que nous assistions à une sécheresse agricole, c’est-à-dire qu’il va falloir aller pomper sérieusement dans les nappes phréatiques pour pouvoir subvenir au besoin de l’agriculture. C’est pourquoi chaque département, sans passer par les préfectures, devra prendre des décisions de restriction en fonction de son stock d’eau. C’est très difficile de savoir le nombre de départements qui va considérer que son stock d’eau est suffisant pour ne pas faire de restriction. Mais si elles se multiplient on parlera alors de sécheresse, ce qui va surement arriver cette année. Mais à l’heure actuelle nous ne savons pas qu’elle va être le scénario.

La météo suisse est en alerte depuis plusieurs semaines, chez eux tous les paramètres sont significativement au rouge et durablement. La situation en Suisse est-elle la même qu’en France ?

Les Suisses misent plus sur des prévisions saisonnières, qui annoncent un été plus chaud et plus sec que la normale. Mais la confiance en cette prévision est limitée, il est difficile de s’emballer. Leurs nappes phréatiques réagissent différemment des nôtres : c’est un pays de montagne, tout va directement dans les cours d’eau, et les infiltrations sont moindres. Ils ont donc plus de raison de s’inquiéter que nous. Les réserves des cours d’eau et des barrages peuvent  en revanche se reconstituer facilement si l’été est aussi maussade qu’en 2007. Mais encore une fois, les Suisses font plus confiance dans les prévisions saisonnières, là où nous sommes plus prudents avec ces hypothèses longue durée.


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