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Crise syrienne : combien de nouvelles vocations de djihadistes en France ?
©Caputre d'écran / l'Express

Made in France

Alors qu'une nouvelle filière djihadiste vient d'être démantelée en région parisienne, beaucoup s'interrogent sur les potentialités de la France à fabriquer des terroristes. Face aux modalités d'endoctrinement qui ne cessent de se développer, notamment sur Internet, les moyens de lutte paraissent encore bien insuffisants. Pendant ce temps, la crise syrienne continue à susciter de nouvelles vocations.

Jean-Charles Brisard

Jean-Charles Brisard

Jean-Charles Brisard est spécialiste du terrorisme et ancien enquêteur en chef pour les familles de victimes des attentats du 11 septembre 2001. Il est Président du Centre d'Analyse du Terrorisme (CAT) 

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Ceci est une version actualisée d'un article publié le 9 mars 2013

Atlantico : Selon l'AFP, la DCRI aurait arrêté vendredi 15 novembre le leader d'une filière djihadiste à destination de la Syrie. Quelle influence la crise syrienne et la tentative ratée d’intervention, notamment française, ont-elles eu sur le développement des cellules djihadistes françaises ?

Jean-Charles Brisard : Contrairement à d’autres conflits récents ou en cours, le cas syrien représente une très forte attraction pour les djihadistes, potentiels ou pas, d’une part français mais plus généralement européens. D’après les plus récentes estimations, plus de mille djihadistes européens seraient présents sur le théâtre d’opération syrien, dont plus de 200 Français parmi eux.

Cette situation est à rapprocher de celle de l’Afghanistan tant il n’y a rien eu de comparable depuis.Cela s’explique notamment par la "proximité" du conflit au sens de l’implication diplomatique française, ainsi que par de très forts relais de certains groupes présents sur place par le biais d’Internet. En effet, certaines organisations en Syrie bénéficient de moyens importants qui leur permettent une propagande non négligeable par rapport à certains autres conflits.

S’il semble difficile de lier ce phénomène aux positions diplomatiques diverses, il est toutefois clair que le conflit, dans la façon dont il se développe, attire à lui ce phénomène. A préciser qu’il existe toujours dans une certaine mesure ce genre de mise en place de réseaux, de filières d’acheminement etc... Ce qui est le plus inquiétant pour notre pays ce sont les conséquences internes, aussi bien en termes de développement de cellules de soutien logistique que d’éventuels actes terroristes en tant que tels qui pourraient se produire.

Quel est le processus qui peut mener un jeune français à devenir djihadiste ?

Les facteurs de radicalisation sont nombreux, il peut y avoir des motivations personnelles, mais il y a surtout l’influence de facteurs extérieurs pour lesquels l’effet de groupe joue un rôle majeur comme moteur d’un engagement djihadiste, sur le plan psychologique, comme sur le plan matériel. Plusieurs facteurs vont contribuer à influencer une personne depuis son endoctrinement jusqu’à sa transformation en terroriste. Il y a d’abord un facteur idéologique lié à l’endoctrinement, qui passe par des prêcheurs de haine, dans des mosquées ou des lieux de prière, mais de plus en plus par Internet, outil de formation idéologique et militaire, qui sert à la fois pour ces groupes de moyen de propagande, de plate-forme de communication et d’échanges, mais aussi de base de données sur les cibles potentielles et les méthodes pour perpétrer des attentats. La prison est un autre facteur accélérateur de l’engagement djihadiste. Cette tendance concerne en particulier les personnes psychologiquement instables ou fragiles. On assiste dans les prisons à la multiplication des conversions et à des processus de radicalisation extrêmement rapides, et il n’est plus rare de voir des individus "basculer" dans l'islam radical au cours de leur passage en prison, au bout de quelques semaines seulement.

Comment et où sont-ils formés et préparés ?

Lorsqu'ils le peuvent, ils se forment dans des camps d’entrainement à l’étranger. Les forums internet djihadistes organisent également des sessions de formation militaire et des manuels permettent de s’initier au maniement des armes. Enfin, on constate l’existence de groupes paramilitaires qui organisent des camps d’entrainement amateurs sous couvert d’autodéfense, d’entretien physique ou de jeux (paint ball). La France a ainsi dissous en 2012 le groupuscule "Forsane Alliza" pour incitation à la lutte armée.

A quel moment passent-ils à l’acte et sont-ils envoyés sur le terrain ?

A l’issue de ce processus de radicalisation, l’engagement se concrétise généralement par la volonté de rejoindre un théâtre d’opération, une terre de djihad à l’étranger. Le groupe joue là encore un rôle important pour préparer ce départ. On peut bénéficier de l’expérience d’un vétéran djihadiste, voire d’une filière de départ organisée, mais l’on peut également trouver des relais ou des itinéraires sur les forums Internet djihadistes. Ce phénomène devient préoccupant au retour de ces djihadistes dans leur pays d’origine, où ils peuvent avoir la volonté de prolonger leur djihad à travers des actions d’endoctrinement, de recrutement ou de terrorisme.

Existe-t-il un moyen d’intervenir durant leur parcours avant qu’ils ne passent à l’acte ?

Que ce soit à l’égard des imams radicaux, en prison, sur Internet ou lors d’un départ vers une zone à risque, les moyens existent, ainsi que la possibilité de sanctionner le cas échéant, mais ces moyens sont encore insuffisants pour prendre en compte la réalité de la dynamique de radicalisation. La prison demeure un véritable creuset. L’autre difficulté provient du fait que légalement, on ne peut pas interdire ni sanctionner les manifestations idéologiques qui peuvent mener au djihad. Il est donc nécessaire de surveiller des personnes, des lieux, des sites internet… afin de détecter ce passage à l’acte à travers une multitude de facteurs permettant d’indiquer la montée en puissance ou la structuration d’un projet terroriste. Il s'agit d'un processus compliqué et aléatoire.

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