Ils font de moins en moins d'enfants : ce qui se passe dans la tête des hommes <!-- --> | Atlantico.fr
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Plus d'un homme sur cinq né entre 1961 et 1965 n'avait pas d'enfant, contre 13 % pour la génération 1941-1945.
Plus d'un homme sur cinq né entre 1961 et 1965 n'avait pas d'enfant, contre 13 % pour la génération 1941-1945.
©Reuters

Papaoutai

Selon le portrait social de l'homme en 2013 dévoilé par l'Insee, les membres de la gent masculine sont de moins en moins nombreux à avoir des enfants. En cause : le penchant de certains à préférer le plaisir aux responsabilités.

Sabrina Philippe

Sabrina Philippe

Sabrina Philippe est psychologue-conseillère chez e-Darling, spécialiste des relations amoureuses.

Elle est l'auteur du livre "Amour toujours : toutes les clés pour réussir votre recontre sur internet", aux éditions Solar.

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Atlantico : Les hommes ont de moins en moins d'enfant selon l'étude de l'Insee publiée jeudi 14 novembre. D'après cette enquête, en 2011, plus d'un homme sur cinq né entre 1961 et 1965 n'avait pas d'enfant, contre 13 % pour la génération 1941-1945. Qu'est-ce qui peut expliquer cette évolution ?

Sabrina Philippe : Avant toute chose, il faut bien garder à l'esprit qu'avoir un enfant est une décision qui se prend à deux. Même si dans l'enquête de l'Insee, l'infécondité n'augmente que légèrement chez les femmes,  ce constat de la baisse de la fécondité masculine est la résultante d'un mode de vie à deux.

Nous sommes actuellement dans une phase de transition de notre société extrêmement forte. Nous sommes en plein dedans, les premiers concernés et donc, forcément, nous ne nous en rendons pas compte mais si l'on prend un peu de hauteur, on s'aperçoit que le modèle de la famille classique est en train de voler en éclat. Ce modèle au sein duquel on se marie, on fait des enfants, on les élève, on reste marié pour les éduquer, etc. est en train de disparaître progressivement et l'on ne sait pas trop ce qu'il va y avoir après.

Qu'est-ce qui explique cette disparition de notre modèle familial ? Les hommes ont-ils plus peur de l'engagement qu'avant ?

Nos sociétés occidentales se sont construites sur le principe de plaisir et non le principe de réalité. Or la vie de famille est régie par le principe de réalité. Aujourd'hui, nous sommes dans une recherche constante de plaisir. Cela nous place comme des enfants qui n'ont pas grandi, qui ne veulent pas grandir. Regardez l'usage que l'on fait de nos smartphones : on les utilise comme des jouets.

Un autre exemple concerne l'allure actuelle des adultes. Il est incroyable de voir, désormais, comment les parents et les enfants sont habillés pareil. Ce n'était pas du tout le cas avant, les enfants et les parents ne s'habillaient pas du tout de la même façon. Les parents, du point de vue des enfants, représentaient la vieillesse, la ringardise, d'un point de vue vestimentaire. Ce ne seront pas les enfants qui s'habillent comme des adultes car les enfants ne choisissent pas. Ce sont bien les parents qui décident et choisissent les mêmes habits que les adolescents.

Les adultes sont donc des enfants, dans leur allure et dans leur comportement. Or, c'est un principe clair : les enfants ne peuvent pas avoir d'enfants, ou en tous cas ils ne désirent pas en avoir.

Cette incapacité ou volonté de certains adultes à ne pas vouloir grandir est la résultante de notre mode de vie ?

Les adultes d'aujourd'hui sont issus d'une génération qui, durant les "30 Glorieuses", a vécu uniquement pour le plaisir, au détriment des valeurs. Les générations précédentes étaient beaucoup moins dans le plaisir. Le mariage était un devoir. Ça plaisait ou ça ne plaisait pas mais on se mariait et on restait marié. C'est exactement la même chose pour le travail : il y avait une valeur inhérente au travail qui, à l'époque, était une obligation. Aujourd'hui, dans le travail comme dans le mariage – ou du moins la vie de couple – si on prend moins de plaisir, on change.

Le résultat est que l'on est en train de construire une société de l'éphémère. On a va de plaisirs en plaisirs. Quand on éprouve du plaisir, on reste. Quand on n'en éprouve plus, on change.  

Le fait de ne pas avoir de descendance a-t-il une réelle incidence sur le comportement d'un homme ?

A partir du moment ou un homme ou une femme a un enfant, ça l'inscrit dans un cadre générationnel. On devient adulte lorsque l'on a un enfant.  La naissance de notre enfant nous place face à notre mortalité. Les gens qui n'ont pas d'enfant n'ont pas ce regard, ils ont un sentiment d'immortalité. Les autres voient leurs enfants grandir devant eux et donc ils se voient vieillir.

Ce phénomène va-t-il s'accroître à l'avenir ?

Non. Déjà, ce phénomène n'est pas inédit, ce n'est pas quelque chose qui n'a jamais existé. Le modèle de la famille tel qu'il est aujourd'hui n'a pas toujours existé dans notre civilisation. C'est un éternel recommencement. Nous reproduisons aujourd'hui le modèle de société de l'Antiquité. Notre société actuelle fait en fait penser à l'Empire romain, un monde qui bénéficie de grandes avancées technologiques mais qui est avant tout tourné vers le plaisir. Mais l'Empire romain est mort de lui-même et c'est un peu ce qui est en train de se passer pour nous : les sociétés occidentales perdent du terrain.

Mais tout cela va se réguler. C'est une constante dans notre histoire : tout organisme vivant, l'homme, un animal ou une plante, mettra au final toutes ses forces en œuvres pour perpétuer l'espèce.

Propos recueillis par Sylvain Chazot

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