Fermeture de centres éducatifs fermés : a-t-on renoncé à lutter contre la délinquance des mineurs ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Les violences commises par les mineurs ont augmenté de 575 % en France depuis 1990.
Les violences commises par les mineurs ont augmenté de 575 % en France depuis 1990.
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Épinglés par le contrôleur des prisons, les centres éducatifs fermés, établissements destinés au placement des mineurs délinquants, ne verront pas leur nombre doubler, contrairement à ce qu'avait promis le candidat Hollande.

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris est délégué-général de l’Institut pour la Justice.

 

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Atlantico: En 2012, le candidat François Hollande avait promis le doublement du nombre de Centres éducatifs fermés (CEF). Alors que le contrôleur des prisons, Jean-Marie Delarue, publie des recommandations en urgence sur l'état de ces structures, le président de la République a décidé de renoncer à sa promesse. Quelles peuvent-être les conséquences de cet abandon ?

Alexandre Giuglaris :L’abandon de cette mesure est réellement inquiétant car, après avoir enterré le projet de construction de 24 000 places de prison, après avoir annoncé la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs récidivistes dangereux, le gouvernement enterre une des promesses phares du candidat Hollande. Il l’avait d’ailleurs annoncé pour afficher sa fermeté à l’égard des mineurs délinquants alors que sa majorité s’était opposée, en 2002, à leur création.
L’abandon de cette promesse présidentielle c’est aussi la certitude que moins de mineurs délinquants seront envoyés dans ces centres. Il faut en attendre une hausse de la criminalité car la réponse pénale continuera d’être laxiste à l’égard de mineurs, en particulier des récidivistes, les plus concernés par ces centres. Décidémment, ce gouvernement se refuse à sanctionner avec fermeté les délinquants et les criminels…

Jean-Marie Delarue pointe du doigt des atteintes aux "droits à l'éducation, à la santé et à la vie". Ces atteintes aux droits fondamentaux sont-elles tolérables ?

Jean-Marie Delarue est dans son rôle et il a raison de dénoncer des dysfonctionnements lorsqu’ils existent. Néanmoins, sa critique porte sur deux établissements seulement. Il ne faudrait pas laisser croire que cette situation concerne l’ensemble des CEF, bien au contraire.

On pourrait aussi citer de nombreux exemples de centres où les mineurs condamnés bénéficient d’activités (équitation, randonnées, cours de cuisine…) auxquels n’ont pas accès la majorité de la population, sans même parler de leurs victimes. Car pour être envoyé en CEF, il faut souvent avoir un lourd parcours judiciaire en tant que mineur, et donc de nombreuses victimes derrière soi. Donc, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a raison de dénoncer ce qui est inacceptable, mais j’aimerais que le sort des victimes émeuvent et intéressent, au moins autant, que celui des personnes condamnées.

L'efficacité de ces centres est-elle avérée ? Quel bilan faites-vous de leur fonctionnement ?

Il n’y a pas de réel bilan de ces centres, néanmoins, ils ont pour intérêt d’offrir une alternative à la prison pour les mineurs. C’est une chance qui leur est offerte, ce que certains ne comprennent pas. Car justement, le fonctionnement de ces centres, faute d’autorité et de fermeté laisse plus qu’à désirer.

La violence y est très présente avec des conséquences parfois graves pour les personnels. Ceux-ci sont d’ailleurs bien souvent non formés aux publics qu’ils accueillent. Pour résumer, entourer ces jeunes délinquants violents d’assistantes sociales et d’éducateurs ne me paraît pas un gage de remise dans le droit chemin. Dans certains centres par exemple, pour priver un délinquant de télévision, il faut réunir une commission de discipline où l’avocat du mineur peut être sollicité. Dans d’autres, on distribue de l’argent de poche lorsque le mineur se tient à peu près correctement alors que ce sont des délinquants. Quant aux drogues, personne n’essaie de lutter contre leur circulation. En refusant de faire preuve d’autorité, on laisse certains de ces jeunes dériver avec toutes les conséquences que cela peut avoir en matière de hausse de la criminalité.

Les violences commises par les mineurs ont augmenté de 575 % en France depuis 1990. Par ailleurs, les 14-18 ans, représentent 5 % de la population française, mais sont responsables de 25 % des viols et agressions sexuelles ou de 34 % des cambriolages ou de 41 % des viols sur mineurs. Les centres éducatifs fermés ne suffiront sans doute pas à eux-seuls à résoudre ce problème. Existe-t-il d'autres solutions plus adaptées ? Lesquelles ?

La France est l’un des pays où la diversité des réponses pénales est la plus grande. Les juges ont une multitude de peines possibles. Mais le problème est que ces peines sont souvent dérisoires. Ainsi, un rappel à la loi ou une remise aux parents, même s’ils ne sont pas là, est considérée comme une peine. Qui peut croire que les mineurs délinquants, en particulier les récidivistes seront inquiets par ces mesures ?
Il faut construire des CEF, il faut maintenir les tribunaux correctionnels pour mineurs récidivistes et sans doute augmenter le nombre de mineurs incarcérés. En effet, en 2011, sur 150 000 affaires poursuivables concernant des mineurs, il n’y a eu que 5 000 condamnations à de la prison ferme. Et encore celles-ci ont pu être aménagées. En réalité, il y a environ 700 mineurs dans les prisons françaises. Il n’est pas question d’envoyer tous les mineurs en prison, évidemment, ce qui serait d’ailleurs contraire à nos lois et à nos principes, mais sans doute, une plus grande fermeté de la justice pénale envers les mineurs pourrait avoir un effet dissuasif essentiel pour lutter contre la délinquance. 

Faut-il entièrement repenser la justice des mineurs ?

Il faudrait déjà éviter de détricoter toutes les mesures qui existent et qui ont leur utilité comme les tribunaux correctionnels pour mineurs récidivistes. Mais plus généralement, notre justice des mineurs a besoin d’une profonde réforme. C’est un enjeu fondamental pour les années à venir car les criminologues savent bien que tout bascule à l’adolescence, c’est-à-dire le moment de l’ancrage ou non dans la délinquance. L’ordonnance de 1945 qui régit notre justice des mineurs n’a plus aucun sens. Elle doit être supprimée. Enfin, il faut que le principe de responsabilité du délinquant, qu’il soit majeur ou mineur d’ailleurs, redevienne le socle de notre justice pénale car il faut en finir avec la culture de l’excuse pour les délinquants.

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