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Aux armes, citoyens... Ne voyez-vous pas que "Minute" met la République en danger ?
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Noms d'oiseau

L'hebdomadaire d'extrême droite "Minute" fait scandale avec sa Une sur la ministre de la Justice intitulée : "Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane", qui n'est pourtant qu'une goutte d'eau dans l'océan des insultes faites de tout temps aux politiques.

Christian Millau

Christian Millau

Grand reporter, critique littéraire notamment pour le journal Service Littéraire, satiriste, Christian Millau est aussi écrivain.

Parmi ses parutions les plus récentes : Au galop des hussards (Grand prix de l'Académie française de la biographie et prix Joseph-Kessel), Bons baisers du goulag et aux éditions du Rocher,  Le Petit Roman du vin, Journal impoli (prix du livre incorrect 2011), Journal d'un mauvais Français (21 avril 2012) et Dictionnaire d'un peu tout et n'importe quoi (Rocher, 2013)

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Aux armes, citoyens, la République est en danger !

Et qui donc la menace ? Le capitaine d’un pédalo ivre ? Une équipe de bras cassés qui a perdu sa boussole ? Des caisses vides ? Une économie en compote ? Un chômage 5 étoiles ? Les bonnets rouges ? Une vague bleue qui pourrait bien tout emporter ?

Non, non, vous n’y êtes pas ! Ce qui menace la cinquième économie mondiale, c’est un canard que personne ne lit et dont la Une est en train d’ébranler les colonnes du temple. Pensez donc : c’est pire qu’un typhon. On se demande bien comment, après la guerre des Gaules, l’invasion des Huns, 14-18, Montoire et mai 68, on va s’en relever.

On ose à peine reproduire cette Une cauchemardesque. Allons y quand même. Donc en toutes lettres, ceci : ”Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane.” Vous vous rendez compte ?

A gauche comme à droite, ceux qui nous dirigent (droit dans le mur) s’étranglent d’indignation. Même qu’une certaine Mme Benguigui, à qui sa voyante a prétendu qu’elle était ministre, a vu dans cette infamie le retour du Klu Klu Klan et son amie Mme Marisol Touraine, préposée aux maladies, s’est bouchée le nez devant ces “propos nauséabonds“.

L’amusant est que seule la principale intéressée, ”maligne comme un singe“, dit ne pas vouloir poursuivre ces racistes criminels qui cherchent “à l’exclure de l’espèce humaine“. Sans doute est-elle la seule à avoir conservé un brin de mémoire.

Je sais que l’Histoire de France n’est plus au programme des lycées mais, franchement, la culture de nos élites en peau de lapin est-elle d’une nullité assez crasse pour ne rien connaître des mœurs parlementaires de notre beau pays ? L’injure a toujours été un des modes d’expression préférés du petit monde médiatico-politique .

Si ma mémoire est bonne, il n’y a pas si longtemps, un hebdo nommé Marianne imprimait à sa Une en gros caractères cette gracieuseté envers le président de la France : “Sarkozy ,voyou de la République".

Je n’ai pas souvenir de glapissements indignés en provenance de la Ligue des droits de l’homme ou de la rue de Solférino. En revanche, j’ai encore en mémoire la manif' de 2009 à Rennes où deux petits cochons étaient marqués "Sarko" et "Carla".

On pourrait remplir des volumes et des volumes (cela a d‘ailleurs été fait) avec les mots d’oiseaux, les invectives et les glaviots, autrement plus costauds que les vilenies de “Minute", balancés à travers les siècles à la gueule de nos hommes politiques.

C’est, en 1885, le président Félix Faure traité de “mannequin grotesque qui ne fera peur qu’aux moineaux de l’Elysée”. C’est le président Émile Loubet, surnommé “le cornichon pourri de l’Elysée”. C’est Maurice Thorez, lançant à Léon Blum : ”Espèce de reptile répugnant !” C’est le même Blum répliquant :”Abject animal !” à Maurras qui venait de lui lancer :”Vous êtes une brute véreuse!” C’est le communiste André Marty balançant à Paul Reynaud :”Microbe dégénéré !”

C’est le ministre des Colonies, Albert Sarraut, qui récolte un charmant : "Orang-outang vicieux !". C’est Pétain, en 1941, à Sens, qui en prend pour son grade avec un “Il nous fait chier ce vieux con“ et dont pourtant l’auteur de cette gracieuseté n’écopera que de trois mois avec sursis. C’est le brave président Vincent Auriol qui, souffrant d’un œil, récolte un :”Pauvre nouille bedonnante dont l’œil coule comme un camembert au mois d’août !" C’est aussi François Mitterrand traité de "Vieux crabe" par Krivine et de "Caméléon diabolique" par René Fallet .

C’est enfin Giscard d’Estaing qui, ayant annoncé en 1974 que l’Elysée ne poursuivrait aucun journaliste, s’en prend le lendemain plein la poire avec une Une historique de Libération où l’on peut lire, en se tenant les côtes  :”Tête de con, pourri de bourgeois, naze, facho, rat d’égout, peine à jouir, mange caca, trouduc …”

Si un jour un soupçon d’humour venait enrichir le berlingot de nos camarades socialistes, ,je leur conseillerais de méditer la merveilleuse réponse de Jacques Chirac à un type qui, sorti de la foule, venait de crier : "Connard !" : "Enchanté, cher monsieur. Moi, c’est Chirac".

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