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Ben Laden : 
plus dangereux mort que vivant ?
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Mort de Ben Laden

Oussama Ben Laden mort, quel avenir pour Al Qaïda ? Chercheur à l’IRIS, spécialisé sur la communication et l’intelligence économique, François-Bernard Huyghe évoque pour Atlantico les conséquences géopolitiques de cet événement.

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Cette mort de Ben Laden - la vraie cette fois après de fausses annonces - a quelque chose hollywoodien : la traque pendant dix ans et l'action en quelques secondes, les commandos d'élite et la maison à 100 km de Karachi, le président télégénique - qui rappelle que les USA combattent des criminels et pas l'islam - et les foules en liesse sur le site des Twin Towers.

Un scénario qui semble écrit par un néo-conservateur

Ce dénouement qui aurait comblé les vœux les plus fous de G.W. Bush ou de Chuck Norris se déroule sur fond de "tsunami démocratique" censé balayer le monde arabe-musulman. Le scénario semble écrit par un néo-conservateur... le tournage ayant seulement pris dix ans de retard sur le plan prévu.

D'un point de vue stratégique, la mort de l'émir qui en était réduit à revendiquer les attentats manqués et dont les messages, sonores seulement, ne bouleversaient plus les chancelleries, a une importance relative. On ne peut exclure que certains de ses partisans ne célèbrent son accession au statut de martyr par des bains de sang, mais s'ils avaient cette capacité opérationnelle, auraient-ils attendu si longtemps pour le prouver ?

Il y a des années que personne ne se représente plus Ben Laden comme un "Docteur No" digne de James Bond, commandant depuis une base secrète une organisation planétaire. Et les experts se sont à peu près tous convertis à l'idée que la "marque al Qaïda" était devenue un logo publicitaire pour jihadistes ambitieux, moyennant allégeance formelle au chef ; pas trop encombrant au demeurant.

Ceci ne signifie pas que la mouvance dans son ensemble soit en déclin : elle tue beaucoup et surtout des musulmans. Hormis les touristes de Marakech, les risques pour un Occidental de périr dans un attentat mené au nom de Ben Laden restent sans doute très réduits. Ce qui n'est pas le cas pour un Pakistanais, un Irakien ou un Afghan.

Mort de Ben Laden : quelles conséquences ?

Reste la question principale : l'impact symbolique. Que l'homme le plus recherché de l'Histoire soit mort par balle, sans doute au combat, et non de maladie, a ici son importance.

Il y aura évidemment les réactions prévisibles. Des islamistes considéreront qu'il est mort en martyr et entretiendront son culte. Il y aura des conspirationnistes qui expliqueront, contradictions factuelles et preuves logiques à l'appui, que la version d'Obama est totalement invraisemblable. Mais un Ben Laden, même transfiguré post mortem par la légende, sera-t-il un meilleur recruteur que vivant, ne commandant plus grand chose, moins influent que Zawahiri ? Dans la mesure où la plupart des derniers attentats anti-occidentaux (souvent manqués faute de technique) ont été le fait de "loups solitaires" auto-radicalisés, il est difficile de prévoir leurs réactions. Et impossible de garantir que l'un d'entre eux ou un petit groupe ne réussira pas une action de rétorsion. On ne peut pas échouer à tous les coups.

Sur le moyen terme, un Ben Laden mort et martyr, ne va sans doute pas produire des dizaines supplémentaires de "Jihad Jane" et autres "homegrown terrorists" ni leur donner la compétence pour réaliser leurs  fantasmes. Ceux qui passeront à l'acte n'en étaient pas loin psychologiquement.

En revanche, il existe des organisations actives dont les plus emblématiques sont AQMI et le TTP (Terik e Taliban Pakistan) : pratiquant un terrorisme "hybride" proche de la grande criminalité pour le premier, la guérilla montagnarde à grande échelle pour le second. Ils perdent dans cette affaire un lien de franchise avec un chef sans vraie prise sur le réel, mais entourés d'une aura mythique.  Ce n'est pas assez pour provoquer dans leurs rangs des campagnes de désertion ou de conversion à la démocratie. Mais c'est un élément qui pourra jouer lorsqu'ils entreront dans des rapports de négociation politiques avec d'autres forces dans un monde islamique en pleine recomposition. Seront-ils plus redoutables démythifiés voire dédouanés ? Réponse dans les prochains mois.

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