ISF, écotaxe, taxe sur les comportements, etc. : petit tour des impôts politiquement symboliques qui ne rapportent rien<!-- --> | Atlantico.fr
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L’ISF cristallise souvent les critiques car ses recettes sont considérées comme faibles.
L’ISF cristallise souvent les critiques car ses recettes sont considérées comme faibles.
©Reuters

Mirage fiscal

Le maintien de l’application de la tranche d’imposition à 75% sur les très hauts revenus ravive les discussions autour de cette taxe plus symbolique que véritablement productive, et qui n'est pas la seule dans ce cas.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : L’ISF cristallise souvent les critiques car ses recettes sont considérées comme faibles. Qu’en est-il réellement et quel est le rôle de cet impôt ?

Philippe Crevel : L’impôt de solidarité sur la fortune pèse un peu plus de 5 milliards d’euros, en 2012, pour un total de prélèvements obligatoires qui atteint plus de 913 milliards d’euros. C’est une goutte d’eau par rapport aux 132 milliards d’euros de la TVA, aux 59 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu ou aux 39 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés. Nous sommes encore plus loin du rendement de la CSG, qui atteint 91 milliards d’euros.

L’ISF joue donc un rôle marginal dans la structure de financement des pouvoirs publics. Il représente 0,5 % des recettes fiscales. En outre, il se caractérise par des coûts de gestion élevé, environ 2,2 % contre 1,2 % en moyenne pour les autres impôts.

La force de l’ISF ne vient pas de son rendement mais de son pouvoir symbolique. La taxation du capital est populaire en France car elle est intimement liée à une multitude de fantasmes. Derrière l’ISF, il y a les 200 familles, madame Bettencourt, les Dassault… L’ISF est un impôt populaire car il est acquitté par 1 % des contribuables. De ce fait, 99 % des contribuables y échappent. Au nom du goût des Français pour l’égalitarisme, l’ISF est un outil de justice fiscale, à la condition bien évidemment de frapper les autres.

L’ISF a beau être un impôt anti-économique, injuste et inefficace, il n’en demeure pas moins que depuis son introduction en 1981 sous la forme d’IGF, il fait partie du bloc fiscal comme l’impôt progressif sur le revenu.

Dans quel cas l’impôt peut-il avoir un rôle incitatif et dans quels autres cela ne fonctionnerait pas ?

Depuis une vingtaine d’années, l’État a multiplié les mesures d’incitation fiscale et a créé des impôts et taxes comportementalistes. A travers l’instauration d’un impôt, les gouvernements souhaitent orienter le comportement des ménages. Les droits sur les tabacs et les alcools visent tout à la fois à rapporter de l’argent et à dissuader les Français à boire ou à fumer. L’écotaxe obéissait à cette logique en pénalisant le transport routier, jugé responsable d’émissions de CO2.

Sur le papier, ces impôts sont séduisants. Ils se veulent moraux ou éthiques. Taxer l’alcool, la pornographie, le tabac... peut être légitimé. L’augmentation des prix du tabac a contribué à la baisse de la consommation de ce produit. Mais ce type de taxation n’est pas sans défaut. Il réduit la liberté individuelle en contraignant le comportement des consommateurs. Il peut favoriser le développement des trafics en tout genre.  

La France compte plus de 266 impôts. Quels sont ces impôts qui sont symboliques et peu productifs, censés limiter certains comportements amoraux ?

La liste des impôts est, en France, un inventaire à la Prévert. Ces dernières années, les impôts alimentaires ont été nombreux. Ils sont tout à la fois des recettes de poche et des outils destinés à orienter le comportement du consommateur.  Ainsi, y figurent la taxe sur les corps gras alimentaires qui rapporte 120 millions d’euros, la taxe sur les boissons contenant des édulcorants dont le rendement est de 4 millions d’euros, la taxe sur les boissons sucrées (156 millions d’euros de recettes).

L’autre grand domaine de prédilection de l’impôt moralisateur est l’environnement. Le bonus/malus pour les automobiles, la taxe sur les activités polluantes et l’écotaxe appartiennent à cette catégorie.

Les différentes taxes sur les jeux (loterie, casino, hippiques) constituent également une forme bien connue d’imposition éthique avec comme limite que l’État ou les régimes sociaux s’enrichissent du soi-disant mauvais comportement des citoyens.

Un inventaire fiscal ne fait pas un système fiscal dont l’objectif est de financer les pouvoirs publics et non de guider la vie du contribuable. A force de vouloir suivre plusieurs lièvres, le chasseur n’en atteint aucun. Tel est le risque pris par les pouvoirs publics en demandant tout et son contraire à la fiscalité. La fiscalité n’est pas morale, elle doit être amorale et doit être aussi neutre que possible. Si tel ou tel produit est contraire à l’intérêt général ou à l’ordre public, l’État doit prendre ses responsabilités pour en interdire ou en limiter la consommation.

Propos recueillis par Pierre Havez


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