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Un discours dans lequel les mots clés ne sont plus du tout les mêmes que ceux du FN du temps de son père.
Un discours dans lequel les mots clés ne sont plus du tout les mêmes que ceux du FN du temps de son père.
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Aggiornamento

Liberté, démocratie, République... A l'occasion du traditionnel défilé du Front National pour le 1er mai, Marine Le Pen a prononcé un discours dans lequel les mots clés ne sont plus du tout les mêmes que ceux du FN du temps de son père. Analyse de texte

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

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78 fois ! Dans son discours du 1er mai, prononcé à l’issue du traditionnel défilé frontiste, Marine Le Pen a utilisé 78 fois le mot « liberté ». Une liberté à toutes les sauces, individuelle ou collective, associée à la souveraineté, opposée à l’ultralibéralisme, occasion de clins d’œil à la presse menacée dans son indépendance par les « grands groupes financiers ou industriels » ou de menaces déguisées aux syndicats accusés d’opacité financière : « nous rétablirons la liberté syndicale ! ». Sans complexe, la leader du FN fait main basse sur les mots qui brûlaient les lèvres de son père, comme  « démocratie » ou « république ». A l’inverse, elle semble, au moins provisoirement, en oublier d’autres, ceux que l’ancien chef frontiste répétait encore  inlassablement l’an dernier : « Nation », « Etat-Nation », « Patrie »… De manière caractéristique, en entamant son discours, Marine Le Pen ne s’adresse pas aux « Patriotes français », mais à ses « chers compatriotes ».

Au temps où il régnait sur le FN, Jean-Marie Le Pen avait fini par citer Jaurès. Le 1er mai 2010, pour son ultime discours devant la statue de Jeanne, il s’était même enhardi en délivrant un étonnant satisfecit à Georges Marchais, promoteur du slogan « Produisons français » : « Il avait raison ». Mais, désormais, il ne s’agit plus seulement de vampiriser l’imaginaire des luttes ouvrières, abandonnées par les partis de gauche. Marine Le Pen ratisse bien plus large, citant Condorcet et Robespierre et faisant vibrer la foule aux noms de Victor Schoelcher, l’homme qui permit d’abolir l’esclavage, et du général de Gaulle ! En entendant ce dernier nom, toute la vieille garde issue de l’Algérie française a dû tressaillir d’effroi. Comme elle a certainement pâli en entendant le nouveau chef du FN affirmer : « Qu’on soit homme ou femme, hétérosexuel ou homosexuel, chrétien, juif, musulman, on est d’abord Français ! ».

On attendait un discours social. Marine Le Pen s’est surtout appliquée à peaufiner un peu plus son image républicaine. La célébration de Jeanne d’Arc ? C’est d’abord, a-t-elle rappelé, « une fête nationale républicaine », là où son père y voyait essentiellement une « manifestation de la foi dans la Patrie ». A partir de là, tout l’héritage républicain y est passé, 1789 et même 1793, et l’ensemble des  « combats des grands destins républicains » qui ont permis de triompher des tyrannies et d’imposer les « libertés fondamentales ».

Le moins qu’on puisse dire est que Marine le Pen a un sens aigu de la communication, au point de ne pas oublier, dans son introduction, d’adresser « un salut amical à tous les téléspectateurs ». Jean-Marie parlait aux militants ; Marine forge ses mots pour les électeurs. Et elle ne néglige personne, promettant ainsi aux jeunes d’établir « la liberté sur internet » en supprimant la loi Hadopi, « tentative totalitaire de surveillance et de traque des internautes ». Elle ménage même les consciences. Ainsi, lutter contre l’immigration ne peut plus être assimilé à du racisme, puisqu’il s’agit d’un moyen pour combattre l’ « esclavage des temps modernes ». Sur le fond, elle ne dit rien. Mais, dans la forme, en rompant avec les brutalités du père, en s’appropriant l’imaginaire familier de la République, elle tente de briser les derniers scrupules de ceux qui hésitent encore à la rejoindre.

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