Aurélie Filippetti démontre qu’elle est uniquement capable d’être la ministre de la Culture de gauche<!-- --> | Atlantico.fr
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La ministre de la Culture Aurélie Filippetti n'a pas commenté la mort de Gérard de Villiers.
La ministre de la Culture Aurélie Filippetti n'a pas commenté la mort de Gérard de Villiers.
©Reuters

Sectaire

La ministre de la Culture a refusé de commenter la disparition de Gérard de Villiers, décédé à l'âge de 83 ans. L'auteur a pourtant écrit 200 romans de la série "SAS" entre 1965 et 2013. Retour sur cette polémique avec son ami, l'avocat Eric Morain.

Eric Morain

Eric Morain

Eric Morain est avocat au barreau de Paris.

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Atlantico : La ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, s’est gardée de commenter la mort de Gérard de Villiers, l’auteur de la série de romans SAS. Quelle impression ce silence vous laisse-t-il ?

Eric Morain : C’est unique, un silence aussi assourdissant. On parle d’un Français qui payait ses impôts, et qui au cours d’une carrière de 50 ans a vendu plus de 200 millions d’exemplaires dans le monde, exemplaires  traduits dans au moins 25 langues. Au-delà du volume, on peut donc parler de rayonnement. Il a créé un genre qui n’existait pas, le genre SAS. Celui-ci n’aura pas de suite, personne pour assurer la succession. Malgré ces faits, on n’observe pas seulement un silence, mais un refus de réaction venant d’un ministre de la République.

Cela tient-il au fond ? Qu’est-ce qui ne plaît pas à la ministre pour ainsi refuser de réagir ? Ou bien – et c’est plus inquiétant – s’agit-il de la personnalité de Gérard de Villiers ? Cela signifierait que pour obtenir "l’onction" de l’hommage républicain, on considère la personnalité avant l’œuvre. C’est ainsi qu’on met en avant la première pour balayer la partie la plus importante, qui est l’œuvre. Des précédents existent, et au motif que Gérard de Villiers aurait tenu des propos ou eu des pensées jugées politiquement incorrectes par Madame Filippetti, on refuse de rendre hommage à son œuvre. Pourtant, procéder à une distinction entre la personne et son œuvre, cela est éminemment légitime. Ce n'est pas parce que certains auteurs se sont perdus dans des pensées nauséabondes au cours du XXe siècle que leurs livres n'ont pas été reconnus.

"Faire des choix, c'est donner du sens", a twitté Madame Filippetti. Que faut-il entendre par là ?

A elle d’expliquer ce « sens » : est-il digne de répondre à une telle polémique par un tweet qui n’explique rien lorsque l'on est ministre de la République ? L'hommage n'est pas une obligation, mais à partir du moment où l'on indique faire des choix, autant les expliquer. Des choix culturels ? Auquel cas nous aimerions les connaître. Ou sont-ils tout bonnement idéologiques ? Si elle n'aime pas les livres de Gérard de Villiers, c'est un choix personnel, mais ce qu’on attend d'elle, c’est d’adopter un point de vue qui s’élève au-dessus de la mêlée.

L’idéologie l’emporte-t-elle dans ce choix de ne pas réagir ? D’autres auteurs sont-ils beaucoup plus susceptibles d’obtenir une reconnaissance de la part de la ministre, parce que plus "raccords" sur le plan des idées ? 

C'est parce que l'on préfère l'idéologie à l’œuvre que, si la première déplaît, la deuxième est balayée. Or des deux, c’est l’œuvre qui perdure. On peut se montrer prudent ou circonspect sur un personnage controversé, certes, mais refuser de l'évoquer est tout simplement fascinant. Surtout lorsqu'il atteint, comme ici, des millions de lecteurs, qui sont de vrais fans. Et même si on considère ces livres comme des romans de gare, on ne peut pas nier une carrière de cinquante ans.

Pour conclure sur une note plus légère, je dirais que Gérard de Villiers doit bien rire de tout cela en ce moment, lui qui toute sa vie a refusé les décorations et a été méprisé par les grands commis de l’Etat, à l’exception de quelques-uns.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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