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Les Français sont-ils beaucoup plus sensibles à l'impôt aujourd'hui qu'hier comme le croit le ministre du Budget ?
©Reuters

Bonnets rouges

Les révoltes antifiscales qui parsèment notre histoire ne sont pas une spécificité française et se retrouvent dans toutes les sociétés traditionnelles. Cependant, l'observation des siècles nous montre qu'elles se transforment souvent en émeutes violentes dans certains territoires... comme la Bretagne.

Les Bretons se mobilisent contre l’écotaxe, réussissant même à faire plier le gouvernement. Pour faire passer leur message avec force, ils ont recours à un symbole historique : les bonnets rouges en référence à la grande révolte du Papier Timbré en 1675. Certains meneurs bretons de l’opposition à cette nouvelle imposition indirecte de Louis XIV s’étaient alors coiffés de bonnets rouges.

Les révoltes antifiscales sont récurrentes dans les sociétés traditionnelles comme l’Ancien Régime. Elles traversent l’époque moderne avec des pics en période de crise économique (XVIIe siècle notamment). En matière de résistance face à de nouvelles taxes, il n’y a pas de spécificité bretonne, ni même française. En réalité, les émeutes antifiscales traduisent souvent une forme de rejet de l’autorité nationale, perçue comme non légitime parce qu’extérieure au cadre habituel de vie. Ainsi, au cours de l’unification italienne sous l’égide du roi de Piémont-Sardaigne, le refus de l’impôt distingue particulièrement le Mezzogiorno du reste de la péninsule (moti del macinato en 1868-1869 notamment). On pourrait multiplier les exemples étrangers.

Si l’on se concentre sur l’histoire des émeutes antifiscales françaises, on s’aperçoit que cette réticence à l’impôt est géographiquement un phénomène qui caractérise davantage certaines régions restées plus longtemps périphériques : la Bretagne mais aussi un grand Sud-ouest qui peut englober tantôt une partie du Languedoc (révoltes de 1645 et du Roure en 1670), tantôt une partie du Massif central (impôt des 45 centimes en 1848 par exemple). On ne peut pas considérer que l’histoire démontre une réticence généralisée des Français à l’imposition ; cela n’est vrai ni géographiquement, ni sociologiquement. En revanche, l’observation du temps long nous enseigne que la contestation peut rapidement dégénérer en émeutes violentes dans certaines parties du territoire comme la Bretagne.

A l’époque contemporaine, la présence étatique dans les différentes régions n’est plus perçue comme exogène et l’émeute antifiscale ne peut plus être lue comme le refus d’une illégitime intrusion de l’État dans la vie locale. En revanche, le sentiment d’injustice reste moteur pour expliquer les radicalisations aux XIXe et XXe siècles. Si l’imposition perçue comme abusive est souvent un déclencheur, il faut rappeler que la dynamique contestataire agrège souvent rapidement d’autres motifs d’insatisfaction, notamment en matière d’inégalités sociales. Tel est d’ailleurs déjà le cas avec les Bonnets rouges de 1675 qui s’en prennent aux seigneurs locaux.

Le poujadisme peut servir de référence de comparaison significative car il s’agit d’une contestation récente contre l’impôt. En 1953, l’Union Des Commerçants et Artisans (UDCA) est fondée sur une logique de lutte contre le « harcèlement » du fisc mais débouche sur une percée électorale du mouvement poujadiste en 1956. Elle est notamment marquée par le premier mandat de Jean-Marie Le Pen (comme député). On peut voir dans cette crise la conjonction de deux phénomènes. Derrière le premier degré d’analyse qui repose sur le rejet d’une hausse de la fiscalité frappant les petits commerçants et de la « Gestapo fiscale », une second élément, plus structurel, doit être mis en lumière : celui d’un relatif abandon, d’un déclassement irrémédiable d’une partie de la population de régions rurales qui ne profite pas de la croissance économique des Trente Glorieuses tout en payant le prix fort fiscal.

Ainsi, alors que la taxe à 75 % symbolise la poussée actuelle d’impositions nouvelles, le déclenchement d’émeutes antifiscales n’a jamais été motivé par le franchissement d’un seuil chiffré. Il repose davantage sur une exaspération dans les classes populaires ou moyennes lorsqu’elles ont l’impression d’une profonde contradiction entre une montée en puissance incontrôlée de la pression fiscale et une dégradation de leur propre niveau de vie (ou tout au moins d’un déclassement social par rapport à d’autres catégories). Ce sentiment a souvent recoupé la géographie. Le bonnet rouge de 2013 rejette un effort fiscal supplémentaire selon cette logique. Il perçoit l’impuissance d’un président issu d’une région rurale et élu sur un discours de lutte contre la finance internationale qui ne capte pas l’impôt des riches, voire qui provoque une fuite des plus imposés à l’étranger. Dans la vision de ce nouveau bonnet rouge, François Hollande soumet, en revanche, les autres catégories sociales, déjà impactée par la crise économique, à des hausses qui n’offrent pas, en échange, d’horizon d’amélioration de leur situation personnelle.

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