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 “Touche pas à ma pute” : mais de quel droit l’État s’invite-t-il dans nos culottes ?
©Reuters

Recadrage

L'appel des "343 salauds" lancé par Causeur a défrayé la chronique dans une grande partie de la presse. Un texte "indécent" signé par des personnalités "infâmes" et issues de la "droite néo-réac" selon certains. L'occasion de remettre les pendules à l'heure avec l'un des principaux intéressés.

Gil  Mihaely

Gil Mihaely

Gil Mihaely est historien et journaliste. Il est actuellement éditeur et directeur de Causeur.

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Atlantico : Le magazine Causeur a lancé un appel en collaboration avec plusieurs personnalités pour s'opposer à la pénalisation des clients de prostituées (voir ici), une démarche que vous avez jugée hypocrite et contradictoire. Si l'on a pu entendre vos arguments, nous n'avons pas tant entendu parler de vos motivations. Quelles ont-elles étés ?

Gil Mihaely :Il faut rappeler que cette initiative n’était pas hors-contexte. Le but était de faire écho au projet de loi de pénalisation des clients de prostitués qui a été présenté par la majorité. Partant du principe que le client était visé, nous avons décidé par solidarité de nous déclarer « tous clients » avec ce manifeste des 343 salauds. Cette tribune rappelle évidemment celle des 343 salopes du 5 avril 1971 qui avait réclamé le droit à l’avortement en affirmant qu’elles devraient disposer pleinement et souverainement de leurs corps. Aujourd’hui la question qui se pose est semblable : est-ce qu’une femme libre et indépendante a le droit de se prostituer, donc à disposer de son corps comme elle l’entend. 

Vous dénoncez le "sexuellement correct" de plus en plus promu dans les médias. Comment pourriez-vous le définir ?

Le sexuellement correct, c’est lorsque l’on n’arrive pas à gérer à la fois l’égalité et les différences entre  hommes et femmes.  Nous partons du constat qu’hommes et femmes sont égaux, c’est même une évidence à nos yeux, le problème étant que les logiques égalitaristes poussent certains à vouloir gommer les différences entre les sexes et de faire des hommes des « femmes comme les autres ». Ainsi, l’idée d’une relation sexuelle sans passé, ni avenir, ni investissement affectif semble aujourd’hui ne plus être tolérée alors que cela fait parti de la sexualité masculine. Nous souhaitons simplement rappeler ces différences afin de démontrer que l’on peut être égaux sans être identiques. 

Morgane Merteuil, Présidente du syndicat des travailleuses du sexe (STRASS) vient récemment de déclarer « Ils feraient bien de fermer leurs gueules […] cela participe à l’invisibilisation de notre parole. C’est ma bite et moi ». Cette déclaration ne démontre-t-elle pas une certaine dé-légitimation du désir masculin ?

J’ai l’impression que Mme Merteuil a mal compris le message de notre manifeste, et tout particulièrement le titre « Touche pas à ma pute ». Pour elle, cela signifie un rapport de domination de la prostituée par le client. Or, il n’en est rien.  N’oublions pas que le slogan de SOS Racisme (Touche pas à mon pote) que nous avons détourné évoquait des Français de souche qui soutiennent leurs amis immigrés contre le racisme. Je ne me souviens pas d’avoir vu alors des personnes s’indigner du fait que des « blancs » sont les propriétaires de « beurs » ou de noirs, à raison d’ailleurs. « Ma pute » n’est pas plus possessif que « Mon pote » et il est important de le préciser ici. J’ai hélas l’impression que ce malentendu a inspiré, à tort, la tribune de Mme Merteuil. 

N’y a-t-il pas un risque de tomber dans le piège d'un "contre-féminisme" revendicatif ?

Je crois que dans chaque débat on se confronte par nature, au risque de tomber dans l’excès et l’opposition par défaut afin de faire gagner coûte que coûte son « camp » face à ce qui serait devenu un « camp adverse ». La première chose à faire pour l’éviter serait de résister à l’étiquetage automatique "droite" contre "gauche" . Nous sommes en vérité dans un débat transversal qui dépasse largement les clivages simplistes. J’aimerais rappeler par exemple que la sénatrice Esther Benbassa (EELV) s’oppose à la pénalisation du client ainsi qu’à la criminalisation du racolage, et elle n’est pas seule. Nous sommes loin de l’opposition classique et binaire entre réactionnaires et progressistes, machos et féministes. 

Que répondez-vous à ceux qui, comme Najat-Vallaud Belkacem, vous accusent de favoriser l'exploitation du corps des autres ?

Je réponds par une question : pourquoi une femme qui dispose pleinement de son corps n’a-t-elle pas le droit de se prostituer ?  Cette question du consentement est, pour nous, tout à fait centrale. Il est nécessaire de rappeler qu’il existe plusieurs formes de prostitutions et que celle que nous avons choisi de défendre se définit par des rapports sexuels tarifés entre adultes consentants. Les critiques de nos détracteurs reposent pour une bonne partie sur l’idée qu’il n’est pas pensable qu’une femme puisse consentir d’elle-même à la prostitution. Cela exclut bien évidemment le proxénétisme, le trafic de femmes et les réseaux mafieux ainsi que toutes les formes de violences à l’encontre des femmes. La loi n’a pas à intervenir, selon nous, dans des activités sexuelles pleinement consenties, qu’elles soient tarifées ou non. 

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