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Le plafonnement du remboursement des mutuelles ne mettra pas fin (non plus) à l’inflation des honoraires
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Problème de fond(s)

Une majorité de députés a voté vendredi 25 octobre l’article 45 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) instaurant un encadrement des remboursements par les mutuelles et assureurs sur les contrats dits solidaires et responsables. Mais le gouvernement, qui attendait déjà de ce projet qu'il fasse baisser le prix des médicaments, se trompe aussi sur la question des honoraires.

Laurent Gerbaud

Laurent Gerbaud

Laurent Gerbaud est chef de service au CHU Hôtel Dieu de Clermont Ferrand. Il enseigne également l’Economie de la Santé.

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La première question à se poser est la suivante : "Pourquoi y a-t-il des dépassements d’honoraires, et qu’est-ce qui les justifie ?".

Ensuite, il faut voir ce qui se passe dans le secteur privé et dans le secteur public. On doit se demander : peut-on voter un certain nombre de tarifs dans une loi lorsque s’exercent des mécanismes d’offre et de demande ?

Les dépassements d’honoraires sont justifiés par une exigence particulière du patient ou une qualité particulièrement exceptionnelle du médecin. Comme les honoraires ne correspondent pas au travail fourni, le plus grand nombre de médecins possible va pratiquer un dépassement d’honoraires pour qu'enfin leur rémunération corresponde à l'offre de service.

Il y aurait bien moins de dépassements d’honoraires si les honoraires correspondaient au réel service rendu.  La façon de rémunérer le médecin à l’acte est un modèle économique qui a des limites et qui n’est pas le modèle d’avenir. Le médecin a deux façons de s’adapter : soit il fait des consultations très courtes, multiplie les renouvellements d’ordonnance en faisant des prescriptions courtes et arrive à rentrer dans les 23 euros, soit il pratique des dépassements.

Nous sommes dans une situation de pénurie de médecins par rapport à l’offre et à la demande de soins. Des problèmes d’accès aux soins chez les personnes les plus précaires existent. Cela est lié au fait qu’il y a un engagement de la Sécurité sociale ; par contre on demande aux mutuelles de compenser. C’est absurde, il faudrait un "panier de soins" qui relève de la solidarité nationale et qui corresponde à un nombre de choses auxquelles tout le monde a accès. Le gros problème du système actuel réside dans le fait que les patients ne sont pas informés des tarifs qu’ils auront à payer. Le droit à l'information n’est pas respecté.

Enfin, on sait qu'en certains endroits, dans le public comme dans le privé, des dessous de table, c'est-à-dire de l'argent en plus, seront exigés. Si on met en place des systèmes rigides de plafonnement d’honoraires, il se peut que l’honoraire réellement payé par la personne ne corresponde pas à l’honoraire déclaré.

Les médecins ont un certain nombre de contraintes auxquelles ils doivent faire face : payer leur cabinet, leur assurance professionnelle, leur secrétariat, etc. L’Etat doit doit laisser le marché faire et évoluer vers le système nord-américain, où les médecins gagnent beaucoup mais payent leurs avocats et leurs assurances, ou alors tenter de réguler le système en se demandant comment rémunérer au mieux les médecins. 

Cette réforme prend le problème à l’envers. Il faut se demander quelles valeurs on accorde à un service rendu par les médecins et comment financer l’activité des praticiens. On vote des lois sans se poser la question des fondements du système. La Sécurité sociale est en déficit chronique depuis 40 ans. Cette mesure ne pose pas la question de la manière dont les médecins sont payés, dont les honoraires sont fixés à l’hôpital public et en médecine de ville - c’est-à-dire là où les dépassements d’honoraires sont les plus pratiqués.

Certaines personnes ont besoin d’accéder aux soins, comme les personnes de plus de 60 ans ou les personnes avec une reconnaissance de handicap. Dans ce cadre, le mode de rémunération doit être de type capitation : c’est-à-dire qu’on va payer la prise en charge à l’année d’un patient par un médecin, et non au niveau de l’acte isolé.

Il faudrait disposer d'un seul régime d’assurance maladie pour tout le monde, appliquer les ordonnances de 1945 créant un système de Sécurité sociale unique et uniforme. 

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