Le rejet de l'écotaxe est-il justifié ou simplement une conséquence du ras-le-bol fiscal ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Bretons ont manifesté contre l'écotaxe.
Les Bretons ont manifesté contre l'écotaxe.
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Les portiques de la colère

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a suspendu la mise en œuvre de l'écotaxe à l'issue de la réunion organisée à Matignon avec les élus bretons et les ministres concernés.

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous est Professeur honoraire à l’Université de Lyon et chercheur au Laboratoire d’Economie des Transports dont il a été le premier directeur. Auteur de nombreuses publications, il a été lauréat du « Jules Dupuit Award » de la World Conference on Transport Research (Lisbonne 2010, décerné tous les trois ans).

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Atlantico : Pourquoi l’écotaxe a-t-elle autant cristallisé le rejet de l’opinion ? En particulier, la clause d'annulation semble faire débat...

Sa mise en œuvre est tombée en pleine crise d'overdose fiscale et, en Bretagne, en pleine crise agro-alimentaire. Si l'on ajoute que la résolution du gouvernement se révèlait soluble dans les manifestations médiatisées, tous les facteurs étaient réunis pour favoriser un rejet vigoureux.

En ce qui concerne la clause d’annulation de 800 millions d'euros signée avec la société Ecomouv', elle est parfaitement normale dans les contrats de concession, où le concessionnaire doit engager des fonds propres ou des emprunts afin de réaliser les investissements nécessaires au projet. En échange, il a besoin de garantie. Ensuite, que ce contrats ait été plus ou moins bien négocié par l'Etat français, c'est une autre affaire.

Combien doit rapporter cette nouvelle taxation ? 

Cela devait initialement dépasser le milliard d'euros brut. La réponse à la question devrait être estimée en revenu net. Net des coûts de prélèvement mais aussi des réductions tarifaires et du coût des mesures compensatoires. Il est donc prématuré de répondre. Le montant final est difficile à évaluer, notamment du fait des derniers ajustements qui seront pris par le gouvernement.

Ce rendement est-il productif au regard de son coût supposé pour le secteur du transport (boîtier, etc.) et des coûts d’infrastructures (portique, fonctionnaires, etc.) ?

Normalement les recettes devraient, dans la durée, compenser largement les coûts du prélèvement. D'autant que ce type d'investissements s'amortissent sur du très long terme et permettent de très hauts rendements. Leur coût, estimé autour de 650 millions d'euros, apparaît important mais il reste possible si l'on prend en compte les dérapages budgétaires fréquents de ces projets d'infrastructure. Mais peu d'acteurs connaissent le véritable montant de ce contrat de concession. Ce coût montre surtout que les solutions techniques choisies sont discutables. Le système de portique est très coûteux, il aurait par exemple pu être remplacé par un système de vignette temporaire, avant une généralisation par GPS enregistrable, plus efficace.

Cette taxe peut-elle mettre en danger la compétitivité du pavillon français ?

Il y a deux aspects contradictoires dans les effets de cette taxe sur le pavillon français : il était majoritaire dans les transports entre la France et le reste de l'Europe il y a 30 ans alors qu’il est aujourd'hui dominé dans tous les échanges bilatéraux. Ce pavillon souffre de très faibles marges et se trouve constitué d'entreprises souvent fragiles. Celles qui ne réussiront pas à répercuter ces coûts supplémentaires sur ce que les chargeurs consentiront à payer, alors que c'est théoriquement prévu, ne survivront pas et le pavillon français verra sa flotte se réduire encre.

A contrario, les transporteurs étrangers qui peuvent aujourd'hui opérer en France sans y acheter une goutte de carburant au tarif français et qui utilisent le réseau sans péage auront au moins à couvrir la même taxe que leurs concurrents français. Mais ce n'est qu'une composante mineure du coût de transport.

Le mécanisme de répercussion automatique mis en place par le gouvernement est-il suffisant pour limiter le manque à gagner des transporteurs ? Comporte-t-il des risques intrinsèques ?

L'adjonction formelle de la taxe sur la facture présentée au chargeur ne garantit rien sur le prix qui sera négocié hors cette taxe. Son partage (100 % pour le chargeur, 0 % pour le transporteur) me semble idyllique sur un marché à faible demande et sur lequel les sur-capacités de l'offre sont manifestes. Cela signifie que la répercussion d'une telle mesure ne pourrait être assurée que si elle était mise en œuvre dans une phase de forte demande.

Propos recueillis par Pierre Havez

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