L'euro trop fort ? Une vision qui passe à côté du problème réel<!-- --> | Atlantico.fr
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La valeur de l'euro fait polémique.
La valeur de l'euro fait polémique.
©Reuters

Trop facile

La thématique de "l’euro fort" est le marronnier de la pensée monétaire de ce temps. Or, une baisse de la monnaie unique aurait un impact marginal sur l'économie française.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Lors d’un entretien avec “20 minutes” publié le 24 octobre, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif indiquait “Et bien la monnaie européenne est trop forte, elle est trop chère. Il faut modifier la politique monétaire de toute urgence. La relance de l’industrie passe par une monnaie qui permette aux  produits européens d’être concurrentiels sur les marchés internationaux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui”.

De son côté, Marine Le Pen fustigeait l’euro fort, s’en servant comme prétexte pour justifier la fin de l’euro. D’autres commentaires font régulièrement état de ce problème de la valeur de la monnaie dès lors que celle-ci s’avance au-delà de 1.35 Dollar, sorte de baromètre permettant de faire entrer « l’Euro fort » sur le terrain politique.

Ces déclarations révèlent une ambiguïté troublante, l’intuition est louable mais l’analyse reste partielle. La thématique de “l’Euro fort” est le marronnier de la pensée monétaire de ce temps. L’attachement de la France à “une politique de change” y est sans doute pour quelque chose. Déjà à l’occasion de la signature du traité de Maastricht, les responsables allemands s’étonnaient de la vision monétaire française, et de cette vision vide de sens. En effet, si une Banque Centrale, indépendante, est régie par un mandat de stabilité des prix, tel que celui de la BCE, aucune politique de change ne peut avoir lieu. Seule la méthode employée par la BCE influe sur la valeur de la monnaie, et une politique de change ne serait cantonnée qu’à un rôle purement décoratif.

Ainsi, si l’on souhaite voir la monnaie “baisser”, il ne sert à rien de dénoncer l'euro fort en lui-même, mais bien de dénoncer la méthode monétaire appliquée depuis le traité de Maastricht: la maîtrise de l’inflation sous le seuil de 2.00% sur le moyen terme. Une inflexion de cette politique aura bien pour conséquence la baisse de l’euro mais ce phénomène n’en sera qu’une conséquence secondaire.

En effet, lorsque l’on se prononce sur la valeur « trop forte » de la monnaie, il est à noter qu’elle n’a d’impact négatif que pour la part des entreprises qui exportent en dehors de la zone Euro. Les exportations représentent 26% de l’économie française, dont seuls 40% sont destinés aux marchés “internationaux” c’est à dire hors zone euro. Et 26% de 40% signifie que la seule baisse de l’euro ne peut impacter positivement que 10% de l’économie française. Mais Les 90% restant sont eux aussi dépendants de la politique monétaire, mais pas de l’euro fort. Les importateurs y voient même un avantage.  

Ce dont cette large majorité de l’économie (les 90% dépendants du marché domestique français et européen) a besoin, c’est d’une amélioration de l’activité intérieure, et pas seulement d’une baisse de l’Euro. Car ce qui semble échapper aux détracteurs de “l’Euro fort” est qu’une politique monétaire n’a pas vocation à “fixer” la valeur d’une monnaie, mais à déterminer le niveau d’activité intérieur de l’économie.

Le pouvoir de l’autorité monétaire ne se cantonne pas à donner un prix à l’euro mais à soutenir l’activité économique, ou à la contraindre, afin de parvenir à son but final qui est la stabilité des prix. Lorsque l’activité est trop forte, la banque contraint la demande en relevant ses taux, et inversement (en théorie..). C’est bien la conjoncture économique intérieure à la zone Euro qui est de la responsabilité de la banque centrale européenne.

Dès lors qu’une banque centrale se décide à favoriser son marché domestique, les marchés financiers vont commencer à anticiper une plus forte croissance et une plus forte inflation, ce qui entrainera, en conséquence, une baisse de la valeur de la monnaie. Comme cela se produit aux Etats Unis, et encore plus clairement au Japon depuis le début de l’année 2013.
Les critiques perçoivent justement le problème que connait l’Europe d’aujourd’hui, mais à travers le prisme le plus réduit qui soit. La baisse de l’euro ne se produira que si la banque centrale se décide à favoriser son marché intérieur, à faire baisser le chômage, et à relancer l’activité. La conséquence sera une baisse de la monnaie sur le marché des changes, mais ce n’est pas là l’essentiel.

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