Talons or not talons : le dilemme des femmes au bureau <!-- --> | Atlantico.fr
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Les talons aiguilles au travail : un symbole de l'émancipation des femmes ?
Les talons aiguilles au travail : un symbole de l'émancipation des femmes ?
©Reuters

Question pointue

Les talons aiguilles ont récemment été l'occasion d'une mini polémique comme Twitter en connaît tant. Un patron de start-up a été taxé de sexisme pour avoir déclaré que de telles chaussure n'avaient rien à faire dans un salon professionnel rassemblant "des entrepreneurs et des investisseurs".

Sophie  Bramly

Sophie Bramly

Sophie Bramly a été photographe et est maintenant productrice de télévision. Elle est aussi créatrice du site secondsexe.com, un portail dédié au plaisir au féminin. Elle a publié avec le Professeur François Olivennes Tout ce que les femmes ont toujours voulu savoir sur le sexe et enfin osé le demander.

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A lire sur le même thème : Voilà les risques que vous prenez à porter des talons hauts

Atlantico : Un entrepreneur américain a récemment créé la polémique (voir ici) à l’occasion d’un salon professionnel qui se tenait à  New York en publiant sur son compte Twitter une photo de chaussures à talons aiguilles portées par une participante,  accompagnée du commentaire suivant : "L'événement est censé accueillir des entrepreneurs et des investisseurs, mais ces talons (et ce ne sont pas les seuls que j’ai vus aujourd’hui)… Qu’est-ce que ça fout là ? #cerveaunonrequis". L'auteur du tweet s'est défendu d'être sexiste, arguant de l'absurdité de cet accessoire féminin. Comment expliquer que ce dernier puisse donner lieu à polémique ?

Sophie Bramly : Je crois qu'il faut faire un petit retour dans l'histoire et se souvenir que quand les femmes ont été autorisées à rentrer dans le monde du travail, il y a à peine un siècle, elles ont été autorisées à le faire à condition de porter un vêtement masculin. L'interprétation générale a été que les femmes étant autorisées à porter le pantalon, elles gagnaient leur liberté. On peut regarder les choses autrement et se dire que les hommes les autorisaient à rentrer dans leur monde, à condition qu'elles se masculinisent en portant cet habit, c'est à dire qu'elles se soumettent et que leurs attributs sexuels viennent le moins possible troubler le désir masculin à un moment inapproprié. De fait, une femme qui rentre dans une réunion aujourd'hui est encore jugée sur son physique AVANT d'être jugée sur ses capacités. 

Ce que les femmes font dans le monde du travail en portant maintenant de hauts talons, correspond pour moi à plusieurs choses : elles veulent pouvoir regarder les hommes les yeux dans les yeux pour ne plus se sentir dominées dans tous les sens du terme, elles veulent également signifier qu'elles jouissent d'être femme (le talon haut impose un pied tendu, comme au moment de l'orgasme, ce qui inconsciemment est très excitant pour l'homme). 

Cela correspond à la phase actuelle d' "empowerment" de la femme et on comprend bien que cela puise déstabiliser les hommes.

On a l’impression que le fait de porter des talons en milieu professionnel peut aussi bien porter préjudice que donner une image positive à celle qui les porte. Quels sont les codes en la matière ?

J'ai envie de vous dire que cela en dit long sur la sexualité de chacun. Un homme qui n'est pas épanoui sexuellement ou qui a besoin qu'une femme reste avant tout dans son rôle maternant, par exemple, sera certainement troublé et vivra ce haut talon comme une agression sexuelle.

Certaines femmes voient dans la chaussure à talon un carcan conçu par l’homme, quand d’autres affirment au contraire qu’il peut être l’expression d’une féminité émancipée. Ce débat est-il insoluble ? Pourquoi ?

Il est difficile de ranger les individus dans des cases figées, prédéterminées d'hommes et de femmes, mais je vais malgré tout tacher de répondre à votre question. Je pense que certaines femmes aiment avoir les deux pieds bien ancrés dans le sol, de façon presque tribale et marchent à plat. D'autres ont tourné le dos à leur sexualité - momentanément ou non - et se fichent de ce qu'elles portent aux pieds. D'autres encore ont besoin de dominer, de se sentir prédatrices et non proies, ou de passer par la séduction pour arriver à leurs fins. Ce sont des ruses, comme on en trouve partout dans le monde animal et humain...

Si une femme prête peu d'importance à son style vestimentaire en milieu professionnel, on dira d'elle qu'elle est négligée. Si au contraire elle est très apprêtée, on la considérera comme superficielle. Comment éviter de tomber dans la schizophrénie ?

En se souvenant que les changements ne se font pas en un jour, et que certains sont plus souples que d'autres à accepter le changement. Il y a encore des femmes qui pensent que ce n'est pas si important de travailler et d'être économiquement indépendantes, que l'amour et la famille valent bien mieux et elles avancent dans la vie en gardant intacts de vieux schémas. Il est donc bien normal que certains hommes aussi s'accrochent à ces vieux schémas. 

Maintenant, pour qu'une femme évite de tomber dans cette schizophrénie, il faut qu'elle accepte de passer outre le jugement (les hommes aussi sont jugés en permanence, nous sommes actuellement dans une société qui mise tout sur l'apparence, il faut paraître plus que être), qu'elle accepte d'être elle-même, c'est à dire ne plaisant pas à certains et plaisant à d'autres, comme elle-même le fait avec les autres. C'est un vrai dilemme de notre société actuelle : un monde normatif avec par instants le besoin d'un peu plus de sel et poivre. Mais il faut une belle confiance en soi pour sortir du troupeau de Panurge sans se sentir trop isolé...

Propos recueillis par Gilles Boutin

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