Comment apprendre à gérer le long fleuve pas toujours tranquille de la vie des familles recomposées<!-- --> | Atlantico.fr
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Un enfant sur dix vit dans une famille recomposée.
Un enfant sur dix vit dans une famille recomposée.
©Reuters

Néo-normaux

Selon l'Insee, un enfant français sur dix vivrait dans une famille recomposée. Désormais courante, ces structures familiales n'en demeurent pas moins sujettes à des défis bien particuliers pour lesquels le principal outil reste la communication.

Anne-Marie Sauzède-Lagarde

Anne-Marie Sauzède-Lagarde

Anne-Marie Sauzède-Lagarde est psychothérapeute, formée à la psychologie clinique et spécialiste des questions de gestion des couples et des familles. Elle est notamment l'auteur avec son époux de Former une famille recomposée chez InterEditions.

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Atlantico : L’Insee vient de publier une étude révélant qu’un enfant sur dix vit dans une famille recomposée. Quels sont les principaux défis particuliers que rencontrent ces familles ? Comment les relever ?

Anne-Marie Sauzede-Lagarde : Pour comprendre les défis qui se posent aux familles recomposées, il faut commencer par poser certaines questions qui peuvent se résumer à : qui fait quoi pour qui ? Ce qui exprime la réalité des familles recomposées : la multiplication des personnes, donc la multiplication des relations et le problème naturels que posent ces dernières. Dans cette question, il est important de différencier enfants et adultes, partant du principe que « hiérarchiquement » un adulte est au-dessus des enfants pour les questions de "tous les jours", c’est une constante essentielle qui se retrouve partout. Si un adulte voit un enfant sur le point de traverser une route et risquer de se faire renverser par une voiture, la société lui reconnait l’autorité pour juger de la nécessité une intervention de sa part, et donc le droit d’agir sur cet enfant ou de lui donner l’ordre de ne pas traverser. Et cela peu importe qu’il s’agisse d’un enfant avec lequel on ait le moindre lien, c’est une globalité de laquelle il est important de repartir.

L’autorité

Une fois cela établi, il faut se pencher sur l’autorité de chaque adulte sur chaque enfant dans le cas où il n’y ait pas l’évidence du sang qui tranche cette question d’autorité dans une relation parentale biologique. Il est important dé définir cette relation d’autorité mais également le niveau de responsabilité du beau-père ou de la belle-mère. Arrive ici la question du système, c'est-à-dire de la place de chacun au sein de la vie familiale. Cela passe notamment par des discussions des deux parents à propos de l’acceptation de chacun que l’autre exerce une autorité sur le ou les enfants de l’autre. Les enfants peuvent ensuite être inclus à la discussion, en fonction de leur âge, sur la répartition des rôles mais ils n’ont pas droit de cité sur le niveau d’autorité des beaux-parents, celui-ci n’est défini que par l’acceptation du parent biologique.

Le sentiment d’appartenance

Comme sur toutes les questions concernant les familles recomposées, il y a autant de réponses que de familles. Toutefois, le sentiment d’appartenance à la nouvelle structure familiale passe bien souvent par des symboliques. Prenons l’exemple d’un beau-père qui arrive dans la maison d’une maman avec des enfants après l’avoir épousée. Quel nom va-t-on mettre sur la boite au lettre ? Celui du nouveau mari ? Celui de la maman à qui appartient la maison ? Celui de tout le monde ? La question parait anodine mais elle ne l’est pas tant que ça, une famille recomposée rencontre régulièrement ce genre de petits détails, et l’exemple montre que bien souvent tout le monde veut voir son nom apparaitre puisqu’il le représente. Et le voir à côté de celui des autres est très positif qui dit qu’ici vivent ensemble des gens de noms différents. C’est important mais ce n’est pas évident dans toutes les familles.

Le sentiment d’appartenance passe aussi essentiellement par ce que le couple au centre de cette famille recomposée veut en faire et de l’investissement des membres de la fratrie qu’il y introduit. Ce sentiment passe aussi par du temps de vie commun : et ce quel que soit l’organisation de la famille, que tous les frères et sœurs vivent ensemble ou pas. Pour créer de la « qualité » dans la fratrie, il faut du vécu. Il faut pour cela que le couple crée des expériences de vie commune, des vacances, des repas, des souvenirs et du lien.

L'Affection

Comme l’autorité, l’affection est l’affaire du couple et sa mise en place doit être autorisée et facilitée par le parent biologique pour fonctionner correctement. Traditionnellement, l’arrivée d’un beau-père dans une famille comprenant une ou plusieurs jeunes filles est parfois difficile, impliquant, comme avec le père naturel, un rapport de séduction qui pour ne provoquer aucune ambiguïté nécessite un positionnement clair qui doit absolument être soutenu et relayé par la mère. C’est en grande partie cette mère qui va définir l’image que ses enfants auront de leur beau-père. C’est toujours – au moins – une question de triangulation.

Le nombre croissant de ces familles recomposées rend-il ces défis plus simples à affronter ? La simple existence de la publication de tels chiffres démontre-t-elle que le plus grand défi des familles recomposées est toujours le regard que porte la société sur elles ?

Depuis une vingtaine d’années, le changement du regard social sur le divorce a réduit le poids de la bizarrerie et de la culpabilité qui pesait fut un temps sur les épaules des enfants. Les études existeront toujours et pour être honnête, ce chiffre me semble même assez bas. Toutefois, il a l’intérêt de dire que les familles recomposées ne sont pas la même chose que les familles initiales. Elles ne sont ni mieux ni moins bien mais elles sont différentes et ne pas les juger socialement ne veut pas dire oublier leur spécificités. C’est une organisation différente qui a ses avantages et ses inconvénients.

Par ailleurs, je crois même que ces familles recomposées ont fait beaucoup de bien aux familles « initiales » dans lesquelles comme tout est supposé aller de soi, le débat et le questionnement n’existaient presque pas.

Existe-t-il une solution miracle, une équation unique pour réussir à rendre harmonieuse sa famille recomposée ? Est-ce l’exact inverse ?

Il n’y a pas de recette bien sûr mais il faut absolument se mettre dans l’idée qu’une famille recomposée qui fonctionne prend du temps, demande des efforts, de l’énergie et des capacités à communiquer – comme une famille normale d’ailleurs dans laquelle il est rare que tout aille bien – mais dans une famille recomposée il faut toujours tout expliquer, et c’est peut-être ça qui fait que ça marche.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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