Pourquoi les femmes se tournent moins vers les carrières scientifiques<!-- --> | Atlantico.fr
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Seul 20% des diplômés en physique ou en informatique sont des femmes.
Seul 20% des diplômés en physique ou en informatique sont des femmes.
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Où sont les femmes ?

Aux Etats-Unis comme en France, les femmes sont sous-représentées dans le milieu scientifique. Reste à savoir s'il s'agit d'une absence d'attrait naturel ou d'une inégalité d'opportunités.

Bianchini Laurence

Bianchini Laurence

Laurence Bianchini est docteur en physique, diplômée de l’Université Paris-Sud. Depuis 2011, elle est journaliste scientifique de MyScienceWork.com, réseau social scientifique et média de journalisme scientifique. Ses articles couvrent de nombreux domaines scientifiques et s'intéressent particulièrement à l'aspect multidisciplinaire des sciences, l'emploi des docteurs et l'open access (accès libre à la littérature scientifique). Elle est aussi directrice des partenariats de la société MyScienceWork depuis 2013.

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Atlantico : Selon plusieurs études, aux Etats-Unis, si les femmes représentent aujourd’hui plus de la moitié des diplômés au niveau licence, elles sont toujours sous-représentées dans le milieu scientifique. Ainsi seul 20% des diplômés en physique ou en informatique sont des femmes, quant à l’ingénierie, les diplômées ne représentent que 18% du total. Quel constat peut-on établir en France ? Les Françaises délaissent-elles la science ?

Laurence Bianchini : De manière générale aujourd'hui, les étudiants délaissent les sciences qui ont une image austère et difficile d'accès. De plus, ces disciplines sont en compétition avec d'autres secteurs financièrement plus intéressants. Mais en France aussi la représentation des femmes dans les carrières scientifiques est plus faible que le nombre d'étudiantes. On compte aujourd’hui environ 26% de femmes parmi les chercheurs : 19.5% dans la recherche privée et 35 % dans la recherche publique. Cette proportion faiblit d’ailleurs au fur et à mesure que l'on monte dans la hiérarchie.

Pour quelles raisons les femmes se tournent-elles moins vers les carrières scientifiques ? Est-ce dû à un manque d’intérêt pour ce type d’étude ou à un véritable problème de société ? 

Auparavant, les femmes n'avaient pas accès aux études ni aux carrières scientifiques. Aujourd'hui, les écarts se sont réduits. Du coup, les biais sont moins flagrants. Nous portons tous inconsciemment en nous des biais vis-à-vis du genre. Les préjugés liés à l'image de la science, qui la présente comme compliquée, austère, peu amusante, peu gratifiante et ou peu sexy, sont en opposition avec le rôle persistant de la femme dans la société. Les actes qui éloignent les femmes de la science sont partout. Ils sont portés par les parents qui offrent des jouets différents aux enfants des deux sexes. Ils sont aussi véhiculés par les enseignants qui attendent des attitudes différentes des garçons et des filles. Ceci est un fait de société qui s'est tout de même beaucoup amélioré lors du siècle dernier. Les femmes ont aussi une attitude vis-à-vis de la compétition qui peut expliquer qu’elles quittent les carrières scientifiques plus souvent que les hommes. Il faut bien avouer que les carrières scientifiques sont relativement maltraitées dans notre pays avec des salaires relativement  peu élevés.

La rareté des femmes en science s’expliquerait-il par leurs difficultés à se mettre en avant dans ce milieu ?

Le mois dernier, un hackathon Wikipedia a été organisé afin de compléter et créer les pages de femmes scientifiques sur Wikipedia. L’étude 2013 du Women’s Media Center parue il y a deux semaines, montre d'ailleurs que seule 19% des experts s'exprimant dans les médias sont des femmes. Ce constat est lié à deux paramètres essentiels. Premièrement, un certain nombre de femmes expertes/scientifiques se mettent moins en avant que les hommes, ceci est lié au culturel et à l'éducation et l'image de la femme. Deuxièmement, ce manque de représentativité est aussi lié aux stéréotypes persistants de l'image du scientifique. Bien que l'image typique de celui-ci se soit éloignée de celle du barbu vivant à l'écart parmi ses microscopes et souris, il reste avant tout masculin. Les médias se tournent donc préférentiellement vers des experts masculins.

Le milieu scientifique est-il un milieu machiste ?

Le milieu scientifique n'est pas plus machiste qu'un autre. Je pense qu'il l'est moins que le milieu de la finance par exemple. Mais les talons, les jupes et la féminité affichée sont encore aujourd'hui regardés avec ironie ou critique sous prétexte d'être peu adaptés aux conditions de travail (ce qui peut être vrai en ce qui concerne les normes de sécurité de certains lieux de travail expérimental en laboratoire). La recherche scientifique est un milieu assez dur dans lequel règne une forte compétition et parfois un manque de hiérarchie qui permet aux sentiments négatifs de trop s'exprimer. On voit trop souvent des femmes scientifiques devenir plus dures et masculines que les hommes. Les hommes ne sont pas les seuls à blâmer dans cette histoire.

Quel avenir peut-on imaginer pour les femmes désirant évoluer dans le milieu scientifique ? Comment peut-on inverser la tendance ?

Des quotas sont de plus en plus appliqués au sein des entreprises pour faire figurer plus de femmes dans les conseils d'administration et les postes à haute responsabilité. Les quotas ne peuvent résoudre tous les problèmes mais ils peuvent amener une augmentation du nombre de femmes scientifiques. Cela a pour conséquence l'augmentation de modèles féminins qui peuvent changer la mentalité de la société, changer les stéréotypes et intéresser les jeunes filles et femmes aux carrières scientifiques. Il faut aussi que l'image de la science soit dépoussiérée. Les scientifiques sont mus par la curiosité et la passion, des critères humains partagés par les hommes comme par les femmes. La science mène aussi à des carrières qui sont moins mises en avant. Dans d'autres pays, comme les pays anglo-saxons ou l'Allemagne, les docteurs en science sont présents dans toutes les branches de métiers. L'Allemagne a tout de même une physicienne à la tête de son gouvernement, ne l'oublions pas !

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