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PSA peut-il faire le poids face aux Chinois ?
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Decod'Eco

Cheval de Troie ou échange de bons procédés ? Voyons ce que cache le projet d'alliance entre le groupe Peugeot et le constructeur chinois Dongfeng.

Florent Detroy

Florent Detroy

"Florent Detroy est journaliste économique, spécialisé notamment sur les questions énergétiques, environnementales et industrielles. Voir son site."
 
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Depuis qu’un projet d’alliance entre le constructeur chinois Dongfeng (“vent d’ouest” en chinois) et le groupe Peugeot a été révélé la semaine dernière, il n’est plus un jour sans que l’on compte les bons et mauvais points de ce partenariat.

Une chose est sûre, le cours de Bourse de Peugeot s’est effondré après l’annonce, de près de 10%. Il semble toutefois que ce ne soit pas la crainte de l’arrivée d’un groupe quasi inconnu en Europe qui ait provoqué cette chute, mais plutôt la perspective d’une dilution du capital.

Car le temps est loin où les médias faisaient leur gorge chaude des reprises de marques européennes par d’obscurs fonds d’investissements chinois. De Marionnaud au port du Pirée, ces affaires qui avaient grand bruit sont aujourd’hui oubliées.

Désormais, l’investissement étranger — en particulier en provenance des pays émergents — est de plus en plus vu d’un bon œil.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’un groupe émergent s’empare d’un constructeur automobile européen. Or pour l’instant, ces rapprochements ne sont jamais soldés par le dépècement des groupes occidentaux mais plutôt par une reprise des ventes. Peugeot saura-t-il s’en sortir ?

Les émergents, le double eldorado

Le marché chinois est la nouvelle corne d’abondance du secteur automobile depuis maintenant 2008. Revenu de ses 32% de croissance en 2010, le marché affiche tout de même une progression de son parc automobile de près de 12% sur les sept premiers mois de l’année, pour un total de 12,3 millions d’unités (voitures et utilitaires). Et les perspectives sont bonnes. Les ventes pourraient doubler d’ici 2025.

Si aucun autre marché ne peut rivaliser en termes de taille, la Chine n’est toutefois pas une exception. Elle est simplement la pointe avancée du navire. Inde, Brésil et Russie suivent. Selon les estimations du cabinet KPMG, les pays émergents pourraient représenter 50% de la demande mondiale dans le secteur de l’automobile en 2018.

Les constructeurs automobiles qui se sont tournés vers les marchés émergents ne sont pas seulement venus chercher un simple relais de croissance mais aussi de l’argent. Confrontés à une chute des marchés développés, les quelques constructeurs qui n’ont pas réussi à compenser en s’établissant sur les marchés émergents n’ont eu d’autres choix que de se mettre au Solex ou à quémander des fonds à d’autres constructeurs mieux lotis.

Gorgées de cash, les sociétés émergentes sont alors devenues les nouveaux banquiers de l’Occident… pour leur plus grand bonheur.

Les émergents font des merveilles

En 2008, quand Tata rachète le prestigieux constructeur Jaguar-Land Rover (JLR) pour 2,3 milliards de dollars, le groupe indien ne se précipite pas pour adapter le design des Land Rover au goût indien. Mais il a injecté plusieurs milliards de livres dans les usines anglaises. Résultat, les ventes de JLR décollent quelques années plus tard. Mieux, Tata suit la même stratégie que n’importe quel constructeur occidental en amenant JLR à s’allier en 2012 avec le constructeur chinois Cherry.

Le plus frustrant pour les constructeurs et les médias occidentaux, c’est que ces succès arrivent après des années de fusions-acquisitions ratées entre Occidentaux.

Rappelez-vous du mariage du siècle entre Daimler et Chrysler, dont le divorce fut plus vite prononcé que celui de deux stars américaines sous l’emprise de la cocaïne, ou du gâchis de la reprise d’Opel par General Motors. Pour ne pas parler des partenariats avec les Japonais Isuzu, Suzuki ou encore Subaru.

Toutefois, l’exemple de Tata reste un cas extrême. Souvent, les groupes étrangers cherchent aussi à nourrir leur propre marque. En 2010, le magazine Businessweek expliquait après l’annonce du sauvetage de Volvo par le Chinois Geely pour 1,8 milliard de dollars : “croyez-le ou non, ça pourrait marcher”. Quelques années plus tard, les doutes que le magazine avait voulu dépasser sont toujours là.

Bien sûr la marque Volvo existe toujours. Mais la stratégie du cheval de Troie dénoncée à l’époque s’est matérialisée depuis. En achetant des constructeurs de pays développés, les marques des pays émergents peuvent pénétrer les forteresses européennes et américaines, gardées par des normes de sécurité strictes. Les journalistes se souviennent, horrifiés, des images du crash test Euro NCAP de la CK de Geely en 2010, qui avait plié comme un tigre de papier lors de l’impact. Aujourd’hui, grâce aux accords passés avec Volvo, Geely vient ainsi tout juste d’annoncer ses premières exportations vers le marché européen et américain.

Peugeot, passeport ou partenaire ?

On peut ainsi se demander si Peugeot n’est qu’un passeport européen pour Dongfeng, ou un vrai partenaire. L’hypothèse du cheval de Troie ne peut être exclue. Dongfeng pourrait avoir besoin de constructeurs européens pour améliorer ses technologies vertes. Ainsi, les moteurs ou les nouvelles technologies développées par le groupe pourraient intéresser Dongfeng pour rentrer sur le marché européen. D’ailleurs, un autre constructeur chinois, BAIC, a déclaré récemment avoir repéré trois constructeurs européens sur lequel il pourrait investir pour s’établir en Europe.

Pourtant, l’accord pourrait bien à terme être bénéfique à Peugeot. D’abord, parce que le groupe a besoin de cash, et vite. Le gros problème qui occupe les analystes depuis 2012 est le rythme de cash burn, c’est-à-dire les montant de cash que PSA brûle chaque mois sans que la croissance des bénéfices ne puisse compenser. Or le cash burn atteint 150 à 200 millions d’euros chaque mois. Avec l’injection d’1,5 milliard d’euros, en plus des 1,5 milliard de l’Etat comme il semble se dessiner, le groupe pourra développer pleinement ses innovations. Car Peugeot n’a jamais cessé d’innover, et il est d’ailleurs en tête des dépôts de brevets en France.

Ensuite, parce que Dongfeng a également l’intention de s’appuyer sur PSA pour se renforcer en Chine. Les normes anti-pollution sont de plus en plus fortes dans l’Empire du Milieu. Or les connaisseurs insistent sur l’intérêt de la technologie d’Hybrid Air de PSA, dont le groupe a l’exclusivité.

PSA bientôt sur pied ?

Il est donc possible que l’approfondissement du partenariat avec Dongfeng, qui date des années 1990, soit un banal échange de bons procédés. Le seul grain de sable clairement identifié actuellement est l’attitude de l’Etat français. L’augmentation des capacités de production en Chine nécessitera sûrement des investissements dans l’Empire du Milieu.

Espérons qu’ils ne se feront pas au détriment des usines françaises, auquel cas Paris risque de freiner l’appel de l’est de PSA.

[Florent Detroy vous livre tous les jours ses analyses sur les marchés des ressources naturelles -- du pétrole au diamant en passant par l'or ou les céréales -- dans L'Edito Matières Premières. Pour le recevoir, c'est par ici...]

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