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"Le Maroc vit pleinement
le printemps arabe"
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Attentat au Maroc

Contrairement aux idées reçues, le Maroc n'est pas resté à l'abri du souffle des révoltes qui agite le Maghreb depuis des mois, l'attentat commis jeudi après midi à Marrakech est là pour nous le rappeler. Comment le régime va-t-il gérer cette situation critique ?

Pierre Vermeren

Pierre Vermeren

Pierre Vermeren, historien, est président du Laboratoire d’analyse des ideologies contemporaines (LAIC), et a récemment publié, On a cassé la République, 150 ans d’histoire de la nation, Tallandier, Paris, 2020.

 

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Ceux qui ont commis cet attentat veulent frapper le Maroc au cœur, symboliquement, économiquement, et veulent bloquer le processus économique et politique en cours.

Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, le Maroc vit pleinement le printemps arabe. I vit une ébullition politique depuis le mois de février inclus, le roi a du intervenir deux fois pour annoncer un programme de réforme politique très important, qui pour l’instant n’est évidemment pas entré en œuvre,  mais a provoqué des débats dans toute la société. C’est dans ce contexte que ces attentats interviennent. Ce ne sont pas les premiers attentats pour autant : en 1994 déjà à Marrakech, pendant la guerre civile algérienne, puis en 2003 à Casablanca, et en 2007 à Casablanca encore, des terroristes s’étaient fait exploser comme ce jeudi à Marrakech. Le Maroc n’est donc pas en dehors du monde arabe.

Qui sont les auteurs de cet attentat ?

Plusieurs hypothèses : Evidemment, comme les dernières fois, cela pourrait être d’abord des djihadistes. On peut parler de l’Aqmi, mais L’Aqmi, ce sont des algériens qui sont retranchés dans le nord du Niger, donc difficile de les imaginer intervenir à Marrakech. Cela pourrait être des djihadistes déséspérés marocains, comme les kamikaze de Casablanca. Cela peut être aussi des djihadistes marocains qui ne veulent pas de l’arrivée des islamistes modérés du PJD au parlement et au gouvernement lors des prochaines élections en 2012, ce qui n’arrangerait pas les intérêts des plus radicaux. Cela peut enfin être des personnes des forces de sécurité, ou en tout cas en marge des forces de sécurité, qui joueraient la politique du pire, parce qu’ils refuseraient d’une évolution comme ailleurs dans le monde arabe.

Les forces de sécurité marocaines, capables d’un tel acte ?

On ne peut pas l’exclure : tout d’abord, les coups tordus des services de sécurité, c’est la base dans tous les pays du monde. Ensuite, concrètement, en 2003, la contre offensive sécuritaire extrêmement brutale et générale avait remis en selle des policiers et des militaires qui étaient sur la touche, et créé un consensus autour du roi, tout en bloquant toutes les réformes. Il peut y avoir des gens qui veulent à nouveau bloquer toute réforme au Maroc, et s’en donner les moyens. Dans le monde arabe, on voit que partout les forces de sécurité se battent, se sont battues, contre les réformes, les révolutions, de l’Egypte au Yemen en passant par la Syrie, car ils savent ce qu’ils ont à perdre. 

Maintenant, une telle attitude de résistance, sans pour autant préjuger de qui est réellement responsable de cet attentat, porte préjudice à tout le monde. Cela dessert les islamistes intégrés, cela dessert le roi, les intérêts économiques, c’est pour cela qu’il faut chercher à qui profite le crime. Dans les pistes plus lointaines, le Sahara, toujours : un étudiant sahraouie a été tué la semaine dernière à Rabah, et la région a connu des répressions violentes en novembre. D’autres régions au Maroc sont aussi en mouvement, cela fait donc beaucoup de clients…

Comment le régime va réagir ?

A chaque fois, les attentats ont été suivis de répressions intenses avec des vagues massives d’arrestations, des milliers de personnes interpelées, incarcérées… Mais nous ne sommes plus en 2003. Le monde arabe est en ébullition, le roi s’est engagé sur des réformes importantes. Une fois que le crime a été commis, le pouvoir va-t-il risquer la politique du pire et de la répression après l’ouverture ? Cet attentat va-t-il entrainer un blocage du processus politique, par peur ou par bêtise ? Il ne faudrait pas que le roi et ses conseillers calent en pleine marche des réformes, au risque de se mettre en danger. 

Propos recueillis par Jean-Baptiste Giraud

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