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L'avocat du diable 
et le chercheur de Dieu
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Spiritualité

Les moines demeurent des personnes peu connues du grand public. Pour Atlantico, Charles Wright nous livre un extrait de son entretien avec Dom Michel Pascal, abbé émérite du monastère bénédictin de Ganagobie, tiré du livre " A quoi servent les moines ?" Editions François Bourin. Episode 1.

Michel  Pascal Charles Wright

Michel Pascal Charles Wright

Michel Pascal est l’abbé du monastère bénédictin de Ganagobie (Alpes de Haute-Provence). Il est moine depuis cinquante ans. 

Charles Wright travaille dans l'édition. Il est l'auteur de A quoi servent les moines ?

 

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Égaré dans la Provence de Giono, Ganagobie est l'une de ces solitudes somptueuses qu'affectionnent les bénédictins (…). Une impression de paix enveloppe ce lieu où, depuis près de mille ans, des moines ont planté leurs pénates. Les visiteurs venus y prendre un bol d'air mystique ont toujours le même saisissement : l'ordre prévaut sur le désordre, le silence sur le bruit, la beauté sur la laideur, la gratuité sur l'efficacité, le respect sur la désinvolture (…).

Aujourd'hui, une communauté de douze moines perpétue cette vieille présence. On aperçoit parfois leurs silhouettes encapuchonnées dans les allées du parc où ils déambulent un chapelet à la main. On les voit aussi dans le chœur de l'église romane attenante au monastère où, sept fois par jour, ils psalmodient du grégorien et rendent grâce à Dieu. La plupart du temps, cependant, ils vivent retranchés des regards derrière une haute clôture qui crée entre eux et nous une distance source de mystère, mais aussi d'attirance (…). Abbé émérite du monastère bénédictin, Dom Michel Pascal est l'un d'entre eux. Sa jovialité m'avait frappé lors d'un premier séjour à l'abbaye. En outre, étant moine depuis cinquante ans, il connaissait bien son sujet... C'est donc à lui que, comme éditeur captivé par ces vocations, j'avais proposé la rédaction d'un livre sur le sens de la vie monastique. Sa réponse fut aussi enthousiaste que résolue : « Avec grand plaisir mais sous la forme d'un entretien avec toi. Je m'occuperai des réponses, tu auras la primeur et la fraîcheur des questions » (…).

A dix heures, je retrouve Dom Michel dans la salle qui nous est affectée. Dès cette première séance, tandis que nous sommes un peu empêtrés par la timidité, il brise la glace. « Es-tu un ennemi de l'alcool ? », me demande-t-il avant de sortir une bouteille de pastis dissimulée sous sa bure... (…) Après que le pastis et l'Esprit saint nous ont mis en verve, frère Michel annonce la couleur : « Ton rôle pendant ces entretiens, Charles, sera d'être l'avocat du diable ». De fait, j'étais venu avec la ferme intention de le pousser dans ses derniers retranchements par les questions les plus délicates, voire les plus insolentes : les moines sont-ils névrosés ? Comment recycle-t-ils leurs pulsions sexuelles ? Qu'en est-il de l'homosexualité ? Un moine peut-il perdre la foi ? Comment être libre et enfermé ? Avec une incroyable liberté de ton et sa force tranquille, Dom Michel n'a rien esquivé. Il concluait chacun de nos échanges par cette question rituelle, signe de son humilité : « Tu es sûr que j'ai bien répondu ? » Armé de sa Bible, de la règle de Benoit et de sa longue expérience monastique, il a joué le jeu, répondu du fond de son cœur et ses paroles coulaient comme du miel. Le lecteur jugera qui, de l'avocat du diable ou du chercheur de Dieu, a emporté la mise…

A quoi servent les moines ? est à la fois une initiation à la vie monastique, un livre de spiritualité et une immersion dans l'univers d'un homme de Dieu qui croise les anges et le diable comme nous nos voisins... C'est aussi une réflexion sur l'« utilité » des moines dans le monde contemporain (…). Puisse ce livre toucher un public plus large que celui des seuls croyants car le monde a besoin du rayonnement monastique. Dom Michel l'affirme avec force : « Nous avons conscience d'être tranquillement subversifs. Contre une société de consommation qui abreuve les gens de hochets, nous avons fait le choix de la pauvreté évangélique. Contre la course au profit, nous nous efforçons de vivre la gratuité. Contre une civilisation du plaisir à outrance, nous choisissons la chasteté. Dans une société qui oblige chacun à choisir sa propre loi et conteste toute forme d'autorité, nous vivons l'obéissance. Contre une société en mouvement permanent, pour ne pas dire en dérive, nous vouons la stabilité ». (…)

Extrait de "A quoi servent les moines ? Dialogue entre un jeune homme et un homme de Dieu", Bourin Editeur, 14 avril 2011.

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