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L'analyse fine des résultats de Brignoles laisse augurer une poussée frontiste aux rendez-vous électoraux
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Prendre son élan

La victoire du Front national dans le canton de Brignoles constitue un événement d’importance qu’on aurait tort de banaliser, et ce pour plusieurs raisons.

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Le FN est implanté de longue date dans le canton de Brignoles. Lors des cantonales de 2011, il avait d’ailleurs été l’un des deux seuls cantons remportés par le parti lepéniste (avec le canton de Cavaillon dans le Vaucluse) avec 50 % des suffrages exprimés. Au regard du faible écart en nombre de voix, cette élection fut annulée et une première cantonale partielle eut lieu à l’été 2012, cette fois ce fut le candidat communiste qui s’imposa mais de peu, le FN obtenant 49,9 % de voix. Et lors de l’élection présidentielle, Marine Le Pen enregistra un score de 28,4 % dans ce canton, soit 10 points de plus que sa moyenne nationale. La victoire du FN dimanche dans ce canton, certes des plus favorables, n’en constitue pas moins un événement d’importance qu’on aurait tort de banaliser et ce, pour plusieurs raisons.

A lire aussi notre article : Européennes : le FN n'a jamais été dans une telle position de force (et il n'y est pas forcément pour grand-chose)

Tout d’abord, cette victoire a été acquise en duel ce qui implique que le FN a pu franchir seul la barre des 50 % des suffrages exprimés alors que les deux victoires obtenues aux législatives l’ont été dans le cadre de triangulaires sans que Gilbert Collard ou Marion Maréchal Le Pen n’aient atteint le seuil de 50 %. Par ailleurs, le niveau enregistré à Brignoles peut certes apparaître assez proche de celui obtenu précédemment dans ce canton (53,9 % dimanche contre 49,9 % en 2012 et 50 % en 2011) mais il a été atteint face à l’UMP et non pas face à un candidat communiste, ce qui démontre une nouvelle fois la capacité du FN à progresser significativement face à la gauche comme face à la droite.

De surcroît, la hausse de la participation dans l’entre-deux tours (+ 12 points) avait laissé penser à certains que la dynamique frontiste allait en pâtir, le candidat FN ayant fait le plein au premier tour (avec 40 % des voix). Or en dépit (ou à cause) de cette forte hausse de la participation, le FN a vu son score croître très significativement au second tour. Il a gagné en une semaine plus de 2300 électeurs face à la droite soit la plus grosse progression entre les deux tours et le nombre de voix le plus élevé jamais atteint dans ce canton comme le montre le tableau ci-dessous.

Pour prendre conscience de la très forte poussée frontiste et de la capacité de ce mouvement à aller chercher de nouveaux électeurs, on peut comparer le nombre de voix obtenues au second tour de la partielle avec celui enregistré sur ce même territoire par Marine Le Pen, nombre qui peut faire figure de « plafond » au regard du résultat de Marine Le Pen à la présidentielle (18 % au plan national, un niveau jamais atteint jusqu’ici) et du fort taux de participation. Or, comme lors de l’élection législative partielle de Villeneuve-sur-Lot, le candidat FN a recueilli dimanche davantage de voix que Marine Le Pen en 2012 dans le canton de Brignoles.

La poussée observée dans la seconde circonscription de l’Oise en mars dernier avait déjà fortement impressionné mais la candidate FN n’était pas parvenue au second tour à « faire le plein » des voix marinistes. L’élection partielle de Villeneuve-sur-Lot a, de ce point de vue, constitué un tournant. Le fait, qu’après le précédent de la troisième circonscription du Lot-et-Garonne, le candidat frontiste à Brignoles parvienne lui aussi à enfoncer ce plafond démontre une très puissante mobilisation de l’électorat lepéniste dans la période actuelle, mais aussi une capacité d’attraction de nouveaux électeurs (on notera, à titre de comparaison, que la candidate UMP a rassemblé au second tour 4031 voix, soit 733 de moins que Nicolas Sarkozy au premier tour de la présidentielle dans ce canton).

L’origine de ces nouveaux électeurs et de la dynamique de l’entre-deux tours est apparemment assez composite. En effet, comme on peut le voir sur le tableau suivant, il n’y a pas de lien évident entre la hausse de la participation au second tour et l’évolution du score du FN. Si les communes de La Celle et de Camps la Source combinent les plus fortes hausses du vote FN avec de relativement faibles augmentations de participation entre les deux tours, la commune voisine de Tourves a vu le FN bien progresser au second tour (+15,2 points) dans un contexte de très forte hausse du nombre de votants (+54,6 %).

Par ailleurs, si les communes de Vins-sur-Caramy et du Val présentent parmi les plus forts niveaux de vote à gauche au premier tour et les plus faibles progressions du FN au second tour, ce qui laisse penser que le front républicain y aurait bien fonctionné, la correspondance ne se vérifie plus concernant Brignoles avec le plus faible niveau de vote à gauche au premier tour et une progression également assez faible du FN.

La comparaison avec les scores du second tour de la précédente cantonale partielle organisée en juillet 2012 illustre bien la plasticité du vote frontiste. Opposé à l’époque à Claude Gilardo, maire communiste de Brignoles, le candidat FN avait obtenu ses moins bons résultats dans les deux communes les plus à gauche du canton : Vins-sur-Caramy et Tourves. Or c’est précisément dans ces deux communes de gauche, face désormais à une candidate de l’UMP, qu’il a enregistré les plus importantes progressions (+15 et +8 points) et a donc vraisemblablement bénéficié de voix venant de la gauche. Inversement, dans les très droitières La Celle et Camps la Source1, où le FN avait « fait le plein » face au candidat communiste en 2012, l’évolution en pourcentage est soit très faible soit même négative, même si au total le FN progresse quand même en nombre de voix dans ces deux communes. Tout se passe donc comme si le parti frontiste avait conservé ses soutiens dans l’électorat de droite (acquis lors du duel face au PC) tout en captant désormais une frange de l’électorat de gauche dans le cadre d’un duel contre l’UMP.

Si ce scrutin ne reste qu’une élection partielle dans un canton très favorable, cette propension d’un candidat lepéniste assez peu connu (le candidat « historique » Jean-Paul Dispard s’étant présenté en dissident) à mobiliser un volume d’électeurs supérieur à l’étiage de la présidentielle en allant les chercher dans tous les compartiments de l’échiquier politique comme parmi les abstentionnistes laisse augurer une forte poussée frontiste lors des prochains rendez-vous électoraux.

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