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Arbitrages budgétaires 2014 : la grogne monte au Parlement contre un gouvernement incapable de trancher
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P'tèt ben qu'oui, p'tèt ben qu'non

Le débat parlementaire sur le budget 2014 a commencé hier mardi à l'Assemblée nationale dans un climat tendu, les députés socialistes n'ayant que très peu de marge de manœuvre.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Est-ce le climat politique ambiant particulièrement tendu ces jours-ci ou parce que le gouvernement ne sait plus comment gérer le ras-le-bol fiscal ? En tous cas, on a rarement vu pareille zizanie à l’Assemblée au début d’une discussion budgétaire.

Personne n’est d’accord sur rien, ni sur les réductions de dépenses annoncées ( officiellement 15 milliards d’euros mais moins d’un milliard et demi d’après l’opposition, qui parle de budget "insincère" ), ni sur le montant des augmentations d’impôts prévues pour l’année prochaine ( une "paille" de trois milliards d’après les voix gouvernementales, le "matraquage fiscal" qui continue pour la droite et le Front de Gauche ). Et, pour compléter le tableau, Pierre Moscovici, le ministre de l’Economie et Bernard Cazeneuve, le ministre du Budget, sont en froid depuis "l’affaire" de la taxe sur l’EBE ( Excédent Brut d’Exploitation ), ce qui ne facilite pas les arbitrages.

Petit rappel : les services de Bercy avaient sorti l’EBE du chapeau ( espérant faire tomber quelque deux milliards et demi d’euros supplémentaires dans les caisses de l’Etat pour réduire le déficit ), alors que François Hollande tentait de calmer "le ras-le-bol fiscal" en décrétant une pause. Ce qui s’avérait impossible, car on ne modifie pas l’architecture d’un budget de manière significative en septembre, les grands arbitrages étant faits entre juin et la fin de l’été. La confusion a atteint son comble lorsque Jean-Marc Ayrault a renvoyé la pause à plus tard, le projet d’instaurer cet EBE venant brouiller encore un peu plus le message gouvernemental.

Il faut dire que d’un point de vue arithmétique, cette taxe sur l’EBE, véritable machin technocratique, aurait été bienvenue pour les caisses de l’Etat. Mais elle est morte née sous les hurlements des chefs d’entreprises qui sont sortis de leurs gonds. La rumeur dit que Bernard Cazeneuve reproche à son ministre de tutelle de ne pas l’avoir suffisamment mis en garde contre le danger de cette nouvelle disposition. Dans le camp Moscovici, on laisse entendre que le ministre du Budget était prêt à l’accepter en dépit des mises en garde ( contrairement à son prédécesseur, Jérôme Cahuzac qui, lui, n’en voulait pas ). "C’est la prime de naïveté du ministre qui arrive", commente ironiquement un spécialiste. Le bizutage de Bercy en somme ! L’effet produit par cet aller-retour a été désastreux et a contribué à accentuer l’image d’un gouvernement indécis sur les décisions pertinentes à prendre !

En fait, la marge de manœuvre du Parlement sera faible comme toujours, mais encore un peu plus cette année; car le gendarme bruxellois veille ! Toute dépense nouvelle doit théoriquement être compensée par une économie ou une nouvelle taxe. Voilà qui ne peut satisfaire en même temps des députés qui relayent le mécontentement de leurs électeurs et qui réclament des mesures significatives en faveur du pouvoir d’achat, et des chefs d’entreprises qui hurlent à l’étranglement  financier et menacent de se délocaliser ou de licencier. Les députés PS opposent les 15 milliards octroyés aux entreprises sous forme de Crédit Emploi Recherche et de Crédit Compétitivité Emploi aux cinq "petits milliards" dégagés pour le pouvoir d’achat. Ils ont obtenu le maintien de la décote en faveur des frais de scolarité, le relèvement du niveau fiscal de référence. Maigre consolation. D’où une multiplication d’offensives théoriquement vouées à l’échec.

La dernière s’est déroulée hier matin à la réunion du groupe PS. Les députés socialistes étaient appelés à se prononcer sur le sort à réserver à un amendement tendant à réduire le Crédit Impôt Recherche (en le modulant, selon qu’il concernerait la holding ou les filiales d’une entreprise), déposé par Karine Berger et Valérie Rabaut. Sur le papier, l’idée était tentante et séduisait nombre d’entre eux. Mais la contre-offensive avait été préparée. François Brottes, le président des affaires économiques, avait pris les devants en envoyant une lettre à ses collègues pour les convaincre de ne pas voter en faveur de cet amendement jugé néfaste. Hier, c’est une élue de l’Hérault, brillante ancienne chercheuse, Marie-Yvonne le Dain, Docteur en Sciences de la terre, ancienne directrice du CIRAD ( Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement ), qui est montée au créneau pour vanter, à la lumière de son expérience, l’atout que représente la présence des Centres de Recherche des grandes entreprises en France et pour souligner qu’il convient de ne pas changer brutalement la règle du jeu dans un domaine aussi sensible. Elle a été entendue ; l’amendement a été rejeté, prélude au vote en séance publique.

Quant au Crédit Impôt compétitivité auquel on reproche de profiter à des entreprises qui n’en ont pas besoin, (notamment la Poste et la grande distribution), en dépit des attaques, il devrait lui aussi être reconduit en l’état mais sera certainement réévalué…plus tard .

Concernant le maintien du taux de TVA à 7% pour les transports, ( au lieu des 10% prévus ), et quelques autres mesures "visibles" telles que la baisse d’un demi point de la TVA pour les produits de première nécessité, elles vont, sauf coup de théâtre, rester dans les cartons, réduction des déficits oblige.

Les députés de l’aile gauche du PS en sont donc réduits à masquer leur impuissance par une série de tentatives vouées à l’échec. Et face à la grogne populaire contre l’impôt, le gouvernement ne sait pas comment ajuster son discours, entre volonté de ne pas "pénaliser les entreprises créatrices d’emplois" et soutien aux plus modestes, ce qui laisse la part belle à la droite et au Front de Gauche pour dénoncer les hausses d’impôts et les fausses économies.       

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