Le volontarisme affiché est-il le principal ascenseur pour la popularité en politique ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Manuel Valls a gagné 24 points de popularité à droite.
Manuel Valls a gagné 24 points de popularité à droite.
©Reuters/Charles Platiau

Hyperactif

Une enquête Ipsos pour Le Point révèle que s'il a perdu 15 points de popularité à gauche, Manuel Valls en a gagné 24 à droite devenant ainsi la troisième personnalité politique préférée des sympathisants UMP. Il récolte ainsi les fruits de son volontarisme affiché.

Philippe Braud

Philippe Braud

Philippe Braud est un politologue français, spécialiste de sociologie politique. Il est Visiting Professor à l'Université de Princeton et professeur émérite à Sciences-Po Paris.

Il est notamment l'auteur de Petit traité des émotions, sentiments et passions politiques, (Armand Colin, 2007) et du Dictionnaire de de Gaulle (Le grand livre du mois, 2006).

 

Voir la bio »

Atlantico : Selon la dernière enquête Ipsos réalisée pour Le Point  la popularité de Manuel Valls est en hausse de 8 points par rapport à septembre dernier avec 56% d'opinions favorables. La popularité de Manuel Valls est encore plus forte à droite qu'à gauche.  En effet, en deux mois, le ministre a perdu 15 points chez les sympathisants PS pour atteindre son plus bas historique (57 % de bonnes opinions) tandis que chez les sympathisants UMP, il gagne 24 points. Ce succès auprès des sympathisants de droite est-il lié à son volontarisme affiché ?

Philippe Braud : Il est toujours difficile de faire la part de la forme et du fond dans le succès (ou l’échec) d’une rhétorique politique, même s’il est certain que l’une et l’autre importent. Dans quelles proportions variables ? De piètres orateurs ont bénéficié d’un véritable charisme (Robespierre), de même que des politiciens au volontarisme purement verbal (Boulanger).

Dans le cas de Manuel Valls, ses gains de popularité sont de toute évidence liés au fait qu’il surfe sur des attentes profondément ancrées dans l’opinion publique, notamment à droite, mais aussi, plus clandestinement, à gauche (la gauche populaire). Sur le terrain de la sécurité, les résultats ne viennent pas nécessairement confirmer les déclarations martiales ou la détermination affichée d’atteindre des objectifs ambitieux. Cet écart est à la fois la raison pour laquelle les postures importent beaucoup, au moins dans le court et le moyen terme, tandis qu’à long terme, il constitue un facteur potentiel de fragilisation. Il est vrai que les Français sont volontiers oublieux des succès ou des échecs sur le terrain de leurs représentants, et davantage portés à « clicher » prématurément leurs impressions sur une personnalité : énergique ou pas, compétente ou pas, proche des gens ou pas, et cela en fonction de son mode de présence sur la scène médiatique.

Nicolas Sarkozy avait également construit une grande part de sa popularité sur son volontarisme affiché. Alors que la crise et la mondialisation semblent parfois limiter les pouvoirs des dirigeants, le volontarisme l'emporte-t-il sur toute autre considération pour expliquer la popularité des hommes politiques ?

Il est des domaines où la marge de manœuvre des responsables politiques est étroitement limitée par les contraintes économiques et internationales. Il en est aussi où cette marge de manœuvre est plus large : c’est le cas des politiques de lutte contre la criminalité. Un ministre des Finances volontariste ? Presque impensable. Un ministre de l’Éducation nationale ambitieux ? Toujours dangereux (pour lui). Incontestablement, la popularité de Nicolas Sarkozy s’est construite sur son volontarisme affiché mais cela est aussi la raison pour laquelle s’est développée une sarkophobie puissante, parfois frénétique d’ailleurs, qui constitue pour lui un lourd handicap au cas où il reviendrait sur le devant de la scène, car elle ne manquerait pas de se réveiller. Au fond, la culture politique française est traversée par une contradiction majeure : elle favorise dans l’opinion publique l’attente d’ « hommes forts » qui pour cette raison, deviendront rapidement la cible de critiques convergentes, fondées ou non, à raison même de leur sur-exposition médiatique.

Cette attente est-elle encore plus importante chez les sympathisants de droite ? Est-ce lié à leur culture bonapartiste ?

Oui certainement. La « culture bonapartiste » est présente à l’extrême droite et à droite (mais ce n’est pas toute la droite). Il ne faut pas oublier non plus que cette culture est également présente dans une fraction de la gauche, celle qui jadis adhérait au culte de la personnalité (communiste) ou au jacobinisme de type chevènementiste. Mais, bien sûr, en rejetant le label.

A l'inverse, l'effondrement de François Hollandeest-il lié au fait qu'il dégage une certaine impuissance ?

Cette image ou, pour parler comme certains politistes, ce « profil symbolique » qui lui est désormais si fortement attaché, joue un grand rôle dans son impopularité. Il vaudrait mieux pour lui qu’il passe pour « énergique » plutôt que « conciliant », « décidé » plutôt que « hésitant ».  Cette sédimentation autour de sa personne de qualificatifs qui ne sont pas politiquement porteurs (un euphémisme !) nuit gravement à son autorité. Y compris sur son propre camp.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !