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Édito - Les boursiers euphoriques dans la perspective d’un accord américain sur le budget
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L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

Tous les marchés financiers ont terminé dans l’euphorie hier soir, persuadés que l’Amérique allait réussir à sortir du blocage budgétaire. Cette hypothèse est la plus probable mais les raisons qui la rendent plausible ne sont pas forcément celles qu'on croit. La vérité est assez étonnante, voir inquiétante.

Si les marchés ne pensent à rien d'autre qu'aux États-Unis, ils encaissent toutefois plutôt bien cette crise politique qui dure depuis bientôt deux semaines. Les marchés sont globalement optimistes sur une résolution de la situation, même si elle intervient au dernier moment estiment les responsables de marché. Les enjeux sont tels qu'il y aura forcément un accord au dernier moment. Le temps presse, c’est le 17 octobre. Dans trois jours le trésor ne pourra plus faire face à ses engagements jusqu’à la fin du mois. A ce moment-là, non seulement les services publics ne pourront toujours pas fonctionner, mais la machine américaine à fabriquer du crédit risque de se figer. 

Comme à l’époque de Lehman Brothers, la confiance dans le crédit américain va se fissurer. Le défaut de paiement, c’est-à-dire la difficulté à honorer une dette, va entamer l’image de solidité et de solvabilité de l’Amérique. Du coup, cela va casser complètement la machine économique mondiale. C’est de ce phénomène systémique dont les investisseurs ont eu peur. Aujourd’hui, ils considèrent que ça serait tellement grave que ça n’est pas imaginable. Christine Lagarde du FMI tenait exactement le même raisonnement.

Le climat a changé aujourd’hui, du tout au tout. La rumeur de Washington disait que le président Obama allait recevoir les chefs du parti républicain pour entamer avec eux une négociation. Le président américain demande aux républicains de voter un relèvement du plafond de la dette moyennant quoi, la tempête passera. Les républicains de leur côté exigent une révision à la baisse du programme de dépenses sociales, sur la santé notamment. Personne ne veut céder. Obama parce que la réforme sociale était au cœur de son élection. Les républicains parce qu'ils cherchent des baisses d’impôts pour soutenir la machine économique.

La fracture politique est très nette. Des sociaux-démocrates qui croient à la redistribution de revenus face à des libéraux qui pensent qu’il faut tout faire pour libérer l’initiative privée. Le débat est passionnant mais on ne voit pas la question trouver une solution avant le 17 octobre. Cependant, ni les démocrates, ni les républicains ont intérêt à pousser leur arguments jusqu’à démolir l’économie américaine. Le fait nouveau, ce week-end c’est l’intervention discrète mais ferme des pays émergents. Le Brésil, l’Inde ont expliqué lors des assemblées générales du FMI toutes les difficultés qu’ils allaient encourir si la machine américaine s’arrête. Ils ont eu peur en 2008 et 2009. Pas question de retomber dans la récession parce que leur principal client ferait défaut. Mieux vaudrait l’aider et lui ouvrir de nouvelles lignes de crédit.

La Chine et le Japon, qui ont les pays qui ont les plus grosses lignes de crédit sur les États-Unis, se sont carrément fâchés. Non, ils ne tiennent pas à ce que leur client américain s’essouffle parce que dans ce cas leurs usines se refroidiraient et la classe ouvrières se retrouverait au chômage technique. Les autorités chinoises expliquent aux occidentaux qu’avec moins de 7% de croissance ils sont en risque de Tian'anmen. Or, des manifestations de ce type, ils ne savent pas gérer devant des caméras de télévision ou des Twitter qui relaient le mécontentement à la vitesse de la lumière. D’autre part, les US ne sont pas seulement des clients de la Chine. Près de 30% des excédents chinois et japonais sont recyclés aux USA. Si le système financier américain faisait faillite, c’est tout l’Asie qui se retrouverait en défaut.

Les autorités chinoises et les autorités japonaises seraient donc intervenues auprès du président Obama. L’argument fort étant qu'ils n’accepteraient pas que la planète toute entière bascule dans le chaos parce que des politiciens américains ne réussissent pas à s’entendre sur le montant de l’assurance santé. En plus, l’assurance santé, les Chinois et les Indiens ne s’en préoccupent guère pour l’instant.
Les Chinois comme les Japonais ont parfaitement les moyens de répondre à une telle menace. Pas de crédit, pas d’argent et plus de dollars. Or, les américains ont besoin de crédit, c’est leur oxygène, donc ils ont besoin d’un dollar accepté comme monnaie d’échange et de réserve partout dans le monde. Si cette crise se résout dans un compromis, il faudra en tirer deux leçons.

La première, c’est que le mécanisme de shutdown s’avère utile pour obliger les partis politiques à trouver des compromis acceptables. Cette règle américaine a été instituée pour éviter d’insulter l’avenir et obliger les politiques à prendre leurs responsabilités. Il y a beaucoup de pays qui ne s’embarrassent pas de savoir qui paiera demain le coût des décisions qu'ils prennent aujourd’hui.

La deuxième leçon, c’est que dans la mondialisation, la responsabilité politique d’un état, va au-delà de ses frontières. Si les enjeux économiques, sociaux, militaires sont importants, les petits clivages politiques intérieurs tombent au profit d’un intérêt international.

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