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Budget 2014 : encore du rififi sur la généralisation de la complémentaire santé
©MARC LE CHELARD / AFP

C'est r'parti pour un tour

Marisol Touraine annonce le rétablissement des "clauses de désignation" annulées par le Conseil Constitutionnel.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Voici une affaire à 30 milliards d'euros qui semble totalement opaque aux Français, mais qui agite fortement les milieux concernés par la généralisation de la complémentaire santé.

Commençons par un petit rappel : un septième de la dépense de santé en France (15% du total donc) est pris en charge par des assureurs complémentaires, qui relèvent de plusieurs statuts.

Source: GEMA, eric-verhaeghe.fr

Les mutuelles relevant du Code de la Mutualité, dites "mutuelles 45″, assurent aujourd’hui 56% du marché de la complémentaire santé. Les grands noms de cette catégorie sont la MGEN, Harmonie, la LMDE. Elles sont globalement spécialisées dans l’assurance individuelle : celle que remet largement en cause la généralisation complémentaire santé par accord d’entreprise ou de branche.

Les assureurs privés (en réalité les compagnies d’assurance) assurent 27% du marché. Ils relèvent du Code des Assurances. Les grands de ce secteur sont Axa, Allianz, Generali, Groupama. Eventuellement, et même très souvent, leurs contrats sont distribués par des intermédiaires comme les courtiers ou les agents généraux d’assurance. Il faut toutefois noter que les assureurs couvrent à la fois le secteur de la complémentaire santé d’entreprise, et celui de la complémentaire individuelle.

Les institutions de prévoyance assurent le reste. Elles relèvent du Code de la Sécurité Sociale et ont une gouvernance paritaire. Elles sont globalement (mais sans exclusive) spécialisées dans la complémentaire de branche, notamment à travers les mécanismes dits de désignation, c’est-à-dire d’attribution de l’ensemble du marché d’une branche à un seul assureur, qui est d’ordinaire une institution de prévoyance.

Globalement, 20% des branches professionnelles sont couvertes par un accord de désignation.

Lorsque les partenaires sociaux ont décidé de généraliser la complémentaire santé, très vite s’est posée la question des modalités de cette généralisation. Dès lors que tous les salariés devaient être assurés dans le cadre de leur contrat de travail, sans "chèque santé", mais par accord collectif, il était évident que les mutuelles 45 seraient les premières victimes de la mesure, puisqu’elles fournissent essentiellement des contrats individuels.

Restait en suspens la question des modalités de mise en oeuvre : par accord de branche ou d’entreprise ? Cette question, en apparence technique, et longtemps négligée par le gouvernement, s’est pourtant imposée comme une question cruciale dans ce dossier.

Deux raisons l’expliquent. D’abord, les bénéficiaires de la mesure ne sont pas les mêmes. Dans un cas, ce sont les institutions de prévoyance, qui financent souvent les organisations syndicales, qui profitent de cette nouvelle obligation d’assurance, dans l’autre, ce sont les compagnies d’assurance. Ensuite, la marge de manoeuvre de l’entreprise n’est pas du tout la même. Dans un cas, l’entreprise doit juste appliquer un contrat dont elle n’a négocié ni le bénéficiaire, ni le contenu, ni le tarif. Dans l’autre, elle dispose de marges de manoeuvre sur au moins l’un de ces critères.

Un long flottement a régné sur la résolution finale de ces questions. Longtemps, le gouvernement a privilégié le recours aux accords de branche, quand les partenaires sociaux, au terme d’une longue négociation dont une grande part s’est déroulée au sein même du mouvement patronal, ont préféré une formule laissant beaucoup plus de place aux accords d’entreprise.

Le 29 mars 2013, l’Autorité de la Concurrence, saisie par une association comportant notamment des intermédiaires d’assurance, s’est clairement exprimée contre la solution retenue par le gouvernement. Malgré tout, celui-ci s’est montré inflexible et a continué à favoriser les désignations de branche. Ce qui l’a exposé à la censure du Conseil Constitutionnel qui, par une décision du 13 juin, a annulé les dispositions de l’article L 912-1 du Code de la Sécurité Sociale encadrant (de façon très lâche) les désignations de branche, au nom de la liberté d’entreprendre.

Le dossier en est resté là à ce stade. L’annulation du L 912-1 reste toutefois un compromis inconfortable, dans la mesure où plus personne ne sait quelle règle encadre les désignations déjà pratiquées.

Il semblerait que la loi de financement de la sécurité sociale propose une nouvelle rédaction du L 912-1, rendant compatible une forme plus ou moins large de désignation de branche avec la Constitution.

Un débat à suivre de près, car il risque de raviver des tensions fortes sur un sujet à la mode : la liberté de l’entreprise.

*Cet article a précédemment été publié sur le blog d'Eric Verhaeghe

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