Hajj : qui sont les Français qui vont en pèlerinage à la Mecque ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La Mecque, le 10 octobre 2013
La Mecque, le 10 octobre 2013
©Reuters

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Des centaines de milliers de pèlerins ont commencé à affluer à la Mecque ce week-end pour le lancement du Hajj, le pèlerinage musulman annuel en Arabie Saoudite. Mais qui sont donc les Français qui affluent vers la Kaaba ? Présentation du nouveau profil des pèlerins.

Omar Saghi

Omar Saghi

Politologue et écrivain, auteur de plusieurs ouvrages dont Figures de l'engagement (2003), Al Qaïda dans le texte (avec Gilles Kepel, 2005), Paris-La Mecque (2010), Omar Saghi est le commissaire de l'exposition "Hajj", co-production franco-saoudienne, qui ouvrira à l'Institut du Monde Arabe à Paris en avril prochain.

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Atlantico : Le Hajj, pèlerinage annuel en Arabie Saoudite débute dimanche. Deux millions de pèlerins sont attendus à La Mecque, dans le lot les musulmans français: mais qui et combien sont-il ? Quels est le profil des pèlerins français ?

Omar Saghi : Les Saoudiens établissent un quota officiel de pèlerins pour certains pays (1000 visas par million de croyants) . Mais les Européens, comme les habitants du pays du Golfe, sont hors cotas. Il n'y a pas, en effet, d'importantes populations européennes et musulmanes qui pourraient créer des afflux massifs qui désorganiserait le pèlerinage. Nous n'avons donc pas de données chiffrées précises mais on peut compter environs 30 000 pèlerins français. Concernant le profil: pendant longtemps le pèlerinage à la Mecque reflétait la migration magrébine de la France (des ouvriers notamment) puis dans les années 1990 on a vu émerger de nouveaux profils qui sont dû à l'établissement de communautés musulmanes en France (seconde et troisième génération). Ils viennent de secteur d'activité très différents, ce ne sont plus des ouvriers ou des retraités. On a vu également une féminisation beaucoup plus importante et les pèlerins sont plus jeunes. Aujourd'hui, on estime que l' on est presque à parité entre homme et femmes et une grande partie des pèlerins sont des actifs parfois très jeune. Ce nouveau profil est étonnant, il déstabilise l'image traditionnelle que l'on avait du pèlerin et qui est une véritable construction historique. Le pèlerinage autrefois demandait du temps, beaucoup d'argent, et on l'associait au troisième âge, avec l'idée que l'individu avait sa vie derrière soi. Ces nouvelles pratiques déstabilisent la sociologie du pèlerinage mais pas la religion qui ne précise pas de norme d'âge, il faut seulement être majeur pour l'entreprendre. On peut voir également une nouvelle bourgeoisie islamisée faire ce pèlerinage, de jeunes actifs qui prennent leurs vacances pour y participer. Finalement, le pèlerinage devient une consommation rationnelle dans un temps très limitée, ce n'est plus une espérance eschatologique fantasmée. Dans ces nouvelles classes moyennes, on voit souvent de jeunes couples se rendre ensemble à la Mecque, mais aussi des groupes de proximité (voisins, amis, famille). Mais la plupart du temps, ces groupes sont constitués par les agences de voyages.

Existe-t-il en France un business voyage religieux, proposant exclusivement des voyages pour la Mecque ? Comment s'organise-t-il ?

Jusqu'aux années 1990-2000, les agences qui proposaient le voyage pour la Mecque, étaient spécialistes des voyages Maghreb-France, elles profitaient donc d'une clientèle maghrébine qu'elle connaissait. Mais les choses sont en train de changer il y une professionnalisation de ce business. Les autorités saoudiennes ont des exigences plus professionnalisation envers les agences. Il y a donc des constitutions de grands groupes. De plus, il y a l'émergence de nouveaux profils, des personnes qui ne sont pas forcément maghrébines et qui constituent une nouvelle cible pour ces agences. Les pèlerins eux-mêmes ont des propensions à revenir souvent au pèlerinage, on ne le fait plus qu'une seule fois dans une vie, ce voyage se banalise, les prix baissent, la durée du pèlerinage aussi. Les Égyptiens ont d'ailleurs une formule de "Quick Hajj", un pèlerinage qui dure moins d'une semaine. La prestation des services des agences est donc devenue importante.Mais si aujourd'hui quelques grandes agences se développent, il n y a pas encore de monopole. Aujourd'hui les formules se multiplient, on peut proposer des formules combinées, souvent de tourisme. Mais pour le moment les visas de pèlerinage sont limités aux villes saintes. Les Saoudiens ont eu la crainte d'une voie d’accès clandestine, qui concerne plutôt les pays d'Asie. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui le pèlerinage est au croisement du religieux, du politique, de l'économie étatique, du migratoire...

Le voyage s'organise comme suit: le principal point de chute est Djeddah, qui était déjà le grand port de la Mecque. Aujourd'hui c'est un grand hub qui accueille tous les jours des milliers de pèlerins. Quelques pèlerins commencent par visiter Médine, la ville du prophète, mais l’essentiel du trafic va vers la Mecque. Avant d'entrer dans la Mecque, les pèlerins doivent se mettre en état de sacralisation, ils revêtent l'habit blanc pour les hommes par exemple. Ils le font principalement dans l'avion puis prennent des bus qui les emmènent à la Mecque, à 60 km de Djeddah.

Existe-t-il une pratique française du pèlerinage, qui représente à la fois l’identité musulmane et française ?

On voit émerger en France des pratiques qui sont à l'avant-garde des pays musulmans, notamment parce qu'ils participent au changement sociologique du pèlerinage. Mais en termes de religion,les pratiques religieuses sont codifiées par les Saoudiens. Il y a des différences de rituels minimes, notamment entre sunnites et chiites, mais qui restent très limitées. Les grandes différences restent les différences sociologiques (temps du hajj, rajeunissement) et qui déterminent vraiment l'identité européenne dans le hajj.

Propos recueillis par Clémence Guinard

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