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L'accord signé entre la banque de Chine et la BCE peut-il changer la donne ?
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Stratégie

La Banque centrale européenne (BCE) et la Banque populaire de Chine ont annoncé jeudi 10 octobre la mise en place d'une ligne de swap de devises afin de faciliter les transactions en yuans entre la zone euro et la République populaire.

André Fourçans

André Fourçans

André Fourçans est professeur d'économie à l'Essec. Il a aussi enseigné dans deux universités américaines ainsi qu’à l’Institut d’études politiques de Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation économique dont Les secrets de la prospérité - l’économie expliquée à ma fille 2, Seuil, 2011.

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Atlantico : La Banque centrale européenne (BCE) a signé un accord d'échange de devises avec la banque centrale chinoise pour un montant de 45 milliards d'euros, d'une durée de trois ans, pour faciliter les transactions commerciales. De quoi s’agit-il exactement et pourquoi c’est important ? 

André Fourçans : Ce genre d’accords entre Banques centrales est assez courant au plan international. C’est moins commun avec la Banque centrale chinoise qui appartient à un pays dont le système financier et monétaire est pour beaucoup contrôlé par les autorités, jalouses qu’elles sont de leur pouvoirs financiers. En d’autres termes, la monnaie chinoise (le renminbi, RMB, ou yuan) n’est pas échangée librement sur le marché des changes contre les autres devises. L’accord entre la BCE et la Chine permettra donc aux économies de la zone euro (dont la France) d’effectuer des échanges commerciaux avec plus de facilités. L’obtention des devises (des yuans pour l’Europe, des euros pour la Chine), auprès des banques centrales respectives, par l’intermédiaire des banques commerciales, sera plus accessible, notamment en raison de coûts associés aux transferts des monnaies moins élevés, et, on peut le supposer, avec un risque de change moindre. Donc l’accord est une bonne chose en soi. Est-il susceptible de changer fondamentalement la donne pour les entreprises ? Le doute est permis tant les relations commerciales dépendent de multiples facteurs autres que ceux du financement (prix, qualité, réseaux commerciaux, etc.). Mais ce qui est pris est pris.

Cet accord va-t-il faciliter le commerce et les investissements entre les deux régions économiques ? Comment ?

Comme je viens de le dire, oui l’accord est susceptible de faciliter le commerce et les investissements. Mais il ne faut pas rêver et en déduire que les relations financières et économiques entre la zone euro (et la France) et la Chine vont rentrer dans une période d’euphorie. Actuellement, un peu plus de 10 000 entreprises françaises exportent en Chine, pour beaucoup des PME puisque les grands groupes ne représentent que 5% de ce total. Et pourtant ces derniers effectuent les deux tiers des exportations vers la Chine. Est-il certain que ces groupes seront véritablement boostés par l’accord, et donc que le total des transactions en sera fortement influencé, du moins à court terme ?

Les problèmes liés au protectionnisme des différents pays, surtout le protectionnisme chinois, ne seront pas a priori non plus changés par l’accord. Et même au plan des échanges de devises, il convient de rappeler que, aujourd’hui, seulement environ 20% des échanges France-Chine sont effectués en RMD, le reste l’est en euros ou en dollars. Et on peut penser que ce n’est pas en raison de l’existence de ce nouvel accord que le financement en yuan va soudainement atteindre des sommets. Mais, je le répète, il mettra un peu d’huile dans les rouages.

Quelle va être la place du yuan dans les transactions internationales ? La Chine est-elle en train de préparer le terrain pour accéder à la première place économique ? 

De nos jours la place du yuan dans les relations commerciales et  financières internationales est réduite. Le RMB ne représente que la douzième devise de facturation au monde. Si la Chine fait des efforts pour promouvoir sa monnaie dans les opérations commerciales, les transactions financières en RMB sont très faibles et accessibles aux non-chinois qu’à des conditions très restrictives. Et la faible convertibilité de la devise chinoise n’est pas faite pour inciter les opérateurs internationaux à détenir des actifs dans cette monnaie.

Pour que le yuan devienne une monnaie internationale significative, la Chine devrait effectuer des réformes profondes de son système financier (et même économique), notamment : accepter la liberté des échanges entre le RMB et les autres devises, libérer les taux sur les crédits, les dépôts et l’épargne ; développer les marchés obligataires. Le dollar et l’euro n’ont donc pas de souci à se faire en la matière pour un bon bout de temps.

Cet accord peut-il permettre à la France et la Chine d’être moins indépendantes du dollar ? Y a-t-il une remise en question de l’ascendance du dollar ?

Evidemment, je l’ai dit, l’accord va faciliter les échanges euros-yuans. Mais ne nous leurrons pas, ceci ne va pas bouleverser la donne financière et commerciale internationale ! Et puis, que signifie « être dépendant ou non du dollar » ? Nous menacerait-il dans nos échanges internationaux ? Il est au contraire un instrument qui sert de moyen d’échange, d’unité de compte et de réserve de valeur au plan mondial. En ce sens, il a tous les attributs indispensables à une monnaie internationale. Ce n’est pas demain la veille que le yuan remplira ces conditions et remplacera le dollar.

Propos recueillis par Karen Holcman

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