Le Medef veut créer 1 million d'emplois mais n'est pas sûr de savoir comment… voilà par où on pourrait commencer<!-- --> | Atlantico.fr
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Pierre Gattaz demande une baisse des charges des entreprises au gouvernement.
Pierre Gattaz demande une baisse des charges des entreprises au gouvernement.
©Reuters

Et le plein-emploi fut !

Le président du Medef a annoncé jeudi 10 octobre vouloir créer un million d'emplois sur cinq ans et a demandé pour cela au gouvernement de baisser les charges des entreprises. Mais dans une situation de crise, peu importe les charges, l'emploi ne se porte pas bien.

Jean-Charles Simon

Jean-Charles Simon

Jean-Charles Simon est économiste et entrepreneur. Chef économiste et directeur des affaires publiques et de la communication de Scor de 2010 à 2013, il a auparavent été successivement trader de produits dérivés, directeur des études du RPR, directeur de l'Afep et directeur général délégué du Medef. Actuellement, il est candidat à la présidence du Medef. 

Il a fondé et dirige depuis 2013 la société de statistiques et d'études économiques Stacian, dont le site de données en ligne stacian.com.

Il tient un blog : simonjeancharles.com et est présent sur Twitter : @smnjc

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Un million d’emplois en net sur cinq ans est un ordre de grandeur raisonnable. La France a perdu près de 500 000 emplois salariés en net dans le secteur marchand depuis cinq ans, tandis que la population active augmentait de près d’un million. Un million d’emplois supplémentaires dans le champ des entreprises privées permettrait ainsi de revenir à des niveaux plus acceptables.

Si j’ai bien compris, Pierre Gattaz demande une baisse des charges substantielle pour permettre une telle création d’emplois. Cette requête est bien légitime. Certains se plaindront que les patrons aient toujours l’obsession des charges. Mais ils ont hélas de bonnes raisons ! Les prélèvements sur les entreprises sont d’une ampleur sans équivalent hors de nos frontières, et ils sont d’autant plus dommageables qu’ils pèsent d’abord sur les facteurs de production : les cotisations sociales, bien sûr ; mais aussi des impôts sans rapport avec une capacité contributive, comme la CVAE et la CFE, qui ont remplacé la taxe professionnelle. Du coup, malgré un taux nominal d’impôt sur les sociétés inouï, son produit est plutôt modeste, car son assiette est atrophiée. Et pour les mêmes raisons, le taux de marge est très faible (28,5% au deuxième trimestre 2013 pour les sociétés non financières), à la fois en termes historiques et par rapport à nos voisins.

Mais l’approche proposée peut aussi surprendre. Par nature, sauf à avoir des croyances très étatistes, la création d’emplois à l’échelle d’un pays ne se décrète pas. Donc les promesses en la matière engagent surtout ceux qui y croient… Même si, divine surprise, la France abaissait radicalement les charges sur les entreprises, l’emploi ne se porterait pas bien en cas de nouvelle crise globale. A l’inverse, si la reprise progressive en zone euro se confirme, l’emploi va s’améliorer au cours des prochains trimestres. Dès lors, la création nette d’un million d’emplois en cinq ans, soit 200 000 par an, c’est bien, mais c’est un peu en-dessous du rythme de 2006-2007, et beaucoup moins qu’en 1999-2000. Sans rien faire, le scénario économique aujourd’hui privilégié pourrait ainsi nous amener vers l’objectif évoqué par Pierre Gattaz…

Enfin, sur le point essentiel de la baisse des charges, il ne suffit pas de dire qu’elle est nécessaire, il faut dire comment faire. Or, l’équation française n’a pas beaucoup de solutions, avec des niveaux record de dette, de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques. Je n’imagine pas une seconde que Pierre Gattaz puisse demander une baisse des prélèvements financée par du déficit. Et les transferts de prélèvements envisageables sont limités et ambivalents, toutes les grandes "assiettes" étant déjà très taxées (on le voit bien avec le financement du CICE ou le projet de TVA sociale de l’ancienne majorité). La seule piste crédible est donc une baisse massive des dépenses. Il ne faut pas se leurrer : on peut bien sûr faire mieux – et difficilement pire – s’agissant du fonctionnement de l’Etat ou des collectivités locales ; on peut aussi faire moins d’investissements publics ; mais le vrai sujet à la hauteur de nos enjeux de compétitivité, ce sont les dépenses sociales, qui pèsent plus de 32 % du PIB. Pour les diminuer fortement, pas d’autre choix que de privatiser une partie de la protection sociale publique. Mais sur ces questions, alors que patronat et syndicats décidaient début 2013 une hausse des cotisations Agirc-Arrco ou encore une complémentaire santé obligatoire, je ne suis pas certain que le Medef ait une ligne très claire…

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