Copé et Sarkozy face à la nouvelle ligne Fillon : vers une réunification idéologique de l'UMP ou un mega clash des ambitions ?<!-- --> | Atlantico.fr
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"La question de la droitisation n’existe qu’au plan tactique, car sur le plan idéologique, l’UMP est profondément unie."
"La question de la droitisation n’existe qu’au plan tactique, car sur le plan idéologique, l’UMP est profondément unie."
©Reuters

Petit meurtre entre amis

Après les déclarations fracassantes de François Fillon dans l'hebdomadaire Valeurs Actuelles, Jean-François Copé est l'invité de l'émission Des paroles et des actes ce jeudi sur France 2. Le président de l'UMP devrait tenter de répondre à la nouvelle ligne droitière de l'ancien Premier ministre.

Atlantico : Dans une interview à Valeurs Actuelles, François Fillon n'épargne pas l'ex-président et s'estime "mieux placé" que lui "pour l'emporter en 2017". La nouvelle posture plus offensive de François Fillon est-elle en train de raviver la guerre des chefs à l'UMP ? Quelles peuvent être les conséquences pour l'avenir du parti ?  

Geoffroy Lejeune est rédacteur en chef adjoint politique à Valeurs actuelles.
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Geoffroy Lejeune : Cette guerre des chefs n’a jamais vraiment été achevée, pour la simple et bonne raison qu’elle n’est pas tranchée ! Et elle durera tant qu’aucun des candidats en lice n’aura pris le pas sur ses adversaires… Les conséquences pour l’UMP sont simples : deux fronts devraient s’organiser, un autour de Fillon, qui risque d’apparaître plus seul qu’il ne l’était ces derniers mois, un autre autour de Sarkozy et Copé, qui ne se sont pas toujours appréciés, mais qui partagent la même ligne politique de droite décomplexée. L’un de ces deux fronts représentera la droite en 2017.

Thomas Guénolé : C’est quand il retourne dans l’opposition, après la défaite, qu’un grand parti de gouvernement connaît ses crises les plus graves. C’est parfaitement normal. C’est en effet dans l’opposition que les cartes sont rebattues entre les chefs de file possibles. C’est aussi dans l’opposition, pas quand le parti est au pouvoir, que l’évolution du rapport de forces, puis sa conclusion, accouchent d’une nouvelle équipe prête à gouverner, et de son programme de gouvernement. Bref, la compétition Fillon-Sarkozy est dans l’ordre des choses.

Enguerrand Delannoy & Maël de Calan : Notre capacité à nous autodétruire est fascinante : si les rivalités ont toujours fait partie de la politique, elles perdent tout leur sens quand elles oublient l’intérêt commun. En tant que tel, il n’y a rien de choquant à faire notre introspection, et à juger par exemple que nous aurions pu réduire beaucoup plus massivement la dépense publique, les déficits et les impôts. Cela peut même renforcer notre crédibilité que de le reconnaître ! Mais le contexte de telle ou telle déclaration, la manière dont elles sont formulées prennent évidemment le pas…

Il faut prendre conscience que nous ne construirons rien de bon en nous opposant les uns aux autres : nos "repositionnements" et autres luttes internes hérissent les Français et nourrissent leur détestation de la politique. Au final, l’UMP n’explosera pas sous le coup d’une nouvelle "guerre des chefs", mais elle peut mourir de faiblesse sous l’effet conjugué de la concurrence du FN et de l’UDI, de la multiplication des chapelles en son sein, et surtout du mépris des électeurs.

Si François Fillon se démarque sur la forme, sur le fond il semble se rapprocher de la ligne de droitisation voulue par Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy. Paradoxalement, est-on  finalement en train d'assister à une clarification idéologique au sein de l'UMP ? A terme, le positionnement actuel de l'ex-Premier ministre peut-il contribuer à unifier le parti ?

Geoffroy Lejeune : Le positionnement idéologique de Fillon est moins clair qu’il n’y paraît. A un journal, il regrette sa "maladresse" sur le vote pour "le moins sectaire" entre un candidat FN et PS au second tour d’une élection, à un autre (Valeurs Actuelles), il dit mettre Marine Le Pen sur le même plan que Mélenchon. Évidemment, son évolution prouve qu’il a compris que son électorat s’est déplacé sur sa droite, mais il ne semble pas déterminé à tenir ses positions dans la durée. Fillon avait une véritable occasion de déborder Copé sur sa droite, qu’il n’a pas véritablement saisie. Pour cette raison, les lignes "modérée" et "décomplexée" devraient continuer à s’affronter au sein de l’UMP.

Enguerrand Delannoy & Maël de Calan :La question de la droitisation n’existe qu’au plan tactique, car sur le plan idéologique, l’UMP est profondément unie ! Contrairement aux socialistes qui restent divisés entre des "modernes" qui acceptent le marché et la mondialisation, et des "anciens" à la recherche d’une "autre politique", il existe au sein de l’UMP un axe largement majoritaire – auquel appartiennent Jean-François Copé et François Fillon – en accord sur presque tous les sujets.

Nos différences viennent d’ailleurs : elles portent sur la manière de nous opposer au gouvernement, sur la manière de répondre à la montée du FN, sur la manière en général d’employer les quatre ans qui nous séparent de 2017. La ligne que la Boîte à idées défend est claire : une opposition sérieuse aux socialistes, des paroles rares et crédibles, un travail rigoureux pour élaborer un contrat de gouvernement. En somme, une opposition à l’allemande plutôt qu’à l’italienne.

Thomas Guénolé : "Droitisation", ça ne veut rien dire. Il y a quatre droites : libérale, gaulliste, moraliste, sécuritaire. De laquelle parle-t-on quand on dit qu’il y a "droitisation" ? Le terme "lepénisation" est plus approprié et plus clair. De fait, à force de déployer le discours de la droite sécuritaire, Jean-François Copé a pratiqué une lepénisation des idées à l’UMP, alors que lui-même, à l’origine, a très longtemps exprimé surtout les idées de la droite libérale. Plutôt qu’à une clarification, l’on assiste simplement à la préparation du nouveau cocktail d’idées de l’UMP. Comme toujours, 4 ingrédients : les droites libérale, gaulliste, moraliste, sécuritaire. Simplement, le dosage va changer d’ici 2017. Quant à savoir si la position de François Fillon peut unifier le parti : non, probablement pas, car environ la moitié des adhérents, qui avaient d’ailleurs voté Fillon pour élire le président de l’UMP en 2012, étaient alors opposés à la lepénisation et le sont toujours.

S'agit-il, selon vous, d'un véritable revirement idéologique de François Fillon ou d'une stratégie pour court-circuiter ces principaux concurrents ? Dans ce contexte, comment Jean-François Copé, qui sera l'invité ce jeudi de l'émission des Paroles et des actes, va-t-il être obligé de se repositionner ?

Geoffroy Lejeune : Ses récentes prises de position ressemblaient à de la tactique, mais il a aussi publié ses 34 mesures qui, elles, sont très ancrées à droite, avec, par exemple, la suppression du droit du sol ! Mais Jean-François Copé aura beau jeu, jeudi soir, de contrecarrer la stratégie de Fillon : il rappellera sa promesse d’instaurer une droite décomplexée (pour contrer l’aspect programmatique de Fillon) et son refus d’alliances avec le FN (pour tancer les clins d’œil de son rival).

Thomas Guénolé : Il faut distinguer deux choses concernant François Fillon. D’un côté, il y a une conviction profonde : celle qu’il y a aussi du sectarisme à gauche, et c’est là quelque chose qu’il pense vraiment. De là à mettre un sectarisme de gauche et la pensée d’extrême droite sur le même plan, c’est un autre débat. De l’autre côté, il y a clairement une tentative tactique d’aller déborder Nicolas Sarkozy sur la droite. Dans ce contexte, Jean-François Copé a une fenêtre de tir magnifique pour dire simplement que lui est très clair et constant sur le refus catégorique de toute alliance avec le FN et de toute consigne de vote qui favoriserait le FN.

Enguerrand Delannoy & Maël de Calan : Jean-François Copé est le Président de l’UMP, et ce n’est ni son rôle ni son intérêt que de se "repositionner" par rapport à tel ou tel. Il lui appartient de faire vivre l’UMP pour en faire un lieu où l’on travaille, où l’on se retrouve pour dénoncer la politique des socialistes et le programme suicidaire du FN, et pour construire ensemble une alternative crédible ! C’est une mission difficile compte-tenu de l’histoire récente de notre formation, mais comme son succès sera celui de l’UMP, la Boîte à idées est déterminée à faire tout ce qu’elle pourra pour l’aider.

Jean-François Copé a également rencontré mercredi le président de l'UDI, Jean-Louis Borloo. Ce rapprochement est-il nécessaire ou contribue-t-il de nouveau à brouiller les cartes ?

Geoffroy Lejeune : Selon mes sources, Jean-François Copé rencontrait Jean-Louis Borloo davantage pour lui remonter les bretelles après ses gestes envers Bayrou que dans une optique d’alliances. Si toutefois il décidait de conclure un pacte avec l’UDI, notamment pour les européennes, il offrirait un boulevard au Front national, qui pourrait alors capitaliser sur le refus de l’Europe actuelle par les classes populaires oubliées dans la mondialisation. Nombreux sont les cadres de l’UMP qui supplient Copé de ne pas tenter ce pacte. Les écoutera-t-il ?

Enguerrand Delannoy & Maël de Calan : Ce rapprochement est indispensable, et Jean-François Copé, qui cherche à maintenir le dialogue avec nos alliés est tout à fait dans son rôle. Au-delà des multiples trahisons de François Bayrou et de ses appels à voter socialiste aux présidentielles, une alliance entre l’UDI et lui en vue de présenter des listes aux européennes diviserait la droite et donnerait au FN les clés du scrutin : c’est une responsabilité très lourde, d’autant pus que rien ne sépare, au sein du Parti Populaire Européen, les eurodéputés UDI des UMP. Jean-François Copé a raison de tout faire pour l’éviter.

Thomas Guénolé : Il faut distinguer les questions de personnes, les questions d’idées, et les questions de tactique. Au niveau des personnes, Jean-François Copé et Jean-Louis Borloo ont de bonnes relations, alors que ce dernier et François Fillon gardent de leur rivalité d’hier pour Matignon des séquelles profondes. Au niveau des idées, le point central de désaccord entre l’UDI et l’UMP porte sur la lepenisation des idées, totalement rejetée à l’UDI, et encore plus sur l’Europe, puisque l’UDI est l’héritière des partisans des Etats-Unis d’Europe chers à Robert Schumann. Au niveau tactique, en cas d’alternance l’UMP et l’UDI sont appelées à gouverner ensemble, que ce soit localement ou nationalement. Cela posé, la question tactique principale pour l’UDI est moins de trouver des ententes avec l’UMP, ce qui va relativement de soi, que de réussir la réunification du centrisme autour d’un attelage UDI-MoDem : si cette réunification réussit, elle pèse 15-20% des voix.

Les tensions actuelles au sein de l'UMP, privée de leadership jusqu'en 2016, risquent-elles de s'exacerber ou peuvent-elles s'atténuer ? Sur quels points, le parti peut-il construire un consensus ?

Geoffroy Lejeune : Les tensions ne devraient pas retomber tant que la question du leadership ne sera pas soldée. Sur le fond, il sera difficile de trouver une ligne politique qui mette tout le monde d’accord tant qu’un chef incontestable ne pourra pas l’incarner. Les seuls points de consensus existant aujourd’hui à l’UMP sont partagés par les militants et sympathisants, mais pas par les cadres. Certains, comme Copé, Peltier, Didier ou encore Wauquiez essayent de contenter leur électorat. Mais pour que ce consensus soit majoritaire, ils devront accepter de se fâcher avec une bonne moitié des cadres du parti !

Thomas Guénolé : Les tensions ne peuvent que s’exacerber entre les deux compétiteurs pour le leadership de l’UMP et la candidature à la présidentielle au nom de la droite : François Fillon d’un côté, Nicolas Sarkozy de l’autre. Par incidence, le parti ne peut qu’être en stand-by jusqu’à la résolution de cette rivalité par la victoire de l’un ou de l’autre. En l’état actuel des sondages auprès des adhérents de l’UMP et des électeurs de droite, sans appel, le favori est pour l’heure Nicolas Sarkozy.

Enguerrand Delannoy & Maël de Calan : Pour ce qui a trait à l’UMP, nous voyons plutôt des raisons d’espérer : le parti est au travail, nous avons une profusion de talents – on ne peut pas en dire autant du FN ou du PS – et  les Primaires ouvertes, adoptées par l’UMP sur la base des propositions formulées par la Boîte à idées, donnent un cadre et un horizon à la compétition de ces talents.
Mais la politique économique et sociale conduite par François Hollande mène le pays dans le mur : cela veut dire davantage de chômage, de colère … et donc de vote aux extrêmes. Tout l’enjeu consiste à savoir comment l’UMP répondra à cette montée du FN qui ne va pas s’arrêter. Si elle tient bon le cap et répond à la démagogie populiste par un contrat de gouvernement crédible, elle remportera les élections en 2017 et pourra transformer le pays.
Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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