Janet Yellen à la tête de la Fed : pourquoi l'avenir de l'économie mondiale se joue avec cette décision de Barack Obama<!-- --> | Atlantico.fr
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Janet Yellen.
Janet Yellen.
©Reuters

Big bang theory

Le président des Etats-Unis Barack Obama s’apprête à nommer ce mercredi Janet Yellen à la tête de la Banque centrale américaine (Fed), où elle succédera à Ben Bernanke.

Nicolas Goetzmann et Cécile Philippe

Nicolas Goetzmann et Cécile Philippe

Nicolas Goetzmann est Stratégiste Macroéconomique et auteur d'un rapport sur la politique monétaire européenne pour le compte de la Fondapol.

Cécile Philippe est présidente et fondatrice de l’Institut économique Molinari, un organisme de recherche qui vise à entreprendre et à stimuler l’approche économique dans l’analyse des politiques publiques.

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Atlantico : En quoi la décision prise par Obama concernant la succession de Ben Bernanke est-elle d'une importance capitale pour l'économie mondiale et la sortie de crise ?

Nicolas Goetzmann : Il n’est pas certain que le président américain se rende compte de l’importance de son choix.

La Fed traverse depuis quelques mois une période d’incertitude qui a été provoquée par l’annonce de son actuel président de la fin des politiques non conventionnelles.

L’enjeu est décisif pour l’économie mondiale car la ligne de pensée du président de la Fed est le catalyseur principal du niveau d’activité des Etats-Unis. La “demande” américaine est en effet sous contrôle de la Fed, le choix qui revient à Obama sera en fait la principale décision économique de son mandat en termes de conséquences réelles.

Cécile Philippe: Cette décision est, en effet, capitale car la monnaie dans nos sociétés est devenue une création purement institutionnelle. La crise financière de 2008 a clairement une origine monétaire, en particulier elle repose sur une politique laxiste de création monétaire de la part des banques centrales et de la Fed. Or la politique mise en œuvre depuis lors a consisté à accroître encore cette création plutôt que de tenter d’assainir la situation.

Comme la monnaie ne repose plus sur un étalon marchandise depuis 1971, sa création dépend d’entités comme les banques centrales. Compte tenu de la suprématie du dollar, le rôle de la Fed et de son président sont donc essentiels pour l’économie mondiale. Pour rappel, la monnaie sert de rouage, d’intermédiaire dans tous les échanges, y compris internationaux et une monnaie de mauvaise qualité ne peut que détériorer ces échanges. En quoi cela a-t-il une importance pour la sortie de crise ? Tout dépend du rôle que l’on donne à la monnaie dans l’origine de la crise.

Quelles sont les différences de position entre Janet Yellen et Ben Bernanke ? En quoi leurs politiques et visions monétaires diffèrent-elles l'une de l'autre ?

Nicolas Goetzmann : Yellen soutient la politique de Bernanke depuis le début et serait même plutôt partisane d’une politique encore plus agressive afin de faire baisser le chômage rapidement.

Janet Yellen est le bon choix, il n’y a aucun doute. Un économiste de la BNP a pu mesurer l’impact de cette décision sur la croissance américaine et donc sur l’emploi et estime la différence entre sa nomination et celle de son ancien concurrent Lawrence Summers en termes d’emploi : 500 000 à la faveur de Janet Yellen.

Cécile Philippe : Les deux personnalités ne différent pas vraiment dans le fond. Si différence il y a, c’est plus dans le style et le caractère.

Quoiqu’il en soit, tout ralentissement de la création monétaire rendra les "malinvestissements" visibles. Cela se traduira par des faillites et une remontée du chômage. Ce sont malheureusement des maux nécessaires pour assainir la situation. Il est cependant peu probable que la Fed se tienne à une politique monétaire restrictive si cela se produit. C’est inquiétant car l’économie mondiale a besoin pour, repartir sur des bases saines, de cesser cette politique monétaire qui alimente des bulles qui finissent toujours par exploser.

Alors que leurs monnaies se sont effondrées ces dernières semaines face au dollar américain, les grandes économies émergentes ont envisagé la mise en place de réserves communes de devises pour peser davantage sur l'évolution des changes sur les marchés et ainsi mieux se protéger. Quelles seront les conséquences pour ces économies de cette nomination ?

Cécile Philippe : La politique monétaire particulièrement laxiste de la Fed depuis le début de la crise a permis à tous les pays du monde de créer de la monnaie afin de bénéficier des avantages d’une monnaie faible. En ce sens, une « guerre des devises » à basse intensité a commencé avec la crise. Nombre de pays émergents ont bénéficié d’un afflux de dollars qui leur a permis de booster leurs investissements et de créer de la monnaie sans que celle-ci s’effondre.

La fin de cette politique de la Fed pose évidemment une contrainte importante quant à la politique de création monétaire de l’ensemble des autres banques centrales. L’idée de constituer des réserves de devises pour faire face à une politique moins expansionnistes de la Fed vise en fait à s’épargner de devoir ajuster en douleur la création monétaire.

Or, au-delà du fait qu’il est vraiment difficile de voir comment un tel système pourrait émerger quand les intérêts des diverses parties sont très divergents, il ne pourra sans doute pas faire l’affaire. En effet, seul un ajustement des politiques monétaires des autres banques centrales pourra éviter un effondrement durable des monnaies concurrentes du dollar. Car cet effondrement à terme tiendra à la politique plus ou moins laxiste des autorités en la matière.

Si l'on pense qu’il est grand temps d’envisager de relever les taux d’intérêt pour redonner du souffle à nos économies, la volonté de la Fed est de bon augure. Il est évident que les principaux partenaires commerciaux des États-Unis doivent s’y préparer et la meilleure façon de faire n’est pas de constituer des réserves mais sans doute de rendre leurs économies le plus flexible possible afin d’encaisser le choc d’une politique monétaire plus sage. La politique de la Fed est décisive tout simplement parce que les échanges continuent encore – compte tenu de la puissance de l’économie américaine – à se faire principalement en dollars et par conséquent, une véritable guerre monétaire est hors de question. Personne n’a les moyens ni intérêt à s’attaquer au dollar comme monnaie de réserve mondiale tant que les marchés du monde entier continuent d’en vouloir.

Nicolas Goetzmann : Le Brésil, l’Indonésie, l’Inde etc, se préoccupent malheureusement bien plus de leur taux de change que de leur politique monétaire stricto sensu. Au contraire, les États-Unis se soucient de leurs données économiques internes. Si les pays émergents veulent éviter d’être impactés par les décisions de la Fed, ils peuvent réagir en conséquence. 

Cette volonté d’adopter un fonds de soutien dédié au marché des changes sera au mieux inefficace. Il suffirait d’adopter un régime d’objectif de PIB nominal afin de se prémunir contre de telles fluctuations. Il revient en effet à chaque banque centrale de choisir d’importer ou non la politique monétaire du voisin [voir notre article dédié : Croissance (nominale) : et si la vraie boîte à outils pour sortir de la crise était là, sous nos yeux ?]. Mais la partie la plus visible reste le taux de change, ce qui explique les récentes décisions, souvent inopportunes.

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