Cigarette électronique : les vapoteurs signent une première victoire... provisoire<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour l’Europe, la cigarette électronique ne sera ni médicament, ni produit du tabac, ni produit de consommation courante.
Pour l’Europe, la cigarette électronique ne sera ni médicament, ni produit du tabac, ni produit de consommation courante.
©Reuters

Ecran de fumée

Le Parlement européen a décidé de laisser sa chance à la cigarette électronique, en ne lui imposant pas la réglementation pharmaceutique. Les autres résultats du vote d'aujourd'hui sont l'absence d'interdiction des ”slims”, la fin des mentholées qui ont 8 ans pour disparaître, et le choix d'avertissements sanitaires à hauteur de 65% de la surface du paquet (alors que les 75% étaient envisagés).

Stéphane  Sandeau-Gruber

Stéphane Sandeau-Gruber

Stéphane Sandeau-Gruber est chercheur spécialisé dans les biopuces, porteur de projet dans l’économie sociale et solidaire et consultant bénévole sur les sujets relatif à la cigarette électronique à laquelle il s’intéresse depuis 2 ans.

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Le vote sur l'amendement crucial concernant le statut spécifique de PCN (produits contenant de la nicotine) s’est terminé avec le score de 362 parlementaires pour et 298 parlementaires contre.

Ainsi pour l’Europe, la cigarette électronique ne sera ni médicament, ni produit du tabac, ni produit de consommation courante.

Cette victoire des vapoteurs est la consécration du trio de parlementaires Frédérique Ries, Rebecca Taylor et Chris Davies, à l’origine du dépôt, mercredi dernier, de l’amendement 170 du groupe ALDE, cosigné par les groupes PPE et ECR, et soutenu par certains membres socialistes à titre individuel.

Cet amendement n’est pourtant pas le plus en phase avec les aspirations de liberté des acteurs économiques du secteur. Il prévoit pour les PCN un régime réglementaire exclusif, incluant :

  • une procédure de notification, 6 mois à l’avance, pour la mise sur le marché de nouveaux produits ;
  • une limite de concentration en nicotine de 30 mg/ml ;
  • la transmission à une autorité compétente de la liste quantitative des ingrédients ainsi que des émissions en utilisation, et des volumes de ventes ;
  • l’interdiction d’utiliser les ingrédients tels que les vitamines, la caféine, la taurine et les additifs qui confèrent des propriétés colorantes aux émissions ;
  • l’interdiction de vente aux mineurs ;
  • les mêmes restrictions en matière de publicité que celles auxquelles sont soumis au plan européen les produits du tabac ;
  • une mention sanitaire sur l’emballage ;
  • un contrôle par les États de l'évolution du marché des PCN, notamment des faits pouvant indiquer que ces produits amènent les jeunes au tabagisme, en vu d’un ajustement de la réglementation si nécessaire.


Mais l’aventure européenne ne s’arrêtera pas là. En effet, après le vote du Parlement intervient un processus de dialogue à trois entités avec la Commission et le Conseil, dans le but de trouver un consensus et de présenter des amendements pour la première lecture au Conseil, vers le 10 décembre. Qui a dit que le fonctionnement des institutions européennes était complexe ?

Cette première victoire est en partie due aux actions des vapoteurs comme la manifestation organisée hier à Strasbourg et regroupant près de 400 personnes, entre autres pour la remise d’une pétition de l’AIDUCE (l’Association Indépendante Des Utilisateurs de Cigarettes Electroniques) contre la médicalisation de l’e-cig, comportant 39.324 signatures. Le nom de cette mobilisation européenne, qui regroupe les associations de consommateurs et les boutiques spécialisées, main dans la main : Vap’In Liberty. (#Vap_in_liberty)

Cependant, la décision qui vient d’être prise donne un aperçu du fonctionnement du monde de la cigarette électronique à l'horizon… 2017-2018. Et dans le laps de temps qui nous sépare de cet avenir, il est possible de voir apparaître des mesures nationales plus restrictives que ce texte européen (potentiellement autorisées sous couvert de spécificités locales, voir l’article 24 de la directive). Pour les vapoteurs, la continuité des actions au niveau national reste donc primordiale.

Mais pas que pour les vapoteurs.

Le monde des buralistes est également concerné par cette dynamique et considère qu’ "il est temps de mettre la main sur le marché". Ainsi titrait le numéro du septembre du Losange, le magasine 100% buraliste, qui comprenait un dossier très complet sur l’e-cig de 20 pages, insistant sur les raisons pour lesquelles les e-cig devraient être uniquement en vente sous leur toit. Sans oublier de signaler l’argument financier, assez motivant : "le marché de la cigarette électronique semble structurellement porteur à long terme".

Vous vous souvenez sans doute de la tentative d’amendement de la loi sur la consommation de Thierry Lazaro, entre autres, destiné à rendre explicite l’assimilation de la cigarette électronique à un produit du tabac et à donner aux buralistes le monopole de sa vente. Devant le manque de soutien à cet amendement, il n’a finalement pas été soutenu par ses déposants.

Mais, si la voie législative ne fonctionne pas, c’est par la voie économique que les buralistes comptent prendre leur part du gâteau.

À moins que ce ne soit par la voie juridique.

Une assignation en référé au Tribunal de grande instance aurait en effet été déposée fin septembre par un débitant de tabac à l’encontre d’un magasin spécialisé dans la cigarette électronique. Il serait reproché à ce dernier de faire de la publicité illicite pour le tabac, par son enseigne, son site internet, et sa boutique, et de s’inscrire ainsi en concurrence déloyale envers les buralistes. Le tout étayé d’un dossier de 242 pages.

Initiative isolée d’un buraliste solitaire ou nouvelle forme d’attaque par la jurisprudence ?

Mais ce n’est pas seulement du côté des buralistes que l’on considère que l’action doit être immédiate. Lors de son "chat" public d’hier soir, lundi 7 octobre, sur le site LeMonde.fr, le Pr Dautzenberg annonce la couleur : "Ce produit est pour l'instant un produit de consommation courante. Il est certes potentiellement dangereux, mais s'il remplace un produit certainement dangereux, il y a un gain pour la santé publique. En revanche, s'il devient un produit d'entrée en tabagisme, cela peut poser un sérieux problème. Il faut donc une législation réactive que ne peut offrir l'Europe, qui vote en 2013 une directive qui sera pleinement applicable en 2018."

Entre les intérêts des groupes de pression, un groupe de citoyens informés a décidé d’aborder le problème d’une façon totalement en contradiction avec la tendance actuelle de défense de son pré carré, et qui se caractérise par :

  • une action ayant pour but une réflexion indépendante et équilibrée sur les questions de société posées par la cigarette électronique ;
  • une absence de mise en avant individuelle, pour un appel au soutien collectif de leur demande par l’ensemble des citoyens, des scientifiques et des médecins concernés ou intéressés par ces questions.


Leur but est d’obtenir l’auto-saisine du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE),  sur les questions de santé publique posées par l’e-cigarette et ses répercussions en terme de politique anti-tabagisme. Le CCNE n’a beau avoir qu’un rôle consultatif, son auto-saisine permettrait enfin l’accès à un éclairage des enjeux en terme de santé que l’on pourra considérer désintéressé.

À cet effet, une pétition sera mise en ligne sous peu. Vous pouvez en suivre le lancement et l’avancement sur Twitter : « DemandeCCNE.nicotine » au compte suivant : @demandeCCNEnico ou sur Google+ : [email protected]

Qu’on se le dise, le débat législatif ne se résumera pas à l’Europe, ni à aujourd’hui.

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