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Le travail du dimanche : une fausse bonne idée pour l’emploi
©Reuters

Le contre

C'est lorsqu'il est occasionnel (huit dimanches par an) que le travail du dimanche est mieux payé ; s’il venait à se généraliser, les salariés qui étaient jusque-là demandeurs seraient confrontés à une diminution de leurs avantages et reviendraient peut-être sur leur décision.

Gérard Thoris

Gérard Thoris

Gérard Thoris est maître de conférence à Sciences Po. il a notamment rédigé une Analyse économique des systèmes (Paris, Armand Colin, 1997), contribue au Rapport Antheios et publie régulièrement des articles en matière de politique économique et sociale (Sociétal, Revue française des finances publiques…).

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Le travail du dimanche est au cœur des débats de société parce que le dimanche est au cœur de la vie sociale. Temps de repos et peut-être de ressourcement, temps de disponibilité à soi-même et peut-être aux autres, temps où les agendas sont synchronisés pour toutes les rencontres. Dans une société atomisée où chacun se perd dans l’instant, rien de tout cela n’a plus de sens.

A dire vrai, la suppression de la référence au dimanche est une vieille histoire. Elle commence avec la République et son calendrier révolutionnaire. Il est normal que la République tente de l’instaurer à nouveau. Elle a aujourd’hui plus de chance d’y parvenir car, à défaut d’une économie de marché, elle a réussi à promouvoir une société de marché. Pourtant, les principaux arguments avancés en sa faveur relèvent de l’économie. Et le raisonnement est partout biaisé.
Le premier argument est celui de l’emploi. Du côté des salariés, on comprend qu’il y ait pléiade de volontaires. Le travail du dimanche donne lieu à une majoration de salaire et/ou à une récupération. En ce qui concerne la loi, la majoration prévue est de 50 % et la récupération peut être de trois heures récupérées pour deux heures travaillées. Les conventions collectives peuvent encore amender ces contreparties. Précisément, le travail du dimanche est mieux payé lorsqu’il est occasionnel (huit dimanches par an) ; s’il venait à se généraliser, les salariés qui étaient jusque-là demandeurs seraient confrontés à une diminution de leurs avantages et reviendraient peut-être sur leur décision. Quoiqu’il en soit, et c’est le point important, pour l’employeur, le travail du dimanche représente un coût supplémentaire.

Dans ce cas, on peut se demander pourquoi ils paraissent tellement tenir à l’ouverture de leurs magasins le dimanche. Celui-ci ne peut être rentable que si le chiffre d’affaires rapporté à la masse salariale est au moins aussi élevé le dimanche que la semaine. A pouvoir d’achat donné, cela n’est possible que par détournement du trafic commercial. De fait, les magasins ouverts le dimanche captent une partie du budget des ménages qui n’est plus disponible pour d’autres achats. Les commerçants qui n’ouvrent que la semaine pâtissent ainsi directement des dépenses dominicales.

En choisissant les lieux et les enseignes qui ont le droit d’ouvrir le dimanche, les pouvoirs publics exercent un pouvoir de répartition du chiffre d’affaires et des bénéfices entre les différents agents économiques. En mars 2013, les Bricorama du Val de Marne sont condamnés à la fermeture le dimanche, en octobre de la même année, ils bénéficient d’une autorisation préfectorale refusée à Castorama et Leroy Merllin ! Cela montre en tout cas qu’en matière de travail du dimanche, la voie française de la sélection sur critères administratifs, les fameux Périmètres d’usage de consommation exceptionnels (PUCE) ne tient pas. C’est tout ou rien. Or, si c’est tout, les bénéfices du travail du dimanche pour les employeurs s’évaporent et ils seront bien incapables de maintenir les avantages dont bénéficient les salariés.

En conclusion, du point de vue économique, si le même pouvoir d’achat se dépense sur sept jours, cela accroît nécessairement les coûts de distribution ; cet accroissement des coûts de distribution est l’équivalent d’une perte de pouvoir d’achat ; on ne voit pas comment une perte de pouvoir d’achat peut se traduire par davantage d’emplois. Décidément, la question du travail du dimanche est bien une question de civilisation. En 1970, Jean Baudrillard écrivait de manière prophétique : « la consommation est un système qui assure l’ordonnance des signes et l’intégration du groupe : elle est donc à la fois une morale (un système de valeurs idéologiques) et un système de communication, une structure d’échange ». Dans la civilisation chrétienne, le dimanche était assurément ce moment où la communauté se réunissait pour nourrir sa vie spirituelle d’où descendait une morale. C’est dans son étiolement que la civilisation marchande trouve sa source et son éclat.

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