Baisse du chômage en Europe du Sud : ce que l'analyse des chiffres nous apprend sur la fragilité du phénomène<!-- --> | Atlantico.fr
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Le nombre de personne sans emplois a augmenté en Espagne.
Le nombre de personne sans emplois a augmenté en Espagne.
©Mottez.com

Mirage

Depuis la baisse du taux de chômage dans la zone Euro en juillet dernier, les contrastes entre les pays se creusent.

Philippe Murer

Philippe Murer

Philippe Murer est professeur de finance vacataire à la Sorbonne et membre du Forum démocratique.

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Le taux de chômage serait en baisse au 2ème trimestre en Espagne. En Italie, il s’est stabilisé depuis 4 mois. En France, la croissance du chômage a continué jusqu’en Août et seuls les chiffres de Septembre sont positifs. A l'échelle du continent, le mois de juillet avait pourtant vu le taux de chômage descendre à 12%. Des signes de reprise, entendait-on. Pourtant l’Espagne et l’Italie ont vu leur PIB se contracter depuis le début de l’année de plus de 1% en rythme annuel.

L’Espagne

En fait, les statistiques d’Eurostat sur le nombre d’emplois détruits en Espagne au 1er et 2ème trimestre sont sans pitié[1]. Il y a 160 000 poste de travail détruit au T1 et 90 000 au T2 soit 250.000 sur les 6 premiers mois de l’année. Le nombre de personne sans emplois a donc augmenté en Espagne.

Pourquoi alors cette bizarrerie statistique ?

Le solde migratoire espagnole est maintenant positif de 50.000 personnes par an. Le départ très médiatisé des jeunes espagnols pour d’autres cieux ne peut donc être la cause de la baisse du chômage. Avec la hausse du seuil de départ à la retraite et l’accroissement naturel de la population en âge de travailler de 80.000 personnes par an, on ne peut expliquer cette baisse du chômage par ce type de biais.

En revanche, les chômeurs en fin de droit, dits découragés, risquent fort de ne plus faire les démarches imposées pour rester inscrit dans la case statistique « chômeur » sans avoir le droit à aucune aide de l’Etat. La disparition de 250 000 emplois aurait dû faire monter le taux de chômage espagnol de 26,4% à 27,5% et le nombre de chômeurs de 250.000 au minimum pour arriver au record de 6,1 millions de chômeurs. Or c’est l’inverse qui s’est passé : le taux de chômage a baissé de 26.4% à 26.3% sur les 6 premiers mois de l’année. Trois ans après le début de la crise en Europe du Sud, nous rentrons donc dans un mirage statistique: le taux de chômage officiel peut baisser dans certains pays alors même que le nombre de gens qui travaillent baissent aussi !

 Il y a d’ailleurs une certaine logique à cette constatation : comment penser qu’on peut faire baisser le chômage avec une récession de -1.2% alors que la croissance doit être de +1,2% par an au minimum en Espagne pour que le chômage se réduise !

L’Italie

Le chômage a très légèrement grimpé en Italie depuis le début de l’année : une hausse du taux de chômage de 11.9% à 12.1% sur les 6 premiers mois. En fait, l’économie italienne a elle-aussi détruit des emplois au 1er semestre : environ 330.000 emplois selon Eurostat. Son taux de chômage aurait donc du potentiellement grimper de 12% à 13,1%. Ici encore, nous sommes en plein mirage statistique. La hausse du chômage est 5 fois plus faible qu’attendu.

Une crise longue peut créer ce genre de mirage sur le taux de chômage qui n’est jamais qu’un taux officiel et non une réalité objective, absolue.

La France

Jusqu’à maintenant, le taux de chômage a évolué d’une manière totalement cohérente avec les destructions d’emplois en France depuis le début de l’année.

Y a-t’il, y aura-t’il une inversion réelle du nombre de chômeurs fin 2013?

On a vu un phénomène récent de très forte hausse des chômeurs radiés des listes des pôles emplois sur le mois d’Août (+77.500 chômeurs radiés par rapport à la moyenne habituelle).

Ces radiations viennent d’un défaut d’actualisation par les chômeurs sur le site de Pole Emploi : cela peut être dû à un retour sur le marché du travail non signalé, par un oubli d’actualisation ou par une absence de volonté d’actualiser sa situation ( Un chômeur n’ayant plus d’indemnités n’a que peu d’intérêts de faire les démarches nécessaires pour rester sur les listes de Pôle Emploi). Ces  radiations peuvent correspondre à une réelle amélioration de la situation sur le front de l’emploi ou avoir une cause purement administrative, difficile de le savoir aujourd’hui. Devant l’interrogation des journalistes sur cet emballement des radiations, le Ministre du Travail a accrédité l’hypothèse que cette amélioration est en partie administrative puisque la moitié de la baisse du nombre de chômeurs serait due à un bug chez SFR (sic !)

Au-delà des péripéties de communication sur ce sujet et des artefacts statistiques, le gouvernement français se félicite de la « reprise » et semble croire qu’elle devrait faire baisser le taux de chômage.  Il faudrait pourtant un taux de croissance de plus de 1,5% pour que le chômage n’augmente plus.

Or en 2014 et 2015, il est très probable que la France aura une croissance inférieure à 1.5%. Le nombre de chômeurs devrait donc augmenter encore et encore : le nombre de chômeurs réel s’entend, pas celui des chômeurs comptés dans les statistiques de Pole Emploi.

Une croissance de 2,5% sur un an permettrait en revanche de donner du travail à 300.000 chômeurs. Un taux de croissance inaccessible avec la politique économique en place en France et en Europe malheureusement.

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