Vème République, le 55ème anniversaire d'une morte-vivante salement amochée par Chirac et Jospin avec le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral<!-- --> | Atlantico.fr
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Le 55ème anniversaire de la Ve République sera célébré ce 3 octobre par Jean-Marc Ayrault.
Le 55ème anniversaire de la Ve République sera célébré ce 3 octobre par Jean-Marc Ayrault.
©centerblog.net

Zombie institutionnel

François Hollande se rend ce jeudi au Conseil constitutionnel à l'occasion du 55ème anniversaire de la Vème République, fêté un jour en avance...

Philippe Blacher

Philippe Blacher

Philippe Blacher est professeur de droit constitutionnel à l'université Jean Moulin Lyon 3 et il dirige le centre de Droit constitutionnel. Il est également l'auteur du livre Droit Constitutionnel aux édition Broché.

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Atlantico : Le 55ème anniversaire de la Ve République sera célébré ce 3 octobre par Jean-Marc Ayrault au Conseil constitutionnel. Mais d'une certaine manière Jacques Chirac et Lionel Jospin n'ont-ils pas déjà tué le système institutionnel créé par le général de Gaulle avec le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral ? Quelles sont les conséquences de ces réformes ?

Philippe Blachèr :La réforme du quinquennat, combinée avec l'inversion du calendrier électoral, confirment la prééminence de l'institution présidentielle sur les autres organes de l’État (notamment le Premier ministre et les assemblées parlementaires). Malgré les apparences (24 révisions dont celle de 2008 qui réécrit plus de la moitiés des articles), la Constitution n'a guère changé depuis 1958 et sa logique de fonctionnement se pérennise au nom de la sacro-sainte élection présidentielle.

La mécanique de nos institutions repose sur une doctrine pensée par le Général de Gaulle dès le discours de Bayeux en 1946, mise en place dès les premières années du régime et consolidée par le quinquennat. Cette Constitution a été instituée pour restaurer l'autorité de l’État et pour faire de son chef la source du pouvoir. Ce projet d'inspiration bonapartiste (le chef de l’État s'appuyant sur le peuple pour asseoir sa légitimité) a rendu d'incontestables services dans les années 1960. Mais la France de 2013 n'est plus celle de 1960 ! Avec la décentralisation, l'Europe, l’accélération de l'information et de la communication, l'évolution des mœurs, du personnel politique et de la société, comment continuer à vivre sous une Constitution dans laquelle tout se décide au moment de l'élection présidentielle ? Choisir le président de la République est devenue la seule occasion de solliciter, tous les 5 ans, sérieusement l'avis du peuple et d'engager la nation. L'élection de 2012 confirme cette orientation du régime : le gouvernement et la majorité parlementaire sont tenus d'adopter, sans broncher, le programme présidentiel durant le quinquennat en adoptant les réformes souhaitées par le candidat Hollande. La réforme du cumul des mandats, qui sera adoptée (non sans réticence) au Parlement, ne fera que renforcer l'orientation présidentialiste du régime ôtant toute chance de voir un jour, sous l'empire de cette Constitution, l'émergence de contre-pouvoirs face au monarque constitutionnel.

Avec le recul, ces réformes n'ont-elles pas été un échec ? Dans le système du quinquennat, la fonction de Premier ministre a-t-elle toujours un sens ?

La réforme du quinquennat, adoptée en 2000, avait une double ambition : éviter une cohabitation, en alignant la durée du mandat présidentiel sur celle de la législature, et clarifier les relations entre le président de la République et le Premier ministre, le président élu pour cinq ans passant d'un rôle d'arbitre à celui de véritable chef de l'exécutif pour cinq ans. Or que constate-t-on depuis le passage au quinquennat ? D'une part, que le risque de cohabitation n'a jamais disparu et, d'autre part, que la répartition des pouvoirs entre le chef de l’État et le Premier ministre reste obscure et soumise aux caprices de la volonté présidentielle.

Le Comité Balladur proposait pourtant, en 2007, d'officialiser la domination présidentielle au sein de l'exécutif en inscrivant dans l'article 5 de la Constitution : « Le président de la République dirige l'action du gouvernement ». Le constituant en 2008 refusa cette réécriture pour éviter tout risque de blocage institutionnel en cas de...cohabitation ! Preuve est ainsi faite que la cohabitation est toujours possible. Preuve est également apportée que la fonction de Premier ministre reste subordonnée mais essentiel en régime parlementaire. Le quinquennat n'a pas supprimé les prérogatives du chef du gouvernement. Il a peut-être favorisé la longévité du bail de Matignon, mais rien n'a fondamentalement changé sous la V° République : le président décide ; le Premier ministre exécute.

Sans pour autant passer à la VIe République, comment peut-on corriger les déséquilibres nés de ces bouleversement institutionnels ?

L'inversion du calendrier électoral prive de tout enjeu les élections législatives et crée une situation de vide du pouvoir entre l'élection du président de la République (6 mai 2012) et l'installation d'une nouvelle législature parlementaire (17 juin 2012). Pourquoi le peuple français ne choisirait-il pas, à l'instar de toutes les démocraties européennes, le Premier ministre au moment des élections législatives ? Cette solution aurait le mérite de clarifier les enjeux électoraux, de dissocier l'élection des députés de l’élection présidentielle et de couper le cordon ombilical entre les deux têtes de l'exécutif (c'est le président qui nomme le Premier ministre selon l'article 8 de la Constitution de 1958).

De plus, sans réformer la Constitution, il est sans doute possible de corriger certains déséquilibres. Le regretté Guy Carcassonne affirmait par exemple que ce qui manque au Parlement ce ne sont pas des pouvoirs mais des parlementaires prêts à les exercer. Manière de dire que le droit ne peut pas régler tous les déséquilibres institutionnels : le sens de la responsabilité et le courage politique sont indispensables à la revalorisation de l'institution parlementaire. N'est-ce pas ce que les sénateurs nous démontrent depuis quelques temps ?

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