Les sondages sont-ils en train de nous montrer que François Hollande est le meilleur carburant de Marine Le Pen ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen.
Marine Le Pen.
©Reuters

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La cote de popularité de François Hollande est toujours aussi faible. Selon un sondage BVA-Orange pour l'Express, le président de la République ne recueille que 32% de bonnes opinions. Plus surprenant, la présidente du Front national est largement préférée à François Hollande par les sympathisants de droite (63% contre 39%).

Atlantico : A la question de savoir qui de Marine Le Pen ou de François Hollande ils préfèrent, 63 % des sympathisants de droite (51% des sympathisants de l'UMP) ont désigné la présidente du Front national, contre 39 % pour le président de la République, selon un sondage BVA-Orange pour L'Express, Presse régionale et France Inter publié lundi 30 septembre. François Hollande et sa politique sont-ils désormais le meilleur carburant du FN ? 

Maxime Tandonnet : La logique de ce sondage est profondément pernicieuse et malhonnête, opposant le chef de l’État au leader du Front national comme si on ne laissait aux électeurs que cette alternative en vue des prochaines échéances électorales, avec, en toile de fond, la certitude d’une réélection de François Hollande dans un tel cas de figure. Bien sûr, pousser en avant le FN correspond à une stratégie électorale constante des socialistes dans l’objectif d’affaiblir l’opposition libérale et de prendre ou de se maintenir ainsi au pouvoir à la faveur de triangulaires. Le choix d’un vote à la proportionnelle lors de les élections législatives de 1986 était destiné à favoriser l’arrivée massive du FN au Parlement et priver l’opposition d’une majorité absolue. Plus les difficultés s’accumuleront pour le pouvoir socialiste, plus nous allons assister dans les années à venir, à la tentation des élites et du système médiatique, massivement favorable aux dirigeants actuels, de mettre en avant le FN tout en préservant une dose de diabolisation bien calculée autour de lui.

Joël Gombin : Il faut accueillir ce chiffre avec, pour le moins, de la circonspection. Cette question ("Des deux personnalités suivantes, laquelle préférez-vous ?") semble être nouvelle chez BVA. Or, dans les sondages, ce sont généralement les évolutions, les tendances qui peuvent être intéressantes - c'est ici impossible. De plus, on ne sait pas très bien ce que signifie ici "préférer" une personnalité à une autre. La seule chose qu'on puisse dire, c'est que ce sont essentiellement les sympathisants de droite qui "préfèrent" la présidente du FN au président de la République, et dans des proportions bien moindres que lorsque la même question est posée avec Hollande et Copé ou Fillon. De plus, tous les autres indicateurs relatifs au FN et à sa présidente présents dans ce sondage (côte d'influence de Marine Le Pen, côte de popularité du FN) ne sont pas particulièrement bons, au contraire. Ainsi, deux fois plus d'enquêtés souhaitent voir jouer un plus grand rôle à l'avenir à Alain Juppé qu'à Marine Le Pen, et 72 % des enquêtés ont une mauvaise opinion du Front national. 

À mon sens, ce sondage, comme bien d'autres avant lui, s'inscrit dans la volonté de certains instituts et de certains médias de surfer sur la vague médiatique : le Front national fait vendre du papier - ce qui laisse penser que, loin d'être complètement "dédiabolisé", il sent encore le soufre... Il y a dans l'air comme un parfum d'années 1980, lorsqu'on jouait à se faire peur face à la "menace fasciste". La dynamique frontiste est réelle, et il ne servirait à rien de la nier, mais l'exagération en sens inverse me semble exagérée.

Ce sondage traduit-il l'exaspération des électeurs de droite à l'égard de la personne de François Hollande ? En quoi sa politique et sa pratique du pouvoir sont-elles responsables de ces résultats ?

Maxime Tandonnet : Il me semble qu’il exprime surtout un rejet profond du pouvoir actuel que le chef de l’État incarne dans la logique de nos institutions. La colère porte sur la dégradation de la vie quotidienne, liée au matraquage fiscal – les prélèvements obligatoires sont passés de 42 à 47% du PIB – à l’augmentation massive du chômage qui atteint 3,2 à 5 millions de personnes selon les modes de calculs. Elle tient également à un réflexe patriotique et au sentiment désastreux d’un décrochage de la France par rapport à l’Allemagne en termes de puissance économique et d’influence internationale. Mais ce sondage exprime aussi l’écœurement de l’électorat modéré devant l’absence de projet de l’opposition démocratique sur les grands sujets du moment : sécurité, économie, emploi, la construction d’une Europe des Nations, la gestion de l’immigration et de l’intégration, la place de la France dans le monde, ainsi que les querelles d’ego de ses leaders. La responsabilité de la situation est donc partagée.

Joël Gombin :Je crois que, s'il traduit quelque chose, c'est sans doute davantage le fait qu'aux yeux des sympathisants de droite, l'UMP ne s'est pas encore trouvée de réel leader. En témoigne le fait que les seuls partis à avoir une réelle dynamique positive dans ce sondage (en termes d'opinion, ce qui ne traduit pas nécessairement des intentions de vote...) sont l'UDI et le Modem, et que des personnalités en retrait des affaires de l'UMP, comme Alain Juppé, sont largement en tête des sympathisants de droite en termes de côte d'influence. Et, de l'autre côté, l'exécutif et le PS ont encore du mal à mobiliser leurs électeurs potentiels - on l'a bien vu lors des dernières élections législatives partielles. 

Selon ce sondage, Marine Le Pen est désormais la 12ème personnalité politique préférée des Français avec 26% de cote d'influence, dont 45% auprès des sympathisants de droite. La porosité entre l'électorat de droite et celui d'extrême droite est-elle plus forte que par le passé ?

Maxime Tandonnet : Ce sondage n’exprime rien d’autre qu’un profond écœurement des Français dans leur ensemble face au vide politique, aux querelles d’ego et d’ambitions. Il marque aussi l’absence d’adhésion profonde à une solution de recours : 26% de cote d’influence ne marque en aucun cas une percée dans l’opinion.

Joël Gombin : Le niveau de la "cote d'influence" (c'est-à-dire la part des enquêtés qui souhaitent qu'elle ait davantage d'influence dans la vie politique française) de Marine Le Pen reste stable, à 26 %. Ce chiffre ne me frappe pas particulièrement : c'est, grosso modo, le niveau du potentiel électoral frontiste depuis 2011. Ce qui me semble plus intéressant à regarder - mais cela ne figure pas dans ce sondage -, c'est plutôt la pression mise sur les élus et dirigeants de l'UMP par les électeurs de droite qui, sans vouloir voter pour le FN, souhaitent des alliances avec ce parti afin de ne pas perdre des scrutins qui, à leurs yeux, leur reviennent de plein droit.

Certaines questions de société comme celle des Roms ont-elles contribué à polariser les Français ?

Maxime Tandonnet : Il est certain que la cacophonie sur ce sujet ne fait que renforcer le sentiment que les politiques actuels ne savent pas où ils vont, sur un sujet ultra sensible qui touche à la fois à la vie quotidienne des Français et à des considérations humanitaires. Dès lors, il peut favoriser des réactions et un vote protestataire. Le double jeu des medias et des élites, qui avaient violemment fustigé le président Sarkozy pour les positions prises à ce sujet et leur complaisance envers les mêmes paroles prononcées par des représentants du pouvoir actuel, est lui aussi accablant et peut nourrir la défiance envers le politique.

Joël Gombin : Il semble assez clair que la politisation d'une question somme toute complexe et assez secondaire ne contribue pas à un climat politique apaisé. 

Au-delà de l'électorat de droite, Marine Le Pen attire-t-elle également un électorat de gauche déçu par François Hollande ? 

Maxime Tandonnet : Comment le savoir ? En tout cas, à l’avenir, le vrai clivage, par delà les étiquettes actuelles, qui n’auront qu’un temps espérons-le, sera entre d’une part ceux qui appellent à la réforme profonde, difficile, à un gigantesque effort collectif pour redresser le pays, et les partisans de l’idéologie et de la démagogie.

Joël Gombin : Depuis la fin des années 1980, il y a toujours eu des électeurs qui ont pu, à d'autres moments, voter à gauche qui ont voté, à certaines occasions, pour le FN. Mais on sait aussi que ces électeurs ont toujours représenté une minorité des électeurs frontistes, dont la majorité a toujours été plus proche de la droite - sans compter que beaucoup ont un rapport extrêmement distant à la politique et à ses repères topologiques. En revanche, on a vu lors des dernières élections législatives partielles que c'est l'abstentionnisme massif des électeurs de gauche, et dans une moindre mesure un vote sanction de la part d'une minorité d'entre eux, qui peut offrir au Front national d'excellents scores.

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