Financement de la sécurité sociale : des mesures d'économies insuffisantes et dangereuses<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement a annoncé ce jeudi 26 septembre la suppression d'une niche fiscale ayant pour conséquence l'application de prélèvements sociaux sur divers produits d'épargne.
Le gouvernement a annoncé ce jeudi 26 septembre la suppression d'une niche fiscale ayant pour conséquence l'application de prélèvements sociaux sur divers produits d'épargne.
©Drchiodo.com

Effets pervers

Le gouvernement a présenté une série de mesures visant à ramener le déficit de la sécurité sociale à moins de 13 milliards d'euros en 2014. Parmi celles-ci, une plus grande mise à contribution de l'épargne des Français.

Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

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Atlantico : Le gouvernement a annoncé ce jeudi 26 septembre la suppression d'une niche fiscale ayant pour conséquence l'application de prélèvements sociaux sur divers produits d'épargne aux taux en vigueur au moment de la vente et non plus ceux faisant fois au moment de la souscription de ces produits ou de la composition des intérêts. Cette décision risque t-elle de favoriser les investissements d'épargne de court terme (puisque l'on connait la fiscalité) au détriment des investissements de long terme (où la fiscalité future est incertaine) ?

Jacques Bichot : Une fois de plus nous constatons l'absence de règles fiscales pérennes, et surtout de principes fiscaux. Le législateur peut faire tout ce qui lui passe par la tête, ou plus exactement tout ce qui traverse l'esprit d'un membre influent du gouvernement. Il serait temps d'instituer des principes fiscaux clairs et intangibles. Ce qui est mauvais pour l'épargne, c'est de ne pas savoir à quelle sauce elle sera mangée par le fisc. Il ne devrait pas y avoir de changement pour les contrats en cours – pas de rétroactivité, en quelque sorte.

À cette "traitrise" fiscale s'ajoute une grande injustice : l'imposition de revenus qui sont purement nominaux. Les assurances vie en euros rapportent des intérêts nominaux, dont une partie compense simplement l'inflation. Imposer l'intérêt nominal comme si c'était un vrai revenu est un abus de pouvoir, un acte de spoliation. L'impôt devrait porter uniquement sur la partie des intérêts qui se situe au-dessus du taux de hausse des prix.

Revalorisation plus tardive des retraites, 2,4 milliards d'euros d'économies sur l'assurances maladie... Le gouvernement a également annoncé une plus faible augmentation des dépenses ou un meilleur contrôle de celles-ci. Comment les prestations fournies par la sécurité sociale vont-elles être affectées par ces mesures ?

Le contrôle des dépenses ne peut être organisé depuis l'avenue de Ségur ! Les gouvernements devraient être respectueux du principe de subsidiarité, qui est un principe de bon sens très reconnu au niveau européen : l'intéressé est le meilleur juge de ce qu'il y a à faire pour améliorer sa situation. C'est au niveau du patient, du médecin, de l'infirmière, du chef de service hospitalier, du directeur d'hôpital, que l'on doit être responsabilisé, et chacun se préoccupe alors de gérer au mieux le budget limité dont il dispose. Un gouvernement qui ne mise que sur des ordres, et pratiquement pas sur la capacité des agents de terrain à prendre les bonnes décisions, a peu de chances de réussir. Nous payons cher le centralisme bureaucratique.

Dans ce cadre, puisqu'il ne va pas changer du jour au lendemain, la tarification joue un rôle important. Il faut revoir assez souvent les prix, et ceux des actes de radiographie et d'analyses médicales peuvent encore être diminués, les progrès de productivité étant élevés. Par contre beaucoup d'actes chirurgicaux et obstétricaux ont des tarifs de prise en charge sans rapport avec le temps passé et la compétence requise : c'est la cause n°1 des dépassements d'honoraires. Il y a des phénomènes analogues pour les médicaments.

L'objectif affiché est de rapporter le déficit de la sécurité sociale à 13 milliards euros en 2014. Cette objectif est-il atteignable ?

Le déficit de la sécurité sociale est hélas plus proche de 50 milliards que de 17 milliards. Le régime de retraite des fonctionnaires de l'État, à lui seul, était déjà estimé à 15 milliards lors des travaux préparatoires à la loi retraite 2010; il a augmenté depuis. Les autres régimes spéciaux sont déficitaires de 7 milliards, trou comblé par l'État – mais qui se retrouve dans les 70 à 80 milliards de déficit de l'État.

Pour l'assurance maladie, l'amélioration pourrait venir d'une meilleure articulation entre la sécurité sociale et les complémentaires – il y a sans doute 2 milliards de frais de gestion qui pourraient être économisés, mais ça ne se fera pas en trois mois, c'est une réforme à moyen terme.

Quelles mesures complémentaires sont nécessaires ?

De même la gestion des hôpitaux peut être considérablement améliorée si l'on responsabilise correctement les acteurs, qui aujourd'hui en ont ras le bol des oukases du ministère et des ARS, les agences régionales de santé, qui jouent un rôle important dans le centralisme bureaucratique évoqué plus haut. Le caporalisme auquel on a recours depuis des décennies a montré ses limites ; il faut passer à la liberté responsable.

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