Aéroports : comment la criminalité organisée parvient à déjouer des systèmes de surveillance renforcés <!-- --> | Atlantico.fr
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1,3 tonne de cocaïne dissimulée dans des valises a récemment été saisie à l’aéroport de Roissy.
1,3 tonne de cocaïne dissimulée dans des valises a récemment été saisie à l’aéroport de Roissy.
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Dans la brèche

Ces derniers jours, 1,3 tonne de cocaïne a été saisie à l'arrivée d'un vol Caracas-Paris, et 45 kilos d'or ont disparu entre Paris et Zurich.

Michel Nesterenko

Michel Nesterenko

Directeur de recherche au Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R).

Spécialiste du cyberterrorisme et de la sécurité aérienne. Après une carrière passée dans plusieurs grandes entreprises du transport aérien, il devient consultant et expert dans le domaine des infrastructures et de la sécurité.

 

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Atlantico : 1,3 tonne de cocaïne dissimulée dans des valises a récemment été saisie à l’aéroport de Roissy sur un vol en provenance de Caracas. Jeudi 19 septembre, 45 kilos d’or en lingots, convoyés par le transporteur de fonds Brink’s, ont disparu entre Paris et Zurich. Comment expliquer que des faits d’une telle ampleur puissent être commis dans des zones a priori  très surveillées ?

Michel Nesterenko : Il faut différencier le terrorisme du crime organisé. Ce dernier se compose de personnes très bien renseignées, disposant de fonds illimités pour acheter qui ils veulent à tout moment. Pour transporter de la drogue, ils sont même capables de s’acheter des avions et des sous-marins, comme c’est le cas entre l’Amérique latine et les Etats-Unis. Pour les casses d’or et de bijoux, les criminels sont également très bien renseignés. On ne peut les en empêcher, car ils ont déjà acheté toutes les compromissions nécessaires à leur méfait. Ce sont des professionnels qu’on ne peut arrêter sur le moment, car ils ne laissent rien au hasard. L'arrestation peut, à la rigueur, se faire plus tard. Il en va de même pour la drogue : on en saisira toujours une certaine quantité, qui constitue la taxe pour l’entrée sur le territoire.  Les avions ne sont pas les seuls concernés. Une chaîne logistique de type industriel existe, sans parler du blanchiment qui, lui, n’est pratiquement jamais repéré.

Certains aéroports sont-ils plus poreux que d’autres en termes de sécurité ? Où se trouvent les failles exploitées par les trafiquants et les braqueurs ?

Dans les aéroports américains, le système d’habilitations est totalement automatisé et ne prend aucune logique humaine en compte. Le plus grand danger vient donc du personnel de l’aéroport, à tous les niveaux.

En Europe, et en France en particulier, les habilitations prennent beaucoup plus en compte le facteur humain. Il est donc beaucoup plus difficile pour les terroristes ou les mafieux de s’approprier le système de sécurité. Mais les hommes étant ce qu’ils sont, et surtout lorsque beaucoup d’argent est en jeu, on ne pourra jamais faire disparaître toute porosité.

Structurellement, comment fait-on pour faire entrer et sortir illégalement des biens ?

Le plus simple consiste à soudoyer ou faire chanter le personnel au sol : bagagistes, femmes de ménage, mécaniciens, etc. Toutes les personnes qui se promènent librement autour des avions, à pieds ou en en véhicule.

La corruption se fait à tous les niveaux, avec des variations selon les pays. Sur les compagnies américaines, les équipages participent régulièrement aux trafics. La direction des compagnies n’est pas concernée, puisqu’elle n’a pas d’accès direct à l’avion. Un responsable de piste est beaucoup plus intéressant, car il peut aller et venir où, quand et avec ce qu’il veut dans les mains.

Celles-ci pourraient-elles aussi servir à des visées terroristes ?

En théorie oui, mais les terroristes disposent de moins d’argent pour mener ce type d’opération. Indéniablement, la drogue rapporte plus que le fait de se faire exploser dans un avion. Les trafiquants, eux, sont constitués en une industrie dont les flux sont quotidiens et particulièrement rodés. Les problématiques des terroristes et des criminels sont donc très différentes.

Les organisations criminelles ont-elles leurs "entrées" dans toutes les zones aéroportuaires ? Le personnel est-il fiable ? Comment s’assurer qu’il le soit ?

En la matière, la fatalité gouverne. Les policiers courront toujours après les voleurs, et ne les attraperont jamais tous. Les coûts financiers pour assurer une bonne sécurité sont très élevés, et les règles appliquées peuvent être particulièrement chronophages. Le 11 septembre 2011, par exemple, le survol des Etats-Unis avait été interdit. Cependant, General Motors et Ford ont fait pression pour que cette interdiction soit levée au plus vite, car l’économie était mise en péril. Sauf que la sécurité totale ne peut exister qu’à parti du moment où aucun avion ne vole. Le risque est donc inévitable.

Il fut un temps, les Américains souhaitaient installer leurs dispositifs de contrôle sur notre propre sol. Personne n’a accepté que des policiers et des douaniers viennent fouiller des Européens sur leur propre sol et puissent les y arrêter. Ce serait l’une des mesures de sécurité les plus extrêmes qui soient, et elle a effectivement fait l’objet de discussions.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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