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Pourquoi l'exploitation pétrolière restera rentable encore très longtemps
©Reuters

Elémentaire, mon cher Watson

Les majors de l'industrie pétrolière annoncent régulièrement la découverte ou la mise en exploitation de nouveaux gisements dans des conditions toujours plus extrêmes.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Au vu des récents gisements mis à jour par plusieurs grands groupes pétroliers, comment expliquer que la durée des stocks disponibles de pétrole soit sans cesse allongée ?

Stephan Silvestre : Pour ce qui concerne les compagnies pétrolières nationales, c’est-à-dire les Etats pétroliers, l’évaluation des réserves relève de la stratégie et de la géopolitique. Le facteur dominant étant l’allocation de quotas de l’Opep, qui est indexée sur les réserves prouvées des Etats. Donc plus ces réserves sont élevées et plus ils peuvent produire. Pour les compagnies privées, les majors, il faut comprendre que leurs valorisations boursières sont très dépendantes des réserves dont elles disposent dans leurs concessions. En effet, elles tirent leurs revenus actuels de gisements anciens, dont beaucoup sont en voie d’épuisement. Leurs performances financières futures dépendent donc de leurs nouveaux gisements. C’est la raison pour laquelle elles doivent sans arrêt investir massivement dans l’exploration et annoncer régulièrement leurs découvertes lors de leurs présentations financières. Les gisements les plus faciles à exploiter étant déjà tous connus, elles doivent soit en découvrir de nouveaux au moyen de technologies toujours plus sophistiquées, soit améliorer le rendement des champs connus, là aussi avec de nouvelles technologies de forage, notamment en eaux profondes ou dans les régions nordiques.

Les progrès technologiques (deepwater, pré-salifaire, FPSO, flexibles, etc.) permettent-ils systématiquement d'exploiter de façon rentable de nouveaux gisements toujours plus difficiles d'accès ?

Ces nouvelles technologies ont deux types de vertus aux conséquences divergentes sur les prix. Dans la phase développement, elles permettent d’améliorer les conditions d’extraction des gisements difficiles. Elles ont donc un impact positif sur la rentabilité des puits en baissant les coûts d’exploitation. En revanche, dans la phase d’exploration, elles permettent surtout de détecter de nouveaux gisements en vue d’augmenter les réserves exploitables des compagnies. Mais ces gisements s’avèrent souvent très onéreux à exploiter (comme en Arctique) et certains finissent même par être abandonnés.

Le pétrole profite-t-il d'un échec (momentané ?) du coût d'exploitation des autres énergies concurrentes comme le solaire, l'éolien et le gaz de schiste ?

Non. Le pétrole est très peu en concurrence avec ces énergies. La grande majorité de la production est destinée aux transports, pour lesquels il existe très peu d’alternatives. Seuls les biocarburants peuvent venir en concurrence. Mais leurs volumes de production, avec 1,5% du marché des carburants, sont encore très loin de pouvoir influencer le marché du pétrole.

Pour la production d’électricité, le gaz constitue une alternative au pétrole. Actuellement, son prix de revient est très inférieur au pétrole : alors que ce dernier dépasse les 100 $/baril sur les marchés, le gaz se négocie l’équivalent de 55 $/baril en Europe et seulement 20 $ aux Etats-Unis. Et les prix du gaz resteront bas, d’une part en raison de l’offre croissante en gaz, conventionnel ou non, et d’autre part en raison de la concurrence faite par le gaz liquéfié aux gazoducs.

La stratégie de maintien des prix de l'Opep entretient-elle la compétitivité du pétrole, et pour combien de temps ?

En réalité, il existe des forces divergentes dans l’Opep. Certains producteurs aimeraient produire davantage, alors que d’autres militent pour une hausse des prix, pour des raisons à la fois économiques et politiques. Au final, c’est l’Arabie saoudite qui joue l’arbitre car elle seule dispose d’une marge de manœuvre pour jouer sur le marché. Or, l’Arabie saoudite se satisfait des prix actuels, assez hauts pour générer de belles rentes aux producteurs, mais pas trop pour éviter un coup de frein sur la demande. Elle veille donc à maintenir un équilibre entre rente et demande. Le prix des autres énergies est assez secondaire, tant que celles-ci n’entrent pas en concurrence frontale avec le pétrole. Pour le moment, seuls les biocarburants pourraient jouer ce rôle. Or, ceux de première génération ont été stoppés dans leur ascension pour cause de conflit d’usage avec les cultures vivrières. Ceux de deuxième génération (à partir de bois et de déchets) ont du mal à atteindre des rendements élevés qui leur permettraient de se substituer au pétrole. Quant à la troisième génération (à partir d’algues), il va lui falloir encore beaucoup de R&D et d’investissements avant de pouvoir envahir le marché.

Propos recueillis par Pierre Havez

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