François Hollande pense pouvoir limiter la casse aux municipales mais à quel prix ?<!-- --> | Atlantico.fr
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"Limiter la casse pour la majorité consiste semble-t-il à éviter une défaite très symbolique à Paris".
"Limiter la casse pour la majorité consiste semble-t-il à éviter une défaite très symbolique à Paris".
©Wikipédia commons

Pari risqué

Le Parti socialiste (PS) parie que les triangulaires avec le Front national (FN) seront fatales aux candidats de droite, mais elles pourraient également handicaper la gauche.

Xavier  Chinaud

Xavier Chinaud

Xavier Chinaud est ancien Délégué Général de démocratie Libérale et ex-conseiller pour les études politiques à Matignon de Jean-Pierre Raffarin.

Aujourd’hui, il est associé du cabinet de stratégie ESL & Network.

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Atlantico : Dans un article intitulé "Hollande ne craint pas une vague bleue" Le Parisien révèle que le président de la  République espère que le PS limitera la casse aux élections municipales. François Hollande parie que les triangulaires avec le FN seront fatales aux candidats de droite. A-t-il raison de faire ce pari ?

Xavier Chinaud : La "vague bleue" ne semble pas vu d’aujourd’hui un scenario probable. Si l’opposition devrait reconquérir des villes en plus grand nombre qu’elle ne devrait en perdre, l’étude des communes de plus de 30.000 habitants laisse penser qu’à défaut d’une victoire à Paris, la balance gain/perte pour l’UMP n’irait pas au-delà d’une quinzaine de villes et concernerait principalement des communes ayant basculé à gauche aux dernières municipales.

"Limiter la casse" pour la majorité consiste semble-t-il à éviter une défaite très symbolique à Paris, à cacher par une conquête dans une des  plus grandes communes de France la perte probable de villes plus nombreuses ailleurs, à relativiser la lecture des résultats par rapport à l’excellent cru que fut 2008 pour le PS…

Au-delà d’un "pari" (voir ci-après), F. Hollande qui sait que les élections intermédiaires ne sont jamais bonnes pour le pouvoir en place et qui s’est sans doute déjà fait une raison à l’aune de sa popularité actuelle, oscille dans les propos qui lui sont prêtés dans Le Parisien, entre "wishful thinking" et "méthode Coué".

Au regard de la carte électorale, combien de triangulaires peut-on prévoir entre les deux tours ? 

Sous réserve que le FN soit en mesure de présenter des listes dans toutes les grandes villes, on peut estimer que dans environ 80 des 240 plus grandes villes de France (plus de 30.000 habitants) les candidats de l’extrême droite puissent espérer être en état de se maintenir, soit dans un tiers de ces communes.

Dans un grand nombre de villes de taille intermédiaire, un FN passant le seuil de présence au second tour est aujourd’hui possible.

Il y aura donc probablement des triangulaires, des quadrangulaires voir des duels avec le FN le 30 mars prochain.

Ces triangulaires pénaliseront-elles seulement la droite ou peuvent-elles également handicaper la gauche ?

Il me semble aussi inexact d’affirmer que le FN serait le seul cauchemar de la droite que d’affirmer le contraire, à savoir qu’il soit aujourd’hui le seul problème de la gauche.

Des situations différenciées se présenteront dans les grandes villes quant à la présence du FN au 2eme tour, on peut en imaginer quatre :

  • Des villes dans lesquelles le FN n’influerait pas sur le match de 2eme tour, l’avance de l’un des 2 autres "finalistes" étant suffisante pour s’assurer une majorité. Ce devrait être le cas dans des villes comme Troyes ou Saint Quentin par exemple.
  • Des villes dans lesquelles le FN ne "ferait pas" le gagnant du 2eme tour, mais pourrait entrainer une absence de majorité absolue dans le conseil municipal qui en découlera, scenario envisageable à Marseille à en croire les études actuelles et sans doute dans d’autres communes aujourd’hui dirigées par la gauche.
  • Des villes dans lesquelles le maintien du FN pourrait "sauver" un maire sortant pourtant en difficulté, il s’agit là plutôt de villes détenues par la gauche, mais pas seulement. Toulouse est une  ville dans laquelle le FN pourrait favoriser la réélection d’un P. Cohen (PS) pourtant affaibli.

  • Des villes dans lesquelles le maintien du FN pourrait faire battre un maire sortant, il s’agit là plutôt de villes détenues par la droite mais pas seulement, la ville d’Aix en Provence, sous réserve que la gauche soit capable de se réunir pourrait voir tomber la maire UMP sortante.

Le FN est dans la stratégie de "l’emmerdement maximum " pour les prochaines municipales, plus ses scores seront élevé, plus ils handicaperont et la majorité et l’UMP.

Si d’avantage de maires UMP que PS peuvent être inquiets d’un éventuel maintien de l’extrême droite au second tour, le parti du président et ses alliés ne peuvent pas espérer sauver tous leurs sortants en difficulté par ce type de calcul. Une triangulaire par exemple dans les villes d’Aubagne, de Tourcoing, ou d’Auxerre ne garantirait pas à leur maire de gauche sortant d’être réélu pour autant.

L’électorat de M. Le Pen est aussi composé d’électeurs issus de la gauche. De l’électorat qui est encore fidèle à cette dernière pourrait grossir l’abstention…donc non le score du FN aux municipales n’est pas que le problème de la droite.

Enfin les divisions, nombreuses encore aujourd’hui dans chaque camp et l’inconnu quant au contexte national qui prévaudra dans six mois doivent rendre les prédictions prudentes.

Combien de mairies le FN peut-il espérer emporter ?

Vu d’aujourd’hui, il ne semble pas que le FN puisse remporter une ville de plus de 30.000 habitants, par contre il peut espérer quelques succès peu nombreux dans des villes "moyennes" de ses historiques zones d’implantation ( PACA, Languedoc Roussillon voir dans le Nord pas de Calais etc..)

Si le président gagne son pari, quelles pourraient néanmoins en être les conséquences à plus long terme ?

La signification des municipales restera "relative" dans le face à face majorité/opposition si aucune vague (dans un sens ou dans l’autre) ne venait à se lever d’ici mars prochain. Par contre le nombre d’élus municipaux se reconnaissant derrière M. Le Pen et le niveau de l’abstention auront des conséquences sur les  élections qui suivront les municipales, à savoir les élections européennes et les sénatoriales.

François Hollande craint une flambée du populisme aux européennes de mai. Plus que les municipales, ces élections constituent-elles le vrai danger pour le PS ? Existe-t-il des précédents ?

Les élections européennes sont malheureusement un défouloir électoral en France, on se souvient du score de Michel Rocard dans le passé comme de celui de Nicolas Sarkozy en 1999, il serait surprenant que dans un climat aussi défiant, vis-à-vis de l’idée européenne comme de la représentation politique française, cela ne se traduise en juin prochain dans les urnes d’une manière ou d’une autre. Les anti-européens seront-ils en tête ? Le PS seul passera-t-il les 15% avec H. Désir ? Le centre s’émancipera-t-il de l’UMP? etc. etc.

N’aborder que frileusement la question européenne, renvoyer à après les élections les grandes lignes de ce que pourrait être sa (re)construction, maintenir un mode de scrutin abscons et nourrir les listes de recalés du suffrage hexagonal accentuera à n’en pas douter le risque d’un rendez-vous qui plutôt que d’être centré sur le devenir de l’Union le sera une fois de trop sur la petite politique hexagonale…comment donc s’étonner de la crainte que vous évoquez ?

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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