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La Scientologie à l'assaut du Japon
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En embuscade

La catastrophe humanitaire qui ravage le Japon a un double intérêt pour l'organisation : recruter de nouveaux adeptes, et soigner son image.

Emmanuel Fansten

Emmanuel Fansten

Emmanuel Fansten est journaliste et l'un des spécialistes de la Scientologie en France.  Il est l’auteur de Scientologie : autopsie d'une secte d'Etat (Robert Laffont, 2010).

 

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C’est la dernière mission des « ministres volontaires ». Les plus réactifs sont arrivés au Japon quelques jours seulement après le tremblement de terre qui a défiguré l’archipel. Facilement reconnaissables à leur gilet jaune floqué de l’emblème de la Scientologie - une croix à huit branches-, ces bénévoles ont fait le chemin depuis Los Angeles pour venir prodiguer leurs soins un peu particuliers. En clair, une procédure d’assistance par le toucher destinée à soulager la « partie spirituelle » de la blessure en rétablissant le contact entre l’âme et le corps. Autour des refuges, dans les zones les plus dévastées par le séisme, certains sont également chargés d’organiser les « lignes de flux ». Comprendre : mieux canaliser les énergies en présence. Dans un communiqué officiel, les héritiers de Ron Hubbard se targuent ainsi d’avoir déjà aidé plus de 48 000 sinistrés japonais.

Pilotée en haut lieu par les cadres de l’organisation, l’opération de com est parfaitement huilée. Car ces dernières années, les zones de catastrophes sont aussi devenues des lieux de prédilection pour la Scientologie. Ron Hubbard lui-même a théorisé cette stratégie pseudo-humanitaire dès la fin des années 70. Comme la lutte contre la drogue ou l’aide « spirituelle » apportée aux détenus dans les prisons, le programme des « ministres volontaires » était alors censé conférer à son organisation les apparats d’une religion. Le gourou est mort depuis vingt-cinq ans, mais sa stratégie est toujours appliquée à la lettre.

Après le tsunami indonésien, le cyclone Katrina à la Nouvelle Orléans ou le tremblement de terre en Haïti, le séisme japonais offre donc une nouvelle vitrine à l’organisation américaine. L’occasion pour ses bénévoles de distribuer massivement le « Chemin du bonheur », le code moral écrit par Hubbard pour renverser le « déclin de la civilisation ». Pourtant, malgré ce prosélytisme décomplexé, les populations sinistrées ont rarement les moyens financiers de se lancer dans la quête spirituelle proposée par la Scientologie. Le prix du salut est bien trop élevé pour les nécessiteux.

En revanche, le déploiement des « ministres volontaires » a largement fait ses preuves en termes d’image. En pratiquant le marketing humanitaire à grande échelle, la Scientologie a fait de ces opérations un véritable outil de propagande, n’hésitant pas à mettre en avant ses adeptes les plus connus pour relayer son message. Après les attentats du 11 Septembre, Tom Cruise avait ainsi financé un centre de désintoxication pour permettre aux pompiers new-yorkais de se libérer de leurs toxines grâce aux méthodes de Ron Hubbard. L’an dernier, c’est John Travolta qui était venu en personne épauler les survivants du séisme haïtien. Le cliché de l’acteur en sauveur scientologue descendant de son 707 sur le tarmac de Port-au-Prince avait alors fait le tour du monde.

Cette visibilité est une véritable aubaine pour la Scientologie, qui cherche par tous les moyens à redorer une image de plus en plus ternie par les scandales. Cible d’une enquête du FBI sur un possible trafic d’être humains aux Etats-Unis, l’organisation n’a de cesse de mettre en avant son engagement humanitaire pour justifier sa nature religieuse et échapper aux poursuites. Une politique désormais mise à mal par les nombreuses procédures judiciaires en cours, notamment en France. Condamnée en première instance pour escroquerie en bande organisée, la branche parisienne de l’organisation sera jugée en appel en novembre prochain. Un procès crucial au cours duquel la Scientologie ne devrait pas manquer de rappeler le dévouement de ses « ministres volontaires »…

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