En chute auprès des sympathisants UMP : François Fillon est-il en train de rater le pari de sa rentrée "dextrogyre"<!-- --> | Atlantico.fr
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François Fillon est désormais devancé par Alain Juppé dans les souhaits des sympathisants UMP pour 2017.
François Fillon est désormais devancé par Alain Juppé dans les souhaits des sympathisants UMP pour 2017.
©Reuters

Décalage

Un sondage Ifop/Atlantico publié ce samedi montre que l'ancien Premier ministre est passé, entre mars et septembre 2013, de 17 à 12% dans les souhaits des sympathisants UMP pour représenter le parti à l'élection présidentielle de 2017.

Guillaume  Bernard

Guillaume Bernard

Guillaume Bernard est maître de conférences (HDR) à l’ICES (Institut Catholique d’Etudes Supérieures). Il a enseigné ou enseigne dans les établissements suivants : Institut Catholique de Paris, Sciences Po Paris, l’IPC, la FACO… Il a rédigé ou codirigé un certain nombre d’ouvrages dont : Les forces politiques françaises (PUF, 2007), Les forces syndicales françaises (PUF, 2010), le Dictionnaire de la politique et de l’administration (PUF, 2011) ou encore une Introduction à l’histoire du droit et des institutions (Studyrama, 2e éd., 2011).

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Atlantico : En recueillant 62% des préférences chez les sympathisants UMP en cas de primaire pour 2017, Nicolas Sarkozy fait figure d'ultra-favori. En revanche, François Fillon (12%) est désormais devancé par Alain Juppé (13%). L'ancien Premier ministre paie-t-il sa prise de position concernant le FN ?

Guillaume Bernard : François Fillon passe effectivement de 17 à 12% de soutien auprès des sympathisants UMP entre mars et septembre 2013 ; cette rude chute (quasiment un tiers) est sans doute réelle (malgré les marges d’erreur des sondages). Cela dit, l’ancien Premier ministre a déjà connu des résultats en dents de scie (il n’atteignait que 11% en avril 2013). Il est donc tout à fait possible qu’il rebondisse.

L’enquête ne dit pas si ce sont les sympathisants de l’UMP qui sont favorables à des alliances avec le FN ou ceux qui y sont hostiles qui l’ont lâché. On ne peut donc pas avoir de certitude sur les raisons de l’actuelle chute.

>>>> Sondage Atlantico/Ifop : Souhaits des sympathisants UMP pour 2017 : Sarkozy progresse encore, Fillon chute et Juppé le devance

Les sympathisants UMP sont pourtant majoritairement favorables à des alliances avec le FN (cliquer ici pour consulter le sondage Atlantico/CSA). Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

Il est tout à fait possible que les dernières déclarations de François Fillon aient échaudé certaines personnes. Mais pas nécessairement dans le sens que vous laissez supposer (il payerait sa prise de position en étant lâché par des sympathisants opposés à des rapprochements avec le FN). Car François Fillon n’a nullement approuvé des alliances avec le FN, il n’a fait qu’enterrer, à nouveau, le "Front républicain".

Il est donc envisageable que des sympathisants de l’UMP se détournent de lui, non parce qu’il aurait ouvert des pistes de conciliation avec le FN, mais parce qu’ils n’ont vu, dans ses prises de position, qu’un simple jeu verbal signe d’une navigation à vue et d’une tactique politicienne à la fois interne au parti (parasiter la présidence Copé) et en vue d’un éventuel second tour à la présidentielle (pour capter des électeurs FN en n’apparaissant pas comme un irréductible ennemi mais comme un simple concurrent).

Ce sondage confirme-t-il la droitisation de l'UMP ?  

Il y a un an, lors des élections internes de ce parti, la motion de la droite forte était arrivée largement en tête ; si l’on y additionne le score obtenu par la droite populaire, ces deux motions représentent près de la moitié des adhérents. Par ailleurs, un récent sondage a montré que la moitié des sympathisants UMP étaient favorables à des alliances avec le FN aux élections locales. Au-delà de ce sondage portant sur les primaires, il n’y a donc pas de doute sur ce que vous appelez la "droitisation" de l’UMP et que je considère être une illustration du "mouvement dextrogyre".

L'une des surprises de ce sondage est également la percée d'Alain Juppé.

Alain Juppé passe effectivement de 9 à 13% entre mars et septembre 2013. Les diverses raisons qui peuvent expliquer cela convergent sur son image d’homme serein et expérimenté : il a été envisagé comme un recours pour éviter l’implosion du parti lors de la querelle pour la présidence de l’UMP à l’automne 2012 ; de même il apparaît comme le lien entre l’ancien RPR chiraquien et l’actuelle UMP que d’aucuns ne voudraient plus exclusivement sarkozyste. Cependant, cette percée doit être relativisée puisque la variation du score atteint par l’ancien Premier ministre s’inscrit dans la marge d’erreur des sondages (étant donné l’échantillon consulté, elle est de 3% pour un score avoisinant les 10%).

Cela dit, il n’est pas inutile de remarquer que les trois personnalités qui se dégagent (Sarkozy et, très loin derrière, Juppé et Fillon) sont celles qui ont exercé les deux principales fonctions de l’exécutif (président de la République et Premier ministre). Cela montre peut-être une difficulté pour les sympathisants de l’UMP à envisager des solutions novatrices, signe d’une forme de nostalgie pouvant dériver vers de l’hagiographie. Or, un pari n’existe pas seul : il évolue dans le cadre d’un système partisan.

Il faut donc nuancer l’importance (et surtout la fixation) de cette mesure de l’opinion des sympathisants de l’UMP car nous sommes encore à plus de trois ans de la prochaine élection présidentielle (si le mandat de François Hollande n’est pas interrompu). Bien des événements peuvent modifier ces résultats internes à l’UMP et, peut-être surtout, la place et la force de l’UMP sur l’échiquier politique. Les rapports de force partisans peuvent être profondément modifiés ; il va y avoir plusieurs élections intermédiaires : municipales, européennes, régionales. Et, bien entendu, la situation économique et sociale (évolution de la dette publique, de la fiscalité, du chômage, de l’insécurité, du multiculturalisme) pèsera plus que fortement dans la balance pour le choix d’un candidat (doctrine, programme, capacité à gagner) et son résultat à l’élection.

Qu'en est-il des autres candidats ? Comment l'expliquez-vous ?

Leur crédibilité parmi les sympathisants de l’UMP apparaît comme très résiduelle. Au cours des six derniers mois, aucun d’eux n’a dépassé les 5%. Ils sont même tous en baisse ! Il est vrai qu’ils ne distinguent guère par une identité doctrinale forte et claire.

Cependant, cela est quelque peu étonnant pour certains d’entre eux ; par exemple pour l’actuel président du parti, Jean-François Copé, alors qu’il dispose d’une réelle visibilité d’envergure. Il pâtit sans doute du fait qu’il apparaît comme labourant le même créneau de la droite décomplexée que Nicolas Sarkozy. C’est, par exemple, aussi le cas de Laurent Wauquiez qui s’est pourtant fait remarqué par un souci de conceptualisation et un effort de construction programmatique. Mais ses prises de position sur le fonctionnement interne du parti ont peut-être rendu son image auprès des sympathisants un peu floue.

Mais surtout, il est sans doute regrettable que ce sondage ne mesure l’audience d’aucun représentant de la droite forte et de la droite populaire. Car cela aurait en partie permis de savoir s’il y a ou non, dans l’esprit des sympathisants UMP, identification entre leurs positions et Nicolas Sarkozy.

Nicolas Sarkozy fait la course en tête, mais semble lâché par ses principaux soutiens. Peut-il tenir jusqu'en 2017 avec le seul soutien des militants ? 

Contrairement à Lionel Jospin qui s’était – pardonnez-moi cette formule un peu familière – tiré un peu vite une balle dans le pied au soir du premier tour de la présidentielle 2002, Nicolas Sarkozy s’est, lui, ménagé, au soir de sa défaite en 2012, la possibilité de revenir en politique. Dans son discours au soir du second tour, le président de la République sortant s’est adressé directement aux militants sachant bien que les cadres nationaux de son parti seraient ses principaux opposants et obstacles à son retour.

Mais, ce dernier est une équation à plusieurs inconnues. Deux d’entre elles peuvent être évoquées. La première : dans quel état électoral sera l’UMP ? Le traditionnel effet de balancier (l’opposition au niveau national gagne les élections locales) devrait jouer en sa faveur ; mais, c’est sans compter sur la progression du FN. Malgré leur réticence vis-à-vis de Nicolas Sarkozy, les figures nationales de l’UMP pourraient apparaître discréditées, ce qui laisserait à l’ancien président une grande marge de manœuvre.

La seconde : Nicolas Sarkozy se soumettra-t-il à la procédure des primaires ou (même s’il le fait) cherchera-t-il à n’être que le candidat de l’UMP ? Il est vrai qu’une campagne présidentielle est très lourde (ne serait-ce que financièrement…) et que la force d’un parti est quasiment indispensable. Mais, en période de crise, la politique ne se réduit pas au jeu des forces partisanes (qui peuvent être, idéologiquement, des auberges espagnoles) ; les blocs idéologiques reprennent donc de l’importance. Autrement dit, d’ici à 2017, le paysage politique peut être en partie recomposé et bien des scénarios sont donc envisageables.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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