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Hollande en chef de guerre au Mali : le bilan est-il à la hauteur de l'image ?
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Le désert des Tartares

François Hollande se rend ce jeudi au Mali pour l'investiture du nouveau président, Boubacar Keita, surnommé "IBK".

François Géré

François Géré

François Géré est historien.

Spécialiste en géostratégie, il est président fondateur de l’Institut français d’analyse stratégique (IFAS) et chargé de mission auprès de l’Institut des Hautes études de défense nationale (IHEDN) et directeur de recherches à l’Université de Paris 3. Il a publié en 2011, le Dictionnaire de la désinformation.

 

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Atlantico : François Hollande se rend ce jeudi au Mali pour assister à l’investiture du nouveau président, Ibrahim Boubacar Keita. Cette visite présente-t-elle des enjeux particuliers ? Le président français profite-t-il de cette visite pour tenter de faire oublier sa récente déconvenue syrienne ?

François Géré : Cette visite était prévue de longue date dès le résultat des élections maliennes. Il parait donc difficile de la relier à la crise syrienne. Nul doute que ce soit l’occasion de faire un peu oublier les moments difficiles de notre diplomatie au Proche-Orient. Le président entend rendre hommage au processus de réconciliation national et à affirmer son soutien à un gouvernement légitime. Ajoutons qu’accompagné de son ministre de la Défense, il vient aussi rendre un hommage appuyé aux forces armées françaises qui en ont bien besoin lorsque l’on regarde les projets assassins de dissolution de nos meilleures unités opérationnelles. Car sans elles l’opération de sauvetage de Bamako sous menace de la conquête jihadiste eut été irréalisable.

La stabilité est-elle pour autant revenue sur l’intégralité du territoire ? Des poches insurrectionnelles persistent-elles ?

De sérieux problèmes subsistent. Chaque semaine l’armée malienne découvre des caches d’armes qui pourraient être utilisées par les jihadistes, s’il leur était possible de revenir de manière organisée. Tombouctou demeure une ville précaire à la merci d’un rezzou (un raid soudain, par surprise) qui pourrait être dévastateur. Par ailleurs les relations demeurent tendues entre l’armée malienne et les Touaregs qui ne se considèrent pas comme des « rebelles » mais exigent que leur autonomie, sinon leur indépendance, soit respectée. Les militaires français et africains présents sur le terrain ont pour mission d’apaiser les tensions et si nécessaire de s’interposer.

Quels sont aujourd'hui les troupes en présence au Mali et quand la part française de celles-ci quitte-elle le pays ? Ce moment venu, des troubles peuvent-ils ressurgir ?

L’essentiel des forces françaises a quitté le territoire malien, notamment le matériel lourd. On sait cependant qu’à la fin 2013 et pour une durée indéterminée resteront au Mali environ un millier d’hommes. Mais le problème est moins quantitatif que qualitatif.

La France continuera à fournir au gouvernement malien le renseignement dont il a besoin afin de pouvoir anticiper des actions surprises et aussi de repérer d’éventuelles bases jihadistes à partir desquelles ces actions pourraient être lancées. La France demeurera comme les yeux et les oreilles d’un Mali pacifié et protégé par rapport à un voisinage qui reste très dangereux : le sud libyen  est incontrôlé. Toutes sortes d’armes lourdes continuent d’y circuler tandis que l’ensemble du pays connaît une très grave insécurité. Côté Nigeria, la situation est de nature différente mais pas moins grave car Boko Haram et ses métastases jihadistes de plus en plus nombreuses et radicales constituent une menace persistante de grande ampleur.

Enfin ces multiples dangers pèsent sur le sort de tous les expatriés, pas seulement les Français, pas seulement les Occidentaux. Regardez la Chine dont les ressortissants sont de plus en plus nombreux en Afrique. Pékin s’inquiète de leur sécurité qu’il lui faut organiser mais forcément en coopération avec les autres pays. Car tous ces étrangers constituent autant de proies, d’otages potentiels pour obtenir par la terreur et le chantage le départ des « infidèles » ou plus prosaïquement pour gagner l’argent des rançons. Les deux finalités ayant fréquemment tendance à se confondre. Au niveau national le président français se sent légitimement redevable de mettre en œuvre tous les efforts visant à préserver la vie des otages sans pour autant céder au chantage. On sait depuis longtemps l’extrême difficulté de cet exercice.

C’est pourquoi le Mali mérite d’être considéré comme un emblème de la tâche de longue haleine. Elle exigera une veille et une présence de la France, en soutien des gouvernements africains dont la responsabilité politique est première. En effet à la « France-Afrique » se substitue heureusement, mais non sans difficultés ce qu’il convient d’appeler « l’Afrique-Afrique ».

De graves troubles sont donc susceptibles de resurgir avec l’allègement du dispositif de protection du Mali. Or cela signifierait – et c’est quasiment certain -  que les causes d’instabilité et d’agression persistent. Il faut donc que le gouvernement malien prenne les mesures indispensables à la sureté du pays, condition nécessaire du retour à une prospérité quasiment oubliée.

D’une certaine façon, François Hollande est le porte-parole de tous les organismes européens et internationaux qui sont prêts à aider le gouvernement du Mali dans son effort de développement. Engagement forcément conditionnel placé sous garanties, mais dont la rigoureuse exigence n’est pas foncièrement différente de ce qui est aujourd’hui exigé de maints Etats européens en mal de redressement !

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