Explosion de la dette : comment pourrait-elle baisser à partir de 2015 comme le prévoit Pierre Moscovici ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La France devrait atteindre à la fin de 2014 un endettement record s’élevant à 95,1 % du PIB, soit 1 950 milliards d’euros.
La France devrait atteindre à la fin de 2014 un endettement record s’élevant à 95,1 % du PIB, soit 1 950 milliards d’euros.
©Capture d'écran

Vue de l'esprit

Aux chiffres de l'endettement record pour 2014 publiés le 16 septembre par le Figaro, Pierre Moscovici a déclaré que celui-ci baisserait à partir de 2015. Une nouvelle promesse du gouvernement qui semble plus relever de la méthode Coué que de la gestion des finances publiques.

Marc Touati

Marc Touati

Marc Touati est économiste et président fondateur du cabinet ACDEFI (aux commandes de l'économie et de la finance). Il s'agit du premier cabinet de conseil économique et financier indépendant au service des entreprises et des professionnels.

Il a lancé en avril 2013 la pétition en ligne Sauvez La France.com pour diminuer "les impôts", les "dépenses publiques superflues" et "retrouver le chemin de la croissance" afin de "sortir par le haut de cette crise".

Il est également l'auteur de Quand la zone euro explosera, paru en mars 2012 aux Editions du Moment. Son dernier livre est Le dictionnaire terrifiant de la dette (Editions du moment, mars 2013).
 

 

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Atlantico : Le Figaro a révélé lundi 16 septembre que la France devrait atteindre à la fin de 2014 un endettement record s’élevant à 95,1 % du PIB, soit 1 950 milliards d’euros. Le ministre de l’économie Pierre Moscovici a réagi en déclarant qu’un « maximum » serait atteint avant de décroître à partir de 2015. Qu’est-ce qui pourrait permettre à la dette française de baisser à partir de cette date ?

Marc Touati : Il faut vraiment que les membres du gouvernement et en particulier le Ministre de l’Economie arrêtent de prendre les Français pour des candides et cessent de faire des promesses qu’ils ne peuvent pas tenir. Tout d’abord, l’atteinte de la barre des 2000 milliards d’euros par la dette française en 2014 n’est pas une nouveauté. Je l’annonçais déjà dans mon dernier livre « Le dictionnaire terrifiant de la dette » publié en mars dernier. Pourtant, je ne suis qu’un simple économiste issu des cités HLM d’Orly et qui n’a pas eu la chance d’intégrer les écoles prestigieuses telles que l’ENA ou Polytechnique. C’est d’ailleurs à se demander ce qu’on y enseigne, car, en tant que bon énarque, M. Moscovici devrait tout de même savoir qu’il n’est possible de baisser la dette publique qu’en générant des excédents publics. La dernière fois qu’un grand pays a baissé sa dette publique c’était aux Etats-Unis à la fin des années 1990 et début des années 2000, grâce à la croissance forte des années 1990 et à un excédent primaire (c’est-à-dire hors charge d’intérêt de la dette) de 1995 à 2001.

Or, même en embauchant David Copperfield à Bercy, le solde des comptes publics ne pourra pas passer d’un déficit de plus de 4,1 % en 2013 à un excédent en 2015. Surtout que la croissance est et restera faible. Depuis six ans, son niveau annuel moyen est de 0 % et ne devrait guère dépasser les 0,8 % de 2013 à 2015. Un niveau hautement insuffisant ne serait-ce que pour assurer chaque année le paiement des intérêts de la dette. Autrement dit, pour financer ces derniers, l’Etat doit encore s’endetter. C’est ce que l’on appelle la bulle de la dette, c’est-à-dire que cette dernière s’autoalimente. Pis, jusqu’à présent, l’Etat français a pu bénéficier de taux d’intérêt artificiellement bas pour financer ses déficits. Depuis quelques mois, ceux-ci se tendent et vont continuer de croître au cours des prochains trimestres. Autrement dit, nous sommes très loin du cycle idyllique annoncé par M. Moscovici. Bien sûr, tout gouvernement a pour habitude d’utiliser la méthode Coué. Seulement voilà, s’il est normal de rester optimiste, il faut avant tout devenir réaliste.

D’après les prévisions du gouvernement, « le ratio de la dette diminuera de 2 points par an en moyenne », grâce au « retour à un équilibre structurel des finances publiques et une croissance de l’activité de 2% en volume. » Ces arguments suffisent-ils à étayer les déclarations du ministre ? Pourquoi ?

Cela fait plus de vingt ans que tous les gouvernements ont bâti leurs prévisions de déficit et de dette sur une croissance d’environ 2 %. Avec les piètres résultats que l’on sait. De 20 % en 1980, le ratio dette publique/PIB est passé à 60 % au début de la décennie 2000 à bientôt 100 %. Car, ne nous leurrons pas, compte tenu de la persistance d’une croissance faible et d’un déficit structurel élevé, la dette publique continuera de flamber. Encore une fois, nous avons tous envie de croire à une accélération de la croissance et à l’avènement d’une ère d’excédents publics, seulement voilà, nous ne vivons pas dans le monde des Bisounours. Et surtout, pour relancer la croissance, il faut prendre des mesures adéquates. Or, l’augmentation des impôts et des dépenses publiques va exactement dans le sens inverse.

L’emploi du qualificatif « maximum » pour la dette publique ne constitue-t-il pas un abus de langage de la part du ministre de l’Economie ? Quel impact cette assertion peut-elle avoir sur la crédibilité financière de la France ?

Une fois encore, le gouvernement joue avec la faible culture économique des Français, qui est d’ailleurs alimentée à l’envi par l’Éducation nationale et par de trop nombreux médias. Il faut être clair : l’idée d’une dette publique maximum, c’est-à-dire qui ne pourrait aller au-delà d’un certain niveau, n’a aucun sens. Avec un ratio dette publique/PIB de 240 %, le Japon en sait quelque chose. Tant que la croissance structurelle n’est pas relancée et que les déficits publics restent la norme, la dette publique va forcément continuer d’augmenter. Les trous béants « de la sécu » et de la retraite ne vont évidemment pas arranger les choses. D’autant que la réforme a minima de la retraite par répartition est déjà caduque et aura comme principal effet d’accroître la dette publique. De plus, n’oublions pas que, par convention comptable, la dette publique française (comme ses homologues européennes d’ailleurs) n’intègre pas le « hors-bilan », c’est-à-dire le paiement des retraites des fonctionnaires. Si tel était le cas, nous serions déjà autour des 120 % du PIB.

En conclusion, à force de formuler des promesses intenables et de pratiquer de tels effets d’annonce qui tiennent davantage de l’abus de langage que de l’analyse économique, le gouvernement français réduit le peu de crédibilité qui lui reste. Dans ce cadre, il faut se préparer à une sanction qui sera lourde de conséquences : dans les tous prochains mois, la note de la dette publique française sera nettement abaissée. Même si les agences de notation ne sont plus très crédibles également, cela suscitera une forte remontée des taux d’intérêt des obligations à dix ans de l’Etat français, au moins à 3,5 %. Dès lors, l’investissement et la consommation reculeront de plus belle, avec in fine, le retour fracassant de la récession. Comme celles de ses prédécesseurs, les prévisions de M. Moscovici finiront donc aux oubliettes. Eh oui, en économie, comme en géopolitique, ce qui compte ce ne sont pas les mots, mais les actes…

Propos recueillis par Gilles Boutin

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