Comment la classe politique et les médias se prennent encore les pieds dans le tapis en mélangeant le bijoutier de Nice, le FN et ses électeurs<!-- --> | Atlantico.fr
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Ce sont les milieux les plus populaires et les plus exposés à la violence qui s’identifient le mieux à la détresse d’un homme ou d’une femme qui est dépouillé du fruit d’années, de décennies de travail.
Ce sont les milieux les plus populaires et les plus exposés à la violence qui s’identifient le mieux à la détresse d’un homme ou d’une femme qui est dépouillé du fruit d’années, de décennies de travail.
©Flickr

Réflexe pavlovien

En voyant dans la pétition de soutien au bijoutier de Nice une manipulation du FN, une bonne partie de l'intelligentsia française choisit encore la politique de l'autruche face aux mécontentements sociaux.

Maxime  Tandonnet et Sylvain Saligari

Maxime Tandonnet et Sylvain Saligari

Maxime Tandonnet est un haut fonctionnaire français, qui a été conseiller de Nicolas Sarkozy sur les questions relatives à l’immigration, l’intégration des populations d’origine étrangère, ainsi que les sujets relatifs au ministère de l’Intérieur.

Il commente l'actualité sur son blog personnel.

Sylvain Saligari est avocat au barreau de Paris. Il est spécialisé dans le droit d'asile.

Voir la bio »

Atlantico : L'affaire du bijoutier de Nice semble avoir révélé une certaine incompréhension médiatique, ce phénomène étant le premier du genre en France entrainant un soutien massif des internautes à la suite d'un fait divers. Si l'affaire a clairement été exploitée par le FN, peut-on dire que ce phénomène se limite aux simples électeurs frontistes ?

Maxime Tandonnet : Il me semble inconcevable d’attribuer à un parti quelconque le succès de la pétition de soutien au bijoutier de Nice. Elle a circulé sur Facebook et de multiples réseaux communautaires, blogs et sites les plus divers dont la plupart n’ont strictement aucun rapport avec une formation politique. Cette mobilisation sur le net est spontanée. Vouloir la rattacher à une structure partisane centralisée relève de ce que Raoul Girardet qualifie de « mythe du complot ». Cet amalgame montre la difficulté d’une partie des élites politiques et intellectuelles à comprendre et accepter la « révolution Internet », la capacité de centaines de milliers de personnes à se mettre en réseau et à se mobiliser spontanément, sans leur intermédiaire. L’affaire du bijoutier de Nice marque une exaspération générale autour de la délinquance violente et des doutes envers la réponse judiciaire qui lui est donnée. Les Français ont parfaitement conscience que nul ne doit se faire justice lui-même, au risque de légitimer la vengeance et une spirale de chaos. Mais dans cette affaire, on voit s’affirmer une colère populaire qui prend le pas sur la raison légaliste.

Plus largement, le ras-le-bol sécuritaire est-il un sentiment que l'on ne retrouve qu'à droite ?

Bien sûr que non. Le bijoutier de Nice, tel qu’il est apparu sur les écrans de télévision, ne donnait pas l’impression, que l’on sache, d’une origine sociale aisée et privilégiée. Ce sont les milieux les plus populaires et les plus exposés à la violence qui s’identifient le mieux à la détresse d’un homme ou d’une femme qui est dépouillé du fruit d’années, de décennies de travail, parfois même privé de sa vie, par des malfaiteurs. Le sentiment d’injustice est alors insupportable. Le clivage n’est pas entre droite et gauche mais entre, d’une part, les Français les plus à l’abri de la violence, vivant dans les beaux quartiers, scolarisant leurs enfants dans les établissements protégés, travaillant en bureau, et d’autre part ceux qui vivent au quotidien les agressions et la criminalité, en particulier les petits commerçants.

Reléguer une telle colère aux extrêmes de la sphère politique n'est-il pas à terme un jeu dangereux pour les élites ?

Mais si ! Les milieux influents – politiques, administratifs, intellectuels, médiatiques – fonctionnent depuis 30 ans sur un mode pavlovien. Dès qu’ils sentent la majorité silencieuse, la conscience populaire s’éloigner de leurs dogmes, ils jouent sur la diabolisation. Ce phénomène est particulièrement évident en matière de sécurité, d’immigration, et de transferts de compétences à Bruxelles comme nous l’avons vu lors du référendum de 2005. Celui qui dévie du droit chemin est aussitôt accusé de « reprendre les idées extrémistes» avec tout ce que cela implique... Ce raisonnement est terriblement pernicieux car il place justement l’extrémisme au cœur du jeu politique, fait de lui la pierre angulaire du débat idéologique et favorise sa poussée électoraliste. L’aveuglement des supposées « élites » à cet égard est sidérant, invraisemblable…

Comment expliquer que cet "autisme" médiatico-politique perdure alors que le FN pèse dans la vie politique française depuis bientôt 30 ans ?

Je l’explique par un conservatisme naturel, la crainte des remises en question, le conformisme de la pensée, notamment du côté des intelligences supposées et surtout une logique de défense des rentes de situation. Pour conserver, de décennie en décennie, les circonscriptions, sièges, mandats électifs, place d’apparatchik dans un parti politique ou sur un média, il faut congeler au maximum le débat d’idées, éviter de prendre des risques, figer les situations politiques, créer des tabous, des interdits, des espaces de diabolisation, d’assimilation à l’extrémisme, et faire en sorte que chacun se tienne droit dans la ligne. L’extrémisme profite à plein de cette sclérose politique et idéologique. Un espoir toutefois : Internet peut contribuer à changer la donne en permettant aux citoyens d’exercer une influence en dehors de l’intermédiaire des formations politiques

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