Combien de temps les médicaments resteraient-ils moins cher en grande surface ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un telle mesure pourrait faire baisser les prix des médicaments de 30% environ.
Un telle mesure pourrait faire baisser les prix des médicaments de 30% environ.
©Reuters

Illusion

Le ministre de la Consommation Benoît Hamon a annoncé mardi 10 septembre que le gouvernement allait émettre un "avis favorable" sur un amendement en faveur de la vente des tests de grossesse et d'ovulation hors des pharmacies.

Claude Le Pen

Claude Le Pen

Claude Le Pen est un économiste français, professeur à l'université Paris-Dauphine où il dirige le master d’économie de la santé. Il est président du Collège des économistes de la santé.

 
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Atlantico : Le ministre de la Consommation Benoît Hamon a annoncé mardi 10 septembre que le gouvernement allait émettre un "avis favorable" sur un amendement en faveur de la vente des tests de grossesse et d’ovulation hors des pharmacies. Le but est de faire baisser les prix du produit pour que le consommateur y ait accès plus facilement. Si les médicaments venaient à être commercialisés par les grandes surfaces, combien de temps resteraient-ils moins chers ? Peut-il y avoir une rentabilité pour les distributeurs ?

Claude Le Pen : Il est difficile de dire combien de temps un médicament pourra être moins cher et est-ce qu’il pourra véritablement être moins cher. Les officinaux ont un problème économique en ce moment, ils gagnent moins d’argent sur le médicament de prescription parce que le gouvernement fait baisser les prix, les marges sont limitées et ils gagnent plus d’argent sur des médicaments qui ne sont pas des médicaments de prescription où les marges sont libres, comme le test de grossesse. Qu’il y ait une réduction des marges en grande surface, que le médicament puisse être considéré comme un produit d’appel et un produit de prestige pour donner à la grande surface l’image d’un commerce qui s’intéresse à la concurrence, pourrait faire baisser les prix des médicaments de 30% environ. Sur un test de grossesse par exemple, il n’est pas exclu que les marges officinales soient de 40% à 50%. Cela laisse une marge à un distributeur type grande surface pour vendre ses produits. Comme prévoyait une recommandation de l’autorité de la concurrence, il faut un pharmacien conseil y compris en grande surface. Dans ce cas, il faudra le payer alors que dans l’officine, il est déjà rémunéré. On peut se demander s’il y aura un volume suffisant ou encore combien de jeunes femmes vont se précipiter dans les grandes surfaces pour acheter des tests de grossesse. Toutes les grandes surfaces ne pourront pas le faire, il faudra étudier la population. Le coût de mise à disposition du produit est important avec l’obligation du pharmacien.

Il y a aussi un problème de traçabilité et de surveillance. Sur un test de grossesse, il y a peu de risques mais sur un médicament, il y a toujours un risque. Pour l’instant le pharmacien est responsable et c’est lui qui repère et rapporte les effets secondaires à l’Agence du médicament. Dans le cas d’un effet secondaire, quelle serait la responsabilité du distributeur ?

Si on se lance dans la vente de médicaments en grande surface, on soulève plusieurs problèmes théoriques, économiques, éthiques. Le succès économique d’une telle mesure n’est pas garanti.

Dans les pays où la vente de médicaments est autorisée en grande surface, quelle est la situation ?

Ce qui est autorisé en grande surface, c’est le médicament sans ordonnance. Pour un médicament avec ordonnance, la situation est plus compliquée. Il y a des pays dont l’Angleterre dans lesquels des médicaments sur ordonnance sont autorisés dans les grandes surfaces avec des pharmaciens dans un rayon clos. Il faut se demander si le médicament est vendu en officine ou en grande surface et est-ce qu’il est vendu par un pharmacien ou un vendeur classique. Ce n’est pas parce qu’on est en grande surface que ce n’est pas un pharmacien qui vend le produit. En général, les médicaments vendus à l’étranger ailleurs que dans les pharmacies ne sont pas chers. Ces produits là en France ne sont pas très chers non plus. En France, il y a toujours l’idée qu’il ne faut pas "marchandiser" la santé. Banaliser le médicament et en faire un produit de consommation courante ne correspond pas forcément à ce qu’on veut.

Est-il possible qu’un développement de la concurrence ait lieu dans le secteur des médicaments ?

Il y a beaucoup de concurrence dans les médicaments. Le marché des médicaments sans ordonnance est très concurrentiel. Les effets de marque comptent beaucoup dans le médicament sans ordonnance. Dans le médicament de prescription, c’est moins le cas. Le monde de la santé n’aime pas beaucoup la concurrence mais il y en a quand même notamment entre les producteurs (laboratoires) mais peu au niveau des distributeurs (pharmacies).   

Si les médicaments étaient commercialisés en grande surface, se pourrait-il qu’ils soient concernés de la même manière par une baisse de prix ?

Non. Dans une économie concurrentielle, les produits qui répondent à une plus forte demande des consommateurs sont plus chers que les autres. On pourrait imaginer des politiques de différentiation des prix en fonction de l’offre et de la demande. On pourrait baisser les prix sur les produits peu demandés et augmenter les prix des produits très demandés. On ne serait pas dans un univers de prix unique ni entre pharmacies ni entre produits.

Propos recueillis par Karen Holcman

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