Recyclage des politiques à la télévision : plus qu’un problème de mélange des genres, l’avènement de l’information-spectacle<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Danseuses du cabaret du Moulin Rouge.
Danseuses du cabaret du Moulin Rouge.
©Reuters

Editorial

Jeannette Bougrab, Daniel Cohn-Bendit ou encore Frédéric Mitterrand sont devenus chroniqueurs dans des émissions télévisées ou des matinales de radios.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

Voir la bio »

« Je ferai aimablement remarquer aux hommes politiques qui me prennent pour un rigolo que ce n’est pas moi qui ai commencé ». En 1981, la (presque) candidature de Coluche à l’élection présidentielle en avait fait rire plus d’un (parfois jaune…).

En cette rentrée 2013, c’est un autre mélange des genres qui provoque une polémique, celui des responsables politiques recyclés en chroniqueurs dans des émissions télévisées ou des matinales de radios.

Roselyne Bachelot avait ouvert le bal dès l'année dernière en rejoignant Laurence Ferrari et Audrey Pulvar dans l’émission phare de la chaîne D8. Cette année, l’ancienne ministre de l’Ecologie puis de la Santé (qui rempile et annonce qu’elle souhaite maintenant obtenir la carte de presse) est suivie par Jeannette Bougrab, ancienne secrétaire d’Etat à la Jeunesse de François Fillon, qui rejoint Antoine de Caunes sur le plateau du Grand Journal de Canal+ et par le député européen Daniel Cohn-Bendit, qui signe désormais un billet dans la matinale d’Europe 1. Frédéric Mitterrand, ancien ministre de la Culture, est un cas à part puisque sa présence sur les ondes de France Inter pour un entretien quotidien avec une personnalité s’apparente plus à un retour aux sources qu’à une reconversion.

Il ne s’agit évidemment pas, comme l’ont affirmé un peu péremptoirement certains médias, de la « tendance de la rentrée » (trois ou quatre personnes, c’est un peu court pour faire une tendance), mais le phénomène illustre tout de même l’évolution des médias audiovisuels : celle du spectacle qui prend le dessus sur l’information. Car le problème dans cette affaire est bien moins celle de la consanguinité des journalistes avec les politiques que celui de la forme qui vient encore une fois de coller un bon uppercut au fond.

Cette arrivée de responsables politiques en lieu et place de professionnels de la presse ravive bien sûr le sentiment de connivence entre ces deux mondes, sentiment pas très éloigné de l’idée d’un « club politico-médiatique », pas très éloignée elle-même du « tous pourris ». De fait, ces embauches prouvent qu’une proximité existe. Pourtant, non, tous les journalistes ne couchent pas avec les politiques et vice-versa.

Plus graves sont les raisons qui poussent les chaînes de télévision ou les stations de radio à recruter ces politiques. Pour la valeur ajoutée de leurs analyses et la pertinence de leurs opinions ? Avec quelqu’un comme Daniel Cohn-Bendit, élu au parlement européen et qui continue de faire de la politique, les limites de l’exercice risquent d’être rapidement atteintes, à fortiori avec les échéances électorales des municipales qui approchent à grands pas. Pourquoi Europe 1 offre-t-elle une tribune quotidienne à Europe-Ecologie-Les Verts plutôt qu’à une autre formation politique ? Pour Roselyne Bachelot, qui commente sur le plateau du Grand 8 la couleur des derniers strings à la mode ou la taille des pénis (qui baisse, nous explique-t-elle…), l’explication ne tient guère, pas plus que pour Jeannette Bougrab qui, sans vouloir l’offenser, n’a pas marqué son passage au gouvernement par ses réformes ou l’originalité de ses prises de position.

Non, ce qui plaît aux médias, c’est la publicité gratuite et intrinsèque au fait d’asseoir au milieu de leurs journalistes des personnalités connues et reconnues du public et le fait que ces politiques sont de « bons clients », habitués à la prise de parole devant une caméra ou un micro (on fait simple, on fait avec des images plutôt qu’avec des concepts, on fait court…). Les médias américains ont franchi le pas depuis plusieurs années déjà en embauchant d’anciennes stars de la politique pour doper leurs audiences. Les chaînes télé et les radios françaises reprennent maintenant ces ingrédients pour en faire leur propre recette : un « journalisme » politique cuisiné à base de pseudo coups de gueule, de faux éclats de rire et de performances de comédiens.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !