Comment éviter d'être pris au piège d'un viager<!-- --> | Atlantico.fr
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Attention aux pièges du viager !
Attention aux pièges du viager !
©Flickr

Decod'Eco

La vente en viager n’a pas toujours bonne réputation : certains y ont fait de bonnes affaires... mais d’autres y ont presque laissé leur chemise !

Fabrice  Coletto-Labatte

Fabrice Coletto-Labatte

Fabrice Coletto-Labatte est chargé de cours en fiscalité immobilière au sein de l'université Toulouse 1 Capitole, il édite également des guides fiscaux thématiques.

Ses analyses sont régulièrement publiées dans la lettre gratuite Protection & Rendements, mais aussi dans le sur Moi, Contribuable.

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Tout le monde conserve en mémoire l’inoubliable et savoureux film Le viager de Pierre Tchernia, servi par un quatuor de talent -- Serrault, Galabru, Darras et Rosy Varte --, dans lequel le crédit-rentier, l’indestructible Martinet enterra tour à tour les débit-rentiers. Ce film sorti en 1972 eut un tel succès que certains lui attribuèrent le relatif déclin de la vente en viager à partir des années qui suivirent…

Pour les littéraires, le viager évoque cette nouvelle de Guy de Maupassant, Le petit fût, que je vous conseille de lire ou de voir tant l’histoire est narrée avec cynisme mais non sans humour… Il est un fait que la vente viagère s’apparente, du moins pour l’une des parties cocontractantes, à une convention "à vœux de mort" (ou votum mortis), littéralement, ce que Portalis, grand juriste de la Révolution française, tenait pour ignoble.
La technique de la vente viagère emprunte la voie d’un contrat aléatoire reposant sur deux anticipations économiques contradictoires : l’un des signataires désireux de percevoir sa rente le plus longtemps possible… tandis que l’autre la paye dans l’espoir à peine dissimulé que cette situation de droit se prolongeât le moins longtemps possible !
Néanmoins, sur le plan du droit et de la pratique sociale, le viager nous rend bien des services que ce soit du côté vendeur ou du côté acheteur.
Depuis quelques années, la rente viagère revient à la mode :
  • Côté vendeur, c’est le vieillissement de la population, la dépendance sur fond de faillite imminente des régimes de retraite publics qui constitue l’un des moteurs ; sans compter demain des pensions mal revalorisées, voire rabotées avec le projet de réforme à venir, les enfants au chômage ou gagnant moins bien leur vie que leurs parents dont on pressent qu’ils seront incapables de payer le moindre cent en cas de placement en établissement médicalisé de leurs ascendants. Bref, le viager permet de mettre du beurre dans les épinards ou de financer une place en maison de retraite.

  • Côté acheteur, face à l’envolée du prix du mètre carré et à la raréfaction des prêts bancaires, l’achat en viager revient moins cher et permet de se positionner sur un bien immobilier en prévoyance.
Ce sont-là les raisons les plus évidentes.

Des motifs parfois plus brumeux...

Mais il y a aussi d’autres raisons moins avouables : les familles recomposées cherchent parfois un canal de transmission moins coûteux fiscalement pour aider l’enfant du nouveau conjoint, et finalement facile à mettre en oeuvre comparé aux autres solutions telles que l’adoption simple. 
En effet, pour que le fisc considère que l’adopté vient en ligne directe successorale (avec donc des droits de mutation favorables) il faut de strictes conditions : enfant du nouveau conjoint, réalité d’un lien familial, non-opposition d’enfant(s) du premier lit ; voire dans d’autres cas la nécessité de rapporter la preuve d’un entretien de l’adopté par l’adoptant ce qui se révèle très difficile en pratique.
Dans ces contextes plus brumeux survient l’idée de procéder à une vente viagère pour contourner la coûteuse loi fiscale des donations… mais avec bien des risques.
Oui, c’est tout cela le viager, une sorte de Janus au double visage :
  • Soit le contrat repose correctement sur des anticipations divergentes -- l’un veut percevoir la rente le plus longtemps possible et l’autre la verser le moins longtemps possible -- et on est bien en présence d’un contrat onéreux.
  • Soit il se fonde sur des anticipations convergentes : la survie du rentier n’a aucune importance puisque la rente ne sera pas réellement acquittée, l’objectif étant de contourner le prélèvement fiscal en faisant revêtir une apparence onéreuse à une opération en réalité nouée par l’affection entre deux personnes et fondamentalement gratuite.

Exploration du côté obscur du viager…

Au-delà du modèle économique, intervient parfois un élément affectif : en effet, il arrive que les parties à l’acte se connaissent antérieurement et s’apprécient à tel point que le contrat n’est plus conclu votum mortis mais ressorte d’une intention libérale déguisée en vente.
Côté fiscal il s’agit d’une fraude puisque vous espérez ainsi vous voir appliquer des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) au taux global de 5,09% plutôt que des droits de mutations à titre gratuit (DMTG) qui atteignent 60% entre non-parents ou parents éloignés. Sachant qu’en France on considère la proximité biologique entre une tante et son neveu comme une parenté lointaine frappée du taux de 55% de la valeur du bien. C’est donc ce différentiel entre les taux des DMTO et ceux des DMTG qui constitue une tentation de fraude.
Le fisc veille et même à défaut de preuve formelle, il peut se servir d’un faisceau d’indices dont l’accumulation finit par lui fournir une preuve indirecte pour réfuter la coloration onéreuse du contrat et fonder le redressement fiscal sur la base d’une donation entre vifs.
On peut distinguer deux familles de fraudes : celles que je qualifierais de déguisement pur et simple d’où les flux financiers sont absents, et celles plus élaborées consistant à user d’un contexte réel pour conclure et exécuter un contrat ayant vocation à se finir vite. 
Dans un cas comme dans l’autre, la conclusion fiscale est la même : abus de droit, donc redressement, pénalité et intérêts de retard.

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