La panne dans l’amitié franco-allemande nous révèle la réalité de la puissance française une fois ôtée la béquille germanique<!-- --> | Atlantico.fr
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La chancelière allemande Angela Merkel avec des béquilles lors d'une réception à la Chancellerie à Berlin.
La chancelière allemande Angela Merkel avec des béquilles lors d'une réception à la Chancellerie à Berlin.
©Reuters

Trou d'air

Les présidents français et allemand se sont recueillis le 4 septembre dans le village martyr d'Oradour-sur-Glane, près de 70 ans après le massacre de 642 habitants par une division SS. Mais depuis quelque temps les relations entre les deux pays ne semblent pas vraiment au beau fixe.

Henri de Bresson

Henri de Bresson

Henri de Bresson a été chef-adjoint du service France-Europe du Monde. Il est aujourd'hui rédacteur en chef du magazine Paris-Berlin.

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Atlantico : Malgré la symbolique poignée de mains d’Oradour-sur-Glane, les relations franco-allemandes semblent être quelque peu tendues. Est-ce que l’amitié franco-allemande n’est plus qu’un discours officiel sans réalité politique ?

Henri de Bresson : De la réunion commune des deux parlements à Berlin à la poignée de main d’Oradour sur Glanes entre les président François Hollande et Joachim Gauck, le cinquantenaire du traité de l’Elysée a cette année amplement donné aux dirigeants des deux pays l’occasion de réaffirmer l’importance de leur relation pour l’Europe.  C’est  autour d’eux ces dernières années que s’est élaborée la défense de la monnaie européenne, qui n’était pas gagnée d’avance et a suscité les tensions que l’on connaît sur les conditions de ce sauvetage et le rapprochement des politiques économiques et budgétaires européennes. L’amitié n’empêche les désaccords. La relation franco-allemande n’a jamais été épargnée par les épreuves. Mais sa force est précisément que l’on soit à chaque fois parvenu à trouver les portes de sortie. On a souvent dit que c’est la résolution de ces désaccords qui forge les consensus européens. En attendant de reprendre les discussions sur la restructuration de le la zone euro, l’affaire syrienne a une nouvelle fois fait ressortir la différence des réflexes à Paris et Berlin sur la réponse militaire aux crises. En s’accordant 24 heures pour s’aligner sur l’appel des Etats Unis et de leurs autres alliées européens membres du G 20  à une réponse ferme à la Syrie si la preuve était donnée irréfutablement de l’utilisation de gaz toxiques par les forces du président Assad, la chancelière Angela Merkel  a une nouvelle montré la difficulté pour l’Europe de parler d’une seule fois quand sa sécurité est en jeu. A deux semaines des élections législatives allemandes, la situation est délicate pour Mme Merkel, d’autant qu’elle fait face à un président français volontiers schizophrène, qui ne cesse de vouloir une défense européenne et de revendiquer en même temps une totale liberté de choix pour la France.

Sans l'Allemagne, la France devient-elle un « petit pays » ?

Face à la montée en puissance des grands pays émergeants, en Asie et en Amérique du sud, qui redessinent une nouvelle carte mondiale du pouvoir, aucun des pays européens ne peuvent prétendre seul jouer dans la cour des grands. Pas plus l’Allemagne, malgré la force actuelle de son économie, ni la Grande Bretagne et la France, avec leurs sièges au Conseil de sécurité des Nations Unies et une tradition militaire interventionniste. Ce n’est pas le décrochage actuel entre une Allemagne réformée et une France encore en attente de l’être qui expose la France à être un « petit ».  Ni l’un ni l’autre pays ne peut assurer à lui seul sa sécurité et encore moins revendiquer avoir la capacité de se lancer seul dans un conflit majeur : c’est ce qu’a montré la Libye, où Paris et Londres ont eu besoin de la logistique américain pour intervenir, et plus encore aujourd’hui la Syrie.

La puissance française au niveau européen peut-elle exister sans l’alliance avec l’Allemagne ?

Jacques Chirac avait lancé le terme d’ « Europe puissance », qui a toujours fait peur aux Allemands même si le chancelier Schröder s’y était rallié dans un discours à l’Assemblée nationale. Il est clair que cette Europe puissance ne verra le jour que si ses Etats membres, à commencer pas plus grands, décident d’unir leurs forces. Le succès de l’intervention française au Mali ne doit pas faire illusion. Aucun pays européen n’a les moyens financiers d’une politique de défense nationale crédible au plan mondial. Habitués au bouclier américain, les Européens hésitent à faire le saut pour assumer leur autonomie. C’est l’objet du sommet européen qui aura lieu en décembre 2013 à Bruxelles.

L’Allemagne est une puissance économique avec ou sans la France. Est-ce que la phase actuelle prouve que la France ne peut être une puissance politique que grâce au lien qui l’unit à l’Allemagne ? 

La France, jusqu’à la réunification allemande de 1990 et la fin de la guerre froide, a dû son auréole politique à sa capacité à représenter un pôle d’autonomie dans une Europe largement dominée par la puissance américaine.  Au fur et à mesure que la politique américaine se tourne vers d’autres cieux, cette volonté de construire une Europe responsable d’elle même trouve toute sa justification. Mais la France ne pourra aller jusqu’au bout de son idée que si elle porte en elle la force de l’assumer. L’affaiblissement actuel de son influence, en raison de ses difficultés à se projeter dans l’avenir, l’empêche de jouer auprès de l’Allemagne le rôle d’incitation que l’on pourrait attendre d’elle. Le succès de son modèle économique et son poids démographique confèrent à cette dernière un poids politique qui pourrait être décisif. Mais elle a depuis la guerre toujours été réticente à en faire usage. France et Allemagne ont plus que jamais partie liée.

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